Voyage dans la France d’avant
Publication le 23 octobre 2025
475 pages
23 €uros
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Thème
Dans sa quête inlassable de l’analyse du déclin français, Franz-Olivier Giesbert propose une fois de plus d’en définir les sources et les causes, sous la forme d’une balade dans la « France d’avant », celle de son enfance mêlée à celle de ses lectures et de ses apprentissages, à sa culture historique, littéraire et politique, aussi vaste et hétérogène que ses conversations échangées avec le monde entier. Le premier de ces liens, fulgurant, révèle son sacré culot ; à quinze ans, il force la porte de Giacometti, en entrant ainsi dans l’intimité de l’artiste qui veut sculpter « la tête de l’homme vivant ». Il récidivera avec d’autres « monuments », ainsi Julien Green. Passé ce rappel initiatique, il va revenir aux faits et évoquer en vrac, le régicide voté à l’arraché, une erreur historique selon lui quand Louis XVI était sans doute le plus intelligent et le plus subversif des Bourbon, Robespierre « l’aigri malingre et vicieux » qui envoya tous ses contemporains à la trancheuse, Rousseau dont il voit les traits ressuscités chez Plenel, son thuriféraire qui créera Mediapart, une autre guillotine.
Sans oublier dans cette démarche exhaustive, le Régime de Vichy, la Collaboration et l'Épuration qui va suivre, en dressant l’inventaire des bons et des méchants avec, au passage comme le coup de pied de l’âne, le petit rappel historique du pacte germano-soviétique et celui du vote des pleins pouvoirs à Pétain par l’assemblée issue du Front Populaire, au cas où la gauche si vertueuse aurait oublié ses sorties de route. Bien sur et dans cet examen clinique de la cécité politique, il sera une fois de plus question de Sartre, une obsession chez l’auteur, tant il le voit « abject » dans sa déclaration d’amour au stalinisme et au maoïsme qui ont tant inspiré la gauche française et ses préempteurs, jusqu’aux petits bourgeois juchés sur les barricades de mai 68 qui brandiront Le petit livre rouge de Mao, un condensé de fadaises qu’ils n’auront jamais lu. Vient encore mai 1968, cette révolution des enfants gâtés et avec elle la bascule dans la France d’après.
Le déclin suivra par l’effet de toutes les renonciations successives qui vont suivre, annonciatrices de la fin, celles de la pensée et du courage politique sur fond de consumérisme, d’invasion du numérique et des réseaux sociaux, d’affaiblissement de l’enseignement au service du plus petit dénominateur commun, l’abandon de l’autorité faisant le reste, autant d’évolutions matérielles qui ne seraient que des fantasmes de progrès tirant le pays et l’Occident avec lui vers l'abîme.
Heureusement et en guise de respiration, il sera aussi question d’en rire, avec Pierre Dac et Francis Blanche, Bourvil et Fernandel et ce de Paris et Marseille, de fredonner avec Trenet et Brassens, de crier avec Brel et Bécaud, de rêver aussi avec Delon et Bardot, de se souvenir enfin de Jacques Rueff qui sauvera la France en défendant l’équilibre budgétaire à l’aube des Trente Glorieuses et qui n’a plus d’émules aujourd’hui. Il sera encore et bien sûr un peu question du « Grand Charles », l’idole de l’auteur, le seul qui ait vu loin parmi tous ces héros de la France d’hier dont on discerne quelques héritiers à peine dans la France d’aujourd’hui.
Et enfin, comme des symboles, apparaîtront dans cet inventaire à la Prévert deux voitures mythiques, la Deux-chevaux inventée par Pierre Boulanger et la 4L produite à la chaîne sur l'Île Seguin, et aussi bien, sans lien avec la voiture, Giesbert père, un GI débarqué en juin 1944 sur les plages du débarquement, un garçon subversif qui fuit l’Amérique abhorrée pour toutes ces prémisses de déclin que la France va importer à son tour en s’offrant à la société de consommation comme une prostituée, comme si le vent d’ouest charriait avec lui toute la faillite occidentale.
Points forts
Du « Giesbert » dans le texte, formidable pour ceux qui aiment et adhèrent au propos, à la cabale contre la gauche éternelle, condescendante, morale et pacifiste, insupportable pour les autres qui croient encore à ses vertus.
