Une longue route pour m’unir au chant français. Le livre d’une vie.

Demain est un avenir déjà aimé. Magnifique !
De
François Cheng
Albin Michel,
Parution en octobre 2022
244 pages
17,90 €
Notre recommandation
5/5

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Comment et pourquoi devenir français ? C’est ce qu’explique l’auteur de ce livre passionné par l’Occident : d’où qu’ils viennent Rainer Maria Rilke, Mallarmé, Claudel, le peintre Zao Wou-ki, Heidegger, Kierkegaard ou Tourgueniev, tous l’ont précédé et le fascinent. Son érudition lui a fait autant aimer Rimbaud que Shelley ou Maître Eckhart. « Au-delà de mes cinquante ans, je m’engage dans une démarche « proustienne », en son sens que les chants jaillis de ma fontaine intérieure n’ont plus un caractère primesautier et fragmentaire. Ils résultent de longues maturations, ou ruminations, en sorte qu’ils se créent souvent par séries entières. » ( p. 126). 

Quand surgit dans ses lectures la détresse de Baudelaire, loin de l’écarter, il en perçoit la chute et sa capacité à y faire naître l’espoir d’un renouveau. Le culte de la beauté est l’allié inconditionnel de François Cheng et il l’offre à ceux qu’ils croisent. Ce sera le cas de trois grands écrivains poètes français qui aiment la Chine tout comme lui : Claudel, Segalen et Saint John Perse. A Claudel, il dédie un poème brûlant, Transformant tout en veillée nuptiale , à Segalen, un livre intitulé L’un vers l’autre, (2008) narrant leur voyage ensemble. Saint John Perse (1887-1975), pour sa part, aura deux de ses livres Anabase (1924) et Oiseaux que Cheng traduit en Chinois. Sur sa route jusqu’en 2022, les rencontres ne manqueront pas ; retenons André Gide (1869-1951), Roland Barthes, Julia Kristeva, l’éditeur François Wahl, Jacques Lacan, Paul Demiéville (1894-1979), brillant sinologue ayant une parfaite maîtrise des langues chinoise et japonaise qu’il enseignera à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, le poète Yves Bonnefoy (1923-2016), professeur au collège de France, l’écrivain belge Henri Michaux (1899-1984), Jacques de Bourbon Busset, écrivain et académicien  et Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuelle de l’Académie française.

Points forts

Deux mondes se succèdent chez l’écrivain et poète François Cheng : le premier monde est celui du jeune chinois qui s’est juré de devenir parisien, lettré français, n’abandonnant pas son sol natal mais voulant vivre dans la pleine liberté de ses actes comme de ses voyages. Quand il se met à écrire en français, la cadence de ses livres donne la priorité aux poèmes et sera son second monde : une voie qui l’enchante car elle lui ouvre l’éternité, la vie sur terre sans négliger pour autant la mort de tout être humain. La beauté de la nature et le cheminement de l’âme donnent à son écriture une force, un champ illimité et une détermination inébranlables : la foi en lui-même devient un chant que son horizon accueille. Si la poésie poursuit sa route, vient un temps où la quête constante du devenir ne soulève plus de doute quotidien :  l’amour de l’être aimé l’a remplacé. 

Quelques réserves

Absolument aucune !

Encore un mot...

En 1998, François Cheng reçoit le Prix Femina pour Le Dit de Tianyi et, la même année, le Prix Roger Caillois pour son Double chant, recueil de poèmes. L’an 2000 va accélérer le nombre de ses œuvres à une cadence de plus en plus soutenue  : Poésies Chinoises, poèmes et calligraphies de Fabienne Verdier, (Albin Michel), L’Eternité n’est pas de trop, (2002), date de son entrée à l’Académie française. En 2005, À l'Orient de tout, est édité par Gallimard suivi par Cinq méditations sur la beauté, œuvre inoubliable (Albin Michel) en 2006, L’un vers l’autre (2008), Cinq méditations sur la mort, autrement dit sur la vie (2013), Assise : une rencontre inattendue (2014), De l’âme (2016). Une longue route (2022) a la magie immédiate d’un récit semblant livrer l’étendue d’une vie avec ses souffrances et ses quêtes, ses rencontres et ses voyages : « la vie n’est jamais un état fixe, écrit-il, elle est toujours en devenir. Elle se présente chaque fois comme un instant unique dans l’éternité ou alors comme l’éternité condensée en un instant. » p.237    

Une phrase

  • « L’important est que s’offrent à moi les mots, dans leur vivante plasticité, chargée d’une sonorité, d’un parfum, d’une saveur inconnus, magiques. » p.51
  • « Interroger notre solitude et notre angoisse, intégrer la souffrance et la mort comme éléments cruciaux dans notre vision de la vie, intérioriser à fond les êtres et les choses au travers des expériences et, en transmutant le verbe en chant, de transcender notre destin par la quête. », p.53
  • « Faire pleinement face de nouveau à la Vie, à son énigmatique beauté comme à son irréductible tragique. Un tragique imposé à moi aussi bien par mon propre passé que par la souffrance de tant d’autres, qui hante ma sensibilité d’écorché vif. » p. 114
  • « Un principe de vie devrait être à la base de toutes nos aventures : le principe du Féminin. Ce principe n’est nullement de faiblesse ou de mièvrerie ; il est la véritable force, une force supérieure, enveloppante, endurante, comprenante, compensante. Son agir est dans la durée, tel un souffle ininterrompu …le Féminin a sa manière de se relier à la Vie et de la porter, d’affronter la souffrance et de l’assumer, d’entrer en connivence avec le Divin et de le sentir frémir dans les fibres mêmes de sa chair. » p.168

L'auteur

 François Cheng, né en 1929 et élevé en Chine, choisit de vivre en France dès l’âge de quinze ans, laissant ses parents et ses trois frères s’installer aux Etats-Unis. L’exilé volontaire, amoureux de la France, le lui témoignera dans une langue française magnifique : celle de sa carrière d’écrivain qui, en 2002, fera de lui un membre de l’Académie française.   

Ci-dessous la chronique : De l’âme

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De
François Cheng, de l’Académie française postface de Daniel-Henri Pageaux