Une très légère Oscillation

Un compagnon d'âme
De
Sylvain Tesson
Editions des Equateurs
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

De janvier 2014 au printemps 2017, Sylvain Tesson écrit son journal intime qui inclut la terrible chute du 20 août 2014 où il a failli perdre la vie. Pas tout à fait journal de bord, mais plutôt journal d’écrivain qui tel un sismographe enregistre les secousses aussi bien extérieures qu’intérieures, le récit nous livre en vrac les bruits du mondes, les réactions d’une conscience toujours en éveil et quelques-unes des activités d’un des écrivains les plus facétieux de sa génération. Car ce maître de l’escalade qui est aussi un alpiniste de la pensée n’aime rien moins aussi que ciseler des aphorismes dont il parsème généreusement les pages de ce journal.

Points forts

C’est toujours un immense plaisir que de prendre entre ses mains un livre de Sylvain Tesson car il fait partie de la famille et c’est ainsi qu’on le reconnait immédiatement tant son style et surtout son esprit et sa fantaisie sont uniques.

La chute qui a failli le tuer en aout 2014 n’a fait que renforcer son appétit de vivre tout en s'étonnant qu'elle n’ait même pas entamé sa capacité à arpenter le globe de la Chine à la Russie en passant par tous chemins noirs de France.

Cette santé physique ne pourrait pas s’exercer sans le formidable élan vital que l’écrivain trouve dans ses passions que sont la littérature, la lecture des philosophes et une sorte de jeu perpétuel avec la vie et la mort.

On appréciera particulièrement les aphorismes extrêmement nombreux dans ce journal qui sont à la fois une respiration, un mode de pensée et un art authentique qui rapprochent l'écrivain des auteurs de haïkus qu’il apprécie également beaucoup.

Il y a aussi dans ce livre une approche inquiète de l'existence à la lumière des évènements terribles qui secouent la planète. Sur l'islamisme notamment  les positions de l'écrivain relèvent  d'une perspicacité que l'on voudrait bien voir partager par beaucoup d'intellectuels aujourd'hui. L'auteur n'est jamais pris en abandon de poste.

Il y a également un souffle spirituel et une quête philosophique d’une grande exigence. Très attiré par la pensée orientale, Tesson ne renie pas la spiritualité occidentale.

Quelques réserves

C’est toujours pareil avec un auteur passionné… on compte parfois des baisses de régime.

Il y a des aphorismes un peu plus faibles où l’auteur qui aime bien jouer avec les mots et les situations semble oublier qu’un jeu de mots peut être aussi un pet de l’esprit!

Encore un mot...

Formidable Sylvain Tesson qui nous fait partager son énergie vitale et intellectuelle dans une vision kaléidoscopique des choses où la géographie répond à l’histoire, l’homme à la nature, la nature au cosmos. Il «organisise»  le paysage avec cette intuition profonde que la vie, c’est-à-dire l’homme, infuse son milieu et lui donne toute son épaisseur historique. Romanesque. 

Qu’il me soit permis de relater une expérience personnelle à l’occasion de la lecture de ce livre. Alors que j’étais parti au mariage de mon neveu Côme aux pieds des Alpes tout près de Saint Gervais, une heure avant la messe, j’ouvris le livre à la page où la cérémonie devait avoir lieu (!!!) : dans la baroquissime église de Saint-Nicolas de Veroce que Sylvain Tesson décrit avec soin. Il conclut ce passage en évoquant « le signe d’une vieille alliance passée dans notre histoire entre le Christ et nous, entre le Ciel et le paysage ». Cette coïncidence à proprement parler prodigieuse est comme une merveilleuse mise en abyme de cette œuvre; une correspondance intime entre lui et moi, son histoire et la mienne.

Une phrase

Il y en aurait tant....

L’embarras du choix est gênant; en voici quatre:

- "Vivre à la verticale de soi" 

- "L’ode à la diversité…Il faut se mêler! Pas d’issue sans pénétration! Citoyens de tous les pays, fécondez-vous! La vertu de la circulation est devenue un dogme. Si vous n’êtes pas le produit d’une rencontre, d’une altérité, d’un métissage, vous êtes un fossile"

- "Voter est tellement grotesque que les gens s’isolent derrière un rideau"

- "Les danseuses de Degas…c’est une entreprise d’arrêt de la fuite du temps. C’est une ode au corps beau et nu, maître de lui-même, au corps divin, au corps d’Isadora Duncan «inondé d’air et de lumière» le contraire du corps de la méduse à la dérive. Le contraire des corps qui se cachent, sous les linceuls noirs, dans l’ombre des dogmes, privés de soleil, honteux de ce qu’ils sont"

L'auteur

Sylvain Tesson nait à paris en 1972. Il est le fils du journaliste Philippe Tesson. Ses études de géographie et en géopolitique le prédisposent à partir voyager dans le vaste monde qu’il écume, particulièrement dans sa partie eurasienne. L’écrivain voyageur construit une œuvre qui, si elle n’est pas fictionnelle n’en est pas moins hautement romanesque.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir

Essais
Suite orphique
De
François Cheng, de l’Académie française postface de Daniel-Henri Pageaux