Une indéniable profusion de références, fruit des lectures tous azimuts de l’auteur et de ses innombrables rencontres et interviews, dans tous les genres et dans tous les mondes, assortie d’une grande liberté de langage, sa marque de fabrique.
Quelques réserves
Toujours un peu cette idée de « déjà vu » ou « déjà lu », ainsi en particulier dans la récente chronique publiée chez Gallimard de l’Histoire intime de la Vème République du Sursaut - Tome I (2021), à Tragédie française-Tome III (2023), en passant par La Belle Époque -Tome II (2022).
Encore un mot...
Giesbert est passé longtemps pour inclassable, voire pour une « balance » en adulant les hommes de pouvoir, pour les anéantir ensuite de sa plume assassine, ainsi Mitterrand qui lui en a beaucoup voulu. Il a évolué et pour cause, en servant plusieurs journaux d’obédiences diverses, L’Express, Le Nouvel Observateur, Le Point, et Le Figaro, pour finalement négliger le combat gauche-droite et les biographies lapidaires et travailler sur le déclin français, chercher à le comprendre pour le conjurer, un exercice qui le renvoie inlassablement à la critique de la Révolution Française dans l’esprit de Tocqueville, à l’apologie de la « nation » vantée par Renan, une « âme et un principe spirituel » qui a fait de lui, né dans le Delaware, un Français à part entière. Ainsi et ici, par son récit qui ratisse large, est-il question des hommes de tous les temps, de leurs lâchetés et de leurs parjures, de leur opportunisme aussi, voire de leurs compromissions.
La France d’avant n’est finalement guère plus belle que celle d’aujourd’hui, certains de ses héros sont comme des réminiscences, d’une époque sur l’autre. Exit Robespierre, Rousseau, Sartre, Bourdieu, Lacan… quand apparaissent Plenel et Piketty, LFI et le Syndicat de la Magistrature, des fossoyeurs au service du déclin, en attendant le sauveur, un général De Gaulle des temps modernes qui fera preuve de vision et de courage à la fois. Giesbert s’inscrit donc désormais dans ce type d’essais, à la mesure de la situation de déclassement du pays, dans la compagnie d’Onfray, Villiers ou Baverez, la gaieté et l’optimisme en prime ; le « tout est sauf » de Philippe de Villiers trouve ici un écho dans l’intarissable apologie de l’esprit français, aussi immortel que les académiciens dont il n’est pas. Ce n’est pas de politique qu’il est question, plutôt d’histoire et de sociologie, dans un récit flamboyant.
Une phrase
« Sartre sait que sa couardise pendant l’Occupation pourrait alimenter l’une des campagnes de dénonciation dont le PCF a le secret, contre ses complaisances, petits arrangements. Il est convaincu qu’il vaut mieux, plutôt que de laisser resurgir le passé, courber la tête, raser les murs. » Page 232
« Jacques Lacan, c’était l’envers ou l’avers de Mao, autre grande gloire de l’époque. Sauf qu’il n’a jamais fait tuer personne. » Page 294
L'auteur
Né en 1949 d’un père américain qui a participé au Débarquement et d’une mère française, agrégée de philo et catho de gauche à laquelle il vouait un profond attachement, élevé à Elbeuf tout près de l’imprimerie familiale et des livres, Franz-Olivier Giesbert écrit déjà à 10 ans et embrasse très jeune une brillante carrière de journaliste qui l’amènera successivement à L’Express, au Nouvel Observateur, au Point et au Figaro. Considéré longtemps de droite par les gens de gauche et de gauche par les gens de droite, il affecte d’être inclassable et il l’est, peut-être de moins en moins.
Auteur à succès, il a écrit à ce jour une vingtaine de romans souvent primés (Grand Prix de l’Académie Française et l’Interallié) et une quinzaine d’ouvrages politiques et de biographies, fréquenté tout le gotha politique et culturel de son époque, en France et partout dans le monde. Adepte du « je t’aime, moi non plus », serviteur zélé de la provocation, il rit de tout mais prend finalement les choses très au sérieux.
Sa dernière livraison littéraire, avant le présent ouvrage taillé dans le même bois, bâtie comme une fresque de la société française depuis l’avènement de la Vème République et ce en trois tomes, Le sursaut pour les années De Gaulle, La Belle Époque, pour les années Pompidou et Giscard, et enfin Tragédie française pour les années Mitterrand… a rencontré un immense succès de librairie.
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