Les Gens de la Nuit

De
Michel Déon
Editions La Table Ronde
Notre recommandation
2/5

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Thème

Après trois ans de légion étrangère et une rupture douloureuse, un jeune bourgeois « bien » traîne son désenchantement dans les bars et les caves du Paris d’après-guerre. Chargé d’ « encanailler » les clients à gros budget de son agence de relations publiques, il découvre dans une boîte de Saint-Germain-des-Prés une fille lasse, aux larges yeux cernés, qui accepte de partager son lit et ses nuits d’errance alcoolisée; d’autres amitiés improbables viendront alors se greffer au hasard des « magies du noctambulisme » jusqu’à la rédemption finale.

Points forts

- Une description mélancolique, parfois corrosive, d’un Paris disparu, celui des bistrots des Halles et des brasseries de Montparnasse, des caves enfumées et des zincs douteux où une faune interlope et livide traîne son mal de vivre, de cognac en whisky et de bière en vin blanc. - Quelques jolies images du Paris qui se lève « avec les poubelles ». - Un style fluide, agréable à lire, parfois brillant, pimenté de quelques trouvailles (« Manon l’Escroc »), et de descriptions qui sonnent juste (les petits bourgeois enrichis s’empiffrant aux tables des brasseries). A noter l’emploi récurrent des mots « veule » et « veulerie » qui marquent l’atmosphère du roman.

Quelques réserves

Seuls, quatre protagonistes sont crédibles dans ce roman qui a sans doute mal vieilli : les deux associés de Jean Dumont, compétents et amicaux; Gabriel Dumont, totalement humain avec ses ambitions d’académicien, sa tendresse mesurée pour son fils et sa petite maîtresse; et Peggy, que son « vrai » mal de vivre conduit au suicide. Tous les autres sonnent faux, la palme revenant à Sommer, personnage totalement artificiel qui n’existe en fait que comme catalyseur du drame final. Quant à Michel, rien dans son parcours chaotique n’est convainquant, d’où l’impression que sa mort elle-même est disproportionnée. Les figures féminines paraissent fabriquées et il est difficile de s’attacher au narrateur, à son chagrin d’amour dérisoire, à ses gueules de bois répétitives et à ses états d’âme sur-joués qui laissent un peu froid. Déon a peut-être voulu faire de ses héros des « fils de roi » à la manière de Gobineau dans Les Pléiades, mais il ne nous restitue que l’image de dandys sans épaisseur et faussement provocateurs.

Encore un mot...

A la relecture, on comprend mieux pourquoi ce roman de Déon avait laissé si peu de traces.

Une phrase

"On a beau nier l’amour-propre, il est là. Ce n’est pas un sentiment plus bas qu’un autre (…) La justification de l’amour-propre se trouve peut-être dans une certaine conscience de la dignité, dans l’obstination à ne pas se laisser détruire aux yeux d’autrui".

L'auteur

Rattaché sur le tard au groupe des « Hussards», école de pensée aristocratique et libertaire stigmatisée dans les années 50 par Bernard Franck (Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent, Kleber Haedens), Michel Déon, 96 ans aujourd'hui, appartient à cette génération désinvolte et courtoise, issue de l’Action française, qui ferraillait jadis contre les papes de l’existentialisme. Célèbre, entre autres pour Les Poneys sauvages et Un taxi mauve, il a été élu en 1979 à l’Académie française dont il est aujourd’hui vice-doyen. "Les gens de la nuit", écrit en 1958, vient d’être réédité.

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Michel Déon a fait beaucoup mieux après.

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