Billy Wilder et moi

Un chant du cygne magnifiquement interprété
De
Jonathan Coe
Traducteur : Marguerite Capelle -
Editions Gallimard, 8 avril 2021 -
296 pages -
22 euros
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Jonathan Coe nous fait découvrir Billy Wilder par les yeux d’une jeune fille grecque, Calista, qu’il rencontra par hasard à Los Angeles et engagea comme interprète sur le tournage de l’un de ses derniers films, Fedora, en Grèce puis en Allemagne et enfin en France.

Nous assistons à la rencontre de la tradition et de la modernité, d’un cinéma classique confronté au Nouvel Hollywood, d’un artiste au crépuscule de son œuvre et de sa vie avec la jeunesse triomphante mais en plein questionnement.

C’est également le roman d’une époque et d’un homme qui puise dans son siècle (1906 – 2002) et notamment les tragédies des deux guerres mondiales, les épisodes qui nourrissent sa vie et ses films.

Points forts

Jonathