Trois fleurs de la nation, le drapeau, l'hymne, la devise

Une documentation érudite sur les trois symboles de la France : enrichissante !
De
Jacqueline Lalouette
Passés Composés
Publication le 17 septembre 2025
412 pages
25 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Les trois symboles de la nation française sont ici étudiés au fil de l'histoire : le drapeau aux trois couleurs, la Marseillaise, la devise Liberté Egalité Fraternité. S'ils sont nés, parfois difficilement, sous la Révolution, ils n'ont pas toujours coexisté loin s'en faut, se voyant souvent rejetés, concurrencés, remplacés voire profanés...  

L'historienne a choisi le découpage de ses chapitres selon l'ordre chronologique : après avoir examiné les "fondations incertaines" de chacun des trois symboles entre 1789 et 1814, et insisté sur la naissance de La Marseillaise, plus compliquée qu'il n'est généralement admis, elle rappelle les "décennies inconstantes" de 1814 (en soulignant que Napoléon se montrait parfois réticent à La Marseillaise lui préférant Veillons au salut de l'Empire, mais attaché aux trois couleurs) jusqu'en 1875, évoquant évidemment le remplacement des symboles et "la guerre des couleurs" sous les deux Restaurations. Elle aborde ensuite les périodes si confuses des révolutions de 1830 et 1848 qui malmenèrent à la fois le drapeau, la devise et le chant national... le coup d'Etat et le Second Empire. 

Dans la troisième partie, les trois symboles sont tantôt portés en triomphe (de 1880 à 1914), tantôt contestés, concurrencés (La Marseillaise par des hymnes concurrents, l'Internationale notamment qui cependant ne la remplaça jamais). Puis viennent les deux guerres où le drapeau, pour les armées de 14-18, reprit de l'importance alors qu'il entra dans la tourmente et la confusion entre 1940 et 44. 

La quatrième partie examine comment les trois symboles sont finalement constitutionnalisés sous les 4e et 5e République. Et enfin, dans la dernière partie, est abordée la période contemporaine de 1968 à 2025, avec, hélas, des marques d'irrespect, de parodies, d'outrages même... 

Points forts

  • S'il existe de nombreux ouvrages ayant trait à l'un ou l'autre des symboles nationaux (les notes et la bibliographie en témoignent), on imagine mal qu'il puisse exister un ouvrage plus complet que celui-ci sur ce sujet. 

  • La documentation est abondante, les sources et les citations très nombreuses, les mentions des acceptations ou des refus dans les villes et villages de toutes les régions de France et d'outre mer, offrent un panorama lui aussi complet. Quant aux témoignages, ils ont l'avantage d'être souvent divergents, preuve que l'historienne prend en compte tous les points de vue sans parti pris. 

  • Au fil des pages, on s'amuse d'anecdotes savoureuses : sur le ténor Adolphe Nourrit qui faillit perdre la voix suite à une inflammation du larynx pour avoir à l'Opéra "braillé pendant deux mois de suite La Parisienne et La Marseillaise à la suite de Guillaume Tell..."  ; sur le chassé-croisé des couleurs :"on avait des cocardes de rechange dans chaque maison" ; sur le risque de déportation en 1815 pour arborer le drapeau blanc ; sur le jugement de Louis Blanc évoquant Lamartine : "poète possédé par un aimable démon"; sur le succès inouï de Hachette en 1899, qui publia le premier Almanach du drapeau récompensé par l'Académie française, et bien d'autres anecdotes...  

  • On apprécie les références à l'art (de nombreux artistes du XIXe ont reproduit le drapeau dans les scènes historiques) et à la musique (Rouget de Lisle bien que poète appréciant la musique n'avait aucune formation musicale...) 

  • On lit avec émotion le témoignage d'André Frossard emprisonné à Montluc : chaque fois que l'un des prisonniers partait "sans bagages" -pour être exécuté- les compagnons interprétaient en sourdine La Marseillaise comme une tendre complainte funéraire...  

