Une Histoire des inégalités - de l’Age de pierre au XXIè siècle

N’y aurait-il que la violence ou les épidémies pour réduire les inégalités ? La démonstration érudite d’un maître en la matière qui pèse de tout son poids (lourd) pour le démontrer...
De
Walter Scheidel
Préface de Louis Chauvel -
Traduction Cédric WEIS -
Actes Sud, 768 pages - 28€
Notre recommandation
3/5

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Thème

Constante des sociétés humaines, l’inégalité a connu des phases d’expansion, comme aujourd’hui, et des épisodes de réduction, comme ce fut le cas après la seconde guerre mondiale. La littérature qui en traite est immense et certains ouvrages, pourtant assez techniques, connaissent un succès phénoménal, comme le Capital au XXI ème siècle de Piketty. Le professeur Walter Scheidel apporte sa – lourde - pierre à l’édifice avec un opus colossal qui se veut une histoire des inégalités depuis l’âge de pierre. Il s’agit, dans ce voyage à travers le temps, de comprendre les facteurs qui influent sur les inégalités, en les aplanissant ou en les exacerbant.

Points forts

Avec un peu de regret implicite, notre auteur parvient à la conclusion qu’il n’a jamais existé de mécanisme de réduction des inégalités qui ne fasse appel à la violence et qu’au surplus les résultats obtenus après ces phases de violence indicible se sont progressivement effacés avec le temps. De fait, Scheidel distingue quatre causes exclusives d’aplanissement tant des revenus que des fortunes qu’il baptise les quatre cavaliers, par référence à l’Apocalypse de Saint Jean ; ce sont la guerre, la révolution, l’effondrement de l’Etat et la pandémie.

L’érudition de Scheidel donne le vertige, ainsi que l’atteste une bibliographie de 68 pages que l’auteur semble maîtriser couramment. C’est peut-être là le principal mérite de l’ouvrage que de faire naviguer le lecteur de la Russie soviétique à l’Angleterre du Moyen-Age, en passant par le monde grec classique ou la chute de l’Empire romain. Il le fait avec un tel luxe de détails concrets que le lecteur partage la vie et la souffrance des Babyloniens ou des “Jacques“. Il comprend mieux les interactions entre les épidémies et l’économie et découvre que les grandes épidémies classiques, la peste, le choléra… ont frappé l’humanité avec une régularité d’horloge au cours des siècles… ce qui relativise notre covid 19.

Quelques réserves

Il faut au lecteur une bonne concentration pour suivre le fil du ou plutôt des récits de Scheidel. De répétitions en redondances, il peine parfois à comprendre la logique de son auteur.

Scheidel fournit des chiffres et des graphiques qui sont sensés illustrer son propos, comme le coefficient de Gini, couramment utilisé pour mesurer l’inégalité dans un groupe donné. Malgré toute sa science, on permettra au lecteur de douter de la précision du calcul pour des sociétés et des époques où la statistique n’avait pas encore les bases qu’elle présente aujourd’hui. Il est vrai que les tendances semblent assez vraisemblables. 

Quant aux graphiques, ils mériteraient quelques explications supplémentaires et éventuellement un peu de couleur… 

Sur le fond du propos, bien sûr le lecteur est intéressé de savoir que les invasions barbares de l’Empire romain, la révolution d’octobre ou la grande peste de 1348 ont provoqué une égalisation des conditions de vie et de fortune, tout comme la guerre de 1914-18 ou sa suite de 1940-45 ont arasé la fortune des rentiers ; mais, intuitivement, il le sait. La conclusion générale, en revanche, qui exclut toute cause pacifique de baisse des inégalités est assez tranchée et définitive pour stimuler la réflexion : l’avenir réserve-t-il une grande violence réductrice d’inégalités ou une poursuite de “l’inégalisation“ du monde.

Enfin, la question à laquelle ne répond pas Scheidel est capitale : quelles sont les interactions entre croissance et développement, d’un côté, et accroissement des inégalités, de l’autre ? Quid également du rapport entre inégalité et liberté ?

Encore un mot...

Une magnifique leçon d’histoire pour lecteur courageux ; le paresseux se contentera d’une préface claire et concise qui livre l‘essentiel de la thèse du maître.

L'auteur

Walter Scheidel, d’origine autrichienne, est une sommité dans son domaine. Il enseigne à Stanford. Professeur d’études classiques et d’histoire, il est membre du département de biologie humaine. Il a dirigé une vingtaine d’ouvrages savants ( disponibles en anglais) et promeut une nouvelle approche des mondes antiques et utilisant des techniques et arguments généralement appliqués à notre époque pour donner un éclairage renouvelé à l’étude du passé.

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