Les arts en France sous Charles VII (1422-1431)

Une immersion dans l'Histoire à travers les arts majeurs du XVè siècle : tapisseries, vitraux, enluminures. A ne pas manquer !
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Musée de Cluny-Musée national du Moyen Age
6 place Paul Painlevé
75005
Paris
Jusqu'au 16 juin 2024. Ouvert tous les jours sauf le lundi de 9 h 30 à 18 h 15 ; les 1er et 3è jeudi du mois jusqu'à 21 h

Thème

Il s'agit de montrer comment, pendant les 40 ans du règne de Charles VII (1422-1461), plusieurs arts connurent une belle expansion dans plusieurs régions de France restées fidèles au roi. L'exposition revalorise donc cette période agitée, celle de la domination de la France par les Anglais dont le roi Henri V, français par sa mère, revendique le trône, soutenu par les Bourguignons, et celle de Jeanne d'Arc, suivie, après le sacre à Reims, de celle de la reconquête du royaume et de sa réorganisation. 

Dès l'entrée, un immense panneau offre les précisions historiques  indispensables : généalogie du roi, cartes de l'état politique des régions  françaises, grandes dates et événements en France en parallèle avec la Bourgogne -Pays Bas et l'Italie. 

L'exposition se déploie en 3 grandes salles sous les immenses voûtes des anciens thermes et chacune d'elles montre de magnifiques ouvrages enluminés, prêtés par la Bibliothèque nationale, rarement exposés (plus d'une cinquantaine). On peut les admirer à la fois ouverts sur une page, et par un diaporama qui déroule les folios des plus belles enluminures. Car l'enluminure, art majeur de l'époque, atteint à cette date des sommets. 

La première salle rappelle les réformes engagées par le roi : reconquête militaire (est exposé le fameux Traité de Troyes 1420 déshéritant le dauphin, puis celui d'Arras 1435 instaurant la paix avec Philippe Le bon et la fin de la guerre de Cent ans) ; réforme de l'armée (avec Jean d'Orléans-Dunois) ; réforme de la justice, du parlement et de l'administration. D'immenses tapisseries, - autre art majeur - aux couleurs éclatantes, illustrent les emblèmes de Charles VII (cerf ailé, St Michel, soleils d'or, 3 couleurs rouge, vert, blanc) et le Dais royal réaffirme son pouvoir souverain. 

Avant de passer dans la salle suivante, on s'arrête devant le fameux portrait de Charles VII par Fouquet... mais en examinant d'autres détails que le visage : les rideaux qui le dévoilent comme une divinité, les inscriptions du cadre ("Le très victorieux Roi de France Charles septième de ce nom"), et tout ce qui exprime la dignité royale. Dans des vitrines sont exposés des sceaux de majesté à la cire verte et des médailles récompenses en or.  

La salle 2 met à l'honneur les maîtres verriers en insistant sur l'art du vitrail, notamment le magnifique "Joueurs d'échecs" en grisaille et jaune d'argent, et les motifs de la rose sud de la cathédrale d'Angers. Sont ainsi présentées les richesses variées des différents foyers artistiques : le Bourbonnais (collégiale de Souvigny), le Lyonnais, la Bretagne (le duc François 1er s'étant rallié à Charles VII, ses villes Nantes et Rennes recèlent de nombreux trésors), la Champagne, la Picardie, la Normandie (Rouen), la Touraine (Tours), le Berry (Bourges)...  

La salle 3 aborde "les germes d'un art nouveau » (ars nova), souligne le mécénat de René d'Anjou en Provence et surtout l'influence des artistes des Pays Bas bourguignons et de l'Italie. On rencontre alors Jean Fouquet, tourangeau "à nul autre pareil", "le plus grand peintre du XVe siècle français". Son autoportrait en médaillon (émail et camaïeu d'or) est l'un des éléments phare de l'exposition. De même que le "Diptyque de Melun" représentant Etienne Chevalier (puissant maître du Trésor) présenté par saint Etienne, et la Vierge à l'enfant, le sein dénudé, représentée sous les traits d'Agnès Sorel. 

On découvre plusieurs "Maîtres des Heures" (de Bedford, de Dunois, de Jouvenel, Barthélémy d'Eyck...) et particulièrement André d'Ypres. Sont réunis ici pour la 1ère fois, les trois panneaux composant son chef d'œuvre : "Le Triptyque de Dreux Budé" : Le baiser de Judas, Crucifixion, Résurrection.  

Points forts

La répartition des objets dans les salles est particulièrement étudiée et facilite la compréhension de l'époque. Plusieurs "innovations" techniques aident à l'observation, en particulier des peintures qui sont reproduites sur papier au pied du tableau avec les explications nécessaires. Malgré le nombre de visiteurs on circule aisément parmi les œuvres. 

L'un des premiers objets exposés est émouvant : une cotte de maille retrouvée à Formigny (victoire décisive en 1450 pour la reconquête de la Normandie) avec une lourde épée et quelques chambres à poudre. 

Deux chefs d'oeuvre d'orfèvrerie méritent attention : l'Ostensoir de Louis XI et le reliquaire pour la couronne d'épines.  Quelques statues, comme la ravissante Marie Madeleine, les pleurants au capuchon rabattu, la statue présumée de Jean de Dunois chevalier en armure, sont admirables. 

Plusieurs enluminures, fragiles à la lumière, sont à regarder en soulevant un drap de protection : on a l'impression (justifiée) de découvrir un secret... et toujours un chef d'œuvre de couleurs, de détails floraux précieux, de personnages vivants. 

Les 150 pièces exposées toutes judicieusement choisies réhabilitent cette période mal connue voire mal considérée.  

Quelques réserves

Plutôt un regret : l'absence du gisant d'albâtre sur table noire de La "Dame de Beauté" Agnès Sorel, tombeau monumental installé à Loches, évidemment impossible à déplacer... Ici, on admire le gisant d'Anne de Bourgogne, duchesse de Bedford, soeur de Philippe Le Bon.

Encore un mot...

Voilà une exposition qui bouleverse les idées préconçues : non, Charles VII ne fut pas un roi faible et indécis (comme son visage le suggérerait) mais au contraire, un négociateur de paix habile, un chef de guerre, un réorganisateur politique hors pair. Il a eu l'intelligence de s'appuyer sur les princes fidèles (les Orléans, Anjou, Bourbon...), sur ses "officiers" (il fut surnommé "le roi bien servi") et de faire monter dans l'échelle sociale des hommes fiables (y compris Jacques Coeur dont l'ascension fut aussi brutale que la chute). 

Non, la période, si troublée fut-elle, n'empêcha pas la production artistique ... car ces hommes-là enrichis furent aussi des mécènes, des bibliophiles, des collectionneurs, des commanditaires de chefs d'œuvre. 

Une phrase

"Sous Charles VII, il est évident que Paris n'est plus capitale des arts... Avec le Traité de Troyes, elle passe sous domination anglo-bourguignonne, ce qui oblige le roi légitime à fuir... La première décennie du règne, marquée par l'instabilité politique, laisse sans doute peu de temps au roi qui doit financer ses campagnes militaires. Tout cela est très bien décrit par Philippe Contamine dans sa monographie de Charles VII... Il y eut aussi durant ce règne d'importantes commandes de textiles, en particulier de livrées... la production d'objets orfévrés était manifestement abondante... "  (extrait de l'interview de Séverine Lepape, commissaire générale, menée par Armelle Fayol pour le magazine Dossiers de l'Art, éd. Faton). 

" Sur les territoires relevant de l'autorité de Charles VII, les artistes prennent connaissance des innovations flamandes soit directement au cours de leurs voyages, soit par le biais de croquis, de modèles, et chacun filtre ce qu'il voit, adoptant certaines choses nouvelles, en rejetant d'autres." (idem) 

L'auteur

Outre Séverine Lepape, conservatrice générale et directrice du musée de Cluny, le commissariat de l'exposition est assuré par Mathieu Deldicque (musée Condé de Chantilly), Maxence Hermant (BNF) et Sophie Lagabrielle (musée de Cluny). 

La biographie  Charles VII, une vie, une politique par le médiéviste Philippe Contamine qui fait autorité est parue aux éditions Perrin dans la collection poche Tempus (2021). 

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