  • On apprend par l'odonymie que les symboles sont également présents dans l'espace public de nombreuses villes (rue de l'Egalité, rue de la Liberté, rue des Trois Couleurs, rue de La Marseillaise, etc) 

Quelques réserves

L'abondance des références et des sources mentionnées (avec les noms et fonctions des personnes concernées), si elle traduit un énorme travail historique, oblige le lecteur à une attention très soutenue. Elle exige aussi qu'il se sente familier -ou du moins à l'aise- avec plusieurs périodes de notre Histoire, et certaines, par exemple le milieu du XIXè siècle, sont pour le moins agitées et confuses ! Cette étude approfondie qui ne se contente jamais ni d'un survol ni d'un résumé des vicissitudes de nos trois symboles, n'est donc pas destinée à qui voudrait s'informer rapidement. 

Encore un mot...

Si on aime l'Histoire, tous ces chapitres sont incontestablement instructifs. Néanmoins, la toute dernière partie, évoquant notre époque de 1968 à 2025, est évidemment celle qui retient le plus notre attention, pour la simple raison qu'on a connu ces événements, ces personnages... Faut-il évoquer les sportifs qui chantent à pleine voix ou ceux qui restent muets devant l'hymne national ? Faut-il rappeler les profanations de notre drapeau ou leur exhibition après des attentats ou lors de manifestations émotionnelles ? De tout cela, Jacqueline Lalouette n'omet rien et pousse la description avec moult précisions de lieux, de noms, de dates et de chiffres. 

Une phrase

  • “Musicologues et historiens ont avancé pléthore d'arguments pour et contre son attribution à Rouget de Lisle”. (p. 63) 

  • “Le titre La Marseillaise fut rare durant les années 1790 et il ne s'imposa vraiment que dans les années 1830.” (p. 66)

  • Les trois fleurs de la nation ont remporté des triomphes et essuyé des échecs et chaque symbole a connu les siens propres. Le drapeau a été magnifié par de grands peintres, pour rappeler sa place dans les révolutions (Cogniet, Delacroix) et dans les combats (Vernet), son rôle dans l'exaltation de la République (Daumier, Flandrin), le déroulement de la fête nationale (Manet, Monet, Van Gogh, Fernand Léger) et la glorification des grands hommes (Raoul Dufy, André Lhote). Chant militaire ou chant contestataire, la Marseillaise est aussi chant de communion... Plus statique, plus intellectuelle, la devise se lit parfois sur des banderoles mais elle reste le plus souvent collée sagement sur les façades.... elle proclame visuellement les grands principes de la République. Les trois symboles ont vaillamment tenu tête à des symboles concurrents...
    Si les paroles de la Marseillaise demeurent -mais les couplets chantés ne sont pas toujours les mêmes- son harmonisation et son orchestration varient...
    Différents sondages montrent que les Français tiennent majoritairement à leurs symboles, qui sont tout à la fois patriotiques, nationaux et républicains, et qu'ils les aiment -on les dit même volontiers "cocardiers", mot qui trouve ici sa pleine acception- peut-être tout simplement parce que, comme l'a confirmé le troisième "baromètre des Territoires" publié le 15 janviers 2025, ils sont massivement attachés à la France, qui est pour 80% d'entre eux "l'un des plus beaux pays du monde"... (pp. de conclusion, 315 et suiv.) 

L'auteur

Jacqueline Lalouette, professeur émérite d'université (Clermont-Ferrand puis Lille) est historienne spécialiste des questions politiques et religieuses de la France du XIXe siècle à nos jours. Elle a également publié Un peuple de statues. La célébration sculptée des grands hommes. France, 1801-2018 ( Mare & Martin, 2018). Elle a reçu en 2024 le Grand Prix Gobert d'histoire décerné par l'Académie française. 

Sur notre site : 

Les statues de la discorde de Jacqueline Lalouette (éd. Passés/composés, 2021: La furie iconoclaste, ses arguments et ses méfaits exposés dans une étude largement documentée qui expose les attaques contre des statues (vandalisées, déboulonnées, taguées, détruites, remisées, déplacées... lorsqu'elles sont censées représenter de "grands hommes " (en majorité blancs) dont l'action est, de façon directe ou indirecte, liée à l'esclavage ou la colonisation, tout cela au noms d'idéologies parfois proches de l'inculture ! 

Ajouter un commentaire

Votre adresse email est uniquement visible par Culture-Tops pour vous répondre en privé si vous le souhaitez.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir