Regarde les lumières, mon amour
Texte lu par Françoise Gillard
Durée 1 h 54
11,99 Euros en téléchargement
(Edition brochée, première parution en 2014 au Seuil. 71 pages)
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Thème
Une traversée du réel, dans les allées sans fin d’un hypermarché, où le regard d’Annie Ernaux, à la fois aigu et sensible, repère les signes discrets de notre époque. Pendant un an, elle consigne dans un journal les scènes ordinaires de la consommation, en faisant surgir, derrière les gestes les plus anodins, la trame de nos liens sociaux, de nos routines et de nos ambiguïtés collectives.
Points forts
- Une langue dépouillée et littéraire : chez Ernaux, chaque mot pèse, chaque silence compte. Elle dit l’essentiel, avec une économie de moyens qui confine à l’élégance nue.
- Un sens aigu de l’observation : Ernaux capte les gestes, les silences, les frictions minuscules du quotidien avec une justesse remarquable. Elle esquisse des micro-récits saisis sur le vif, qui dessinent en creux une cartographie sociale, précise de notre société.
- Une lecture féministe affutée : ce lieu, banal en apparence, prolonge la sphère domestique dans l’espace public. Temple invisible de la charge mentale, il est encore rarement regardé en face - surtout par une littérature dominée par des regards masculins, où le réel féminin reste trop souvent relégué aux marges, exception faite d’Au bonheur des dames d’Émile Zola.
- Une posture critique tranchante : elle s’agace des artifices du langage marchand - ces injonctions déguisées, cette politesse mécanique qui masquent à peine le mépris social. Elle dénonce la manière dont l’hypermarché exerce un pouvoir discret mais constant : en orientant nos désirs et en reléguant les plus modestes à l’arrière-plan. Pourtant, sous cette critique affûtée affleure une ambivalence. Une mélancolie diffuse imprègne son écriture, comme si elle savait que derrière les néons froids se joue aussi une part de sa mémoire.
Quelques réserves
Une originalité déroutante : Le lecteur peut légitimement s’interroger sur la nature de cet objet littéraire. Ni roman, faute d’intrigue ou de personnages, ni véritable essai, car dénué de démonstration structurée, le texte échappe aux catégories classiques. Il s’apparente à un journal, certes, mais d’un genre atypique, resserré autour d’un unique thème, exploré avec une obstination presque clinique. Une forme hybride déconcertante.
Encore un mot...
Sous la plume d’Ernaux, le centre commercial cesse d’être un lieu sans âme : il devient un miroir sans tain de notre ère consumériste. Rayons, attentes, silhouettes anonymes, tout révèle les clivages et les routines qui nous traversent. En s’attardant sur ce que nous ne voyons plus, Ernaux nous oblige à ouvrir les yeux - pas seulement sur les lieux, mais sur nous-mêmes.
Une phrase
“ Pourquoi ne pas se venger de l’attente imposée par un hypermarché, qui réduit ses coûts par diminution du personnel, en décidant tous ensemble de puiser dans ces paquets de biscuits, ces plaques de chocolat, de s’offrir une dégustation gratuite pour tromper l’attente à laquelle nous sommes condamnés, coincés comme des rats entre des mètres de nourriture que, plus dociles qu’eux, nous n’osons pas grignoter ?”
L'auteur
Prix Nobel de littérature 2022, Annie Ernaux est une figure majeure de la littérature contemporaine française. Elle construit depuis des décennies une œuvre autobiographique exigeante, sociale, souvent politique, dans laquelle elle dissèque l’intime autant que le collectif.
La lectrice
Sociétaire de la Comédie-Française, Françoise Gillard poursuit essentiellement une carrière au théâtre. Outre sa carrière théâtrale, elle a tourné pour le cinéma (Alain Resnais) et la télévision, et a prêté sa voix à plusieurs romans de Nothomb (Psychopompe, Premier sang...). Elle lit remarquablement bien et son ton neutre convient parfaitement à celui de l’ouvrage.
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