Mémoire de fille

Annie Ernaux, pour le plus intime affectivement, et le meilleur littérairement!
De
Annie Ernaux
Editions Gallimard - 160 pages
Notre recommandation
5/5

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Lu
par Culture-Tops

Thème

Un été 1958, une jeune fille de 18 ans, Annie Duchesne, accompagnée par sa mère, arrive à S. dans l’Orne. Là, avec d’autres jeunes, elle va être monitrice de colonie. Là, sa vie va basculer. Défloration pendant deux nuits, avec H., le moniteur chef, un grand blond, un type baraqué à la Marlon Brando… 

« Mémoire de fille », c’est le récit de la toute première fois, de la découverte de la sexualité (« Il force. Elle a mal »), de l’homme qui n’imagine pas la relation sexuelle autrement que par la possession (je prends, je jette quand je veux). 

« Mémoire de fille », c’est le récit de la honte: Annie Duchesne traitée de « pute sur les bords » par les autres moniteurs et monitrices. 

C’est aussi le récit du désir: refaire l’amour avec cet homme, avec d’autres hommes pour une « dérive enchantée ». A corps perdu pendant deux années, errance et glaciation, boulimie, absence de menstruations, études mises entre parenthèses, départ pour Londres où elle bosse comme fille au pair.

Dans les pages de la vie de cette jeune fille, un été 58, dans les pages de ce livre, des stupeurs et des tremblements…

Points forts

- Un travail de mémoire qui ne se contente pas, comme chez quelques pratiquants de l’autofiction, de dérouler des épisodes de leur vie, mais que l’auteure place aujourd’hui pour mieux mettre en perspective hier, raconte le passé pour éclairer le présent.

- L’alternance du « je » du présent et du « elle » du passé, ce qui amène l’auteure à « déconstruire la fille qu’elle a été ». Et à inventer une quatrième personne du singulier pour une nouvelle grammaire de l’être.

- Une nouvelle preuve apportée par Annie Ernaux que tout épisode de sa vie est matière à écriture; non pas à roman, mais bien à écriture. A « récit de vie », comme l’auteure de « Mémoire de fille » aime à qualifier ses livres.

- La confirmation que le présent est « le fantôme du passé, pas l’inverse ». Ce qu’on appellera le « présent antérieur »...

- Le travail de mémoire pour une petite histoire en construction.

Quelques réserves

Même en cherchant bien dans les moindres détails, difficile de trouver un point faible à « Mémoire de fille »…

Encore un mot...

Evoquant son nouveau livre, Annie Ernaux confie : « L’idée que je pourrais mourir sans avoir écrit sur celle que j’ai nommée très tôt « la fille de 58 » me hante »… Elle a écrit « Mémoire de fille ». Un grand texte, puissant, incandescent, émouvant pour saisir la vie qui va, qui vient. Un texte indispensable.

Une phrase

- « Souvent, je suis traversée par la pensée que je pourrais mourir à la fin de mon livre. Je ne sais pas ce que cela signifie, la peur de la parution ou un sentiment d'accomplissement. Ceux qui écrivent sans penser qu'ils pourraient mourir après, je ne les envie pas ».

- « Explorer le gouffre entre l'effarante réalité de ce qui arrive, au moment où ça arrive et l'étrange irréalité que revêt, des années après, ce qui est arrivé ».

L'auteur

Née Annie Duchesne, le 1er septembre 1940, à Lillebonne (Seine-Maritime), Annie Ernaux a grandi en Normandie, à Yvetot où ses parents tenaient une épicerie. Après le lycée et l’Ecole normale d’institutrices (1958), elle se  marie avec Philippe Ernaux et a son premier enfant (1964). Dix ans plus tard, elle publie son premier livre : « Les Armoires vides ». En 1978, elle reçoit le prix Renaudot pour « La Place ». Suivront, entre autres, « Une femme » (1987), « La Honte » (1997), L’Occupation (2002), Les Années (2008), « Regarde les lumières mon amour » (2014). 

Même si elle ne se reconnaît pas dans la qualification, elle est une des stars de l’autofiction française (avec Christine Angot). Pour son nouveau livre, « Mémoire de fille », elle explique avoir longtemps remis toujours au lendemain l’écriture d’une séquence de sa vie, séquence fondamentale mais enfouie au plus profond d’elle-même…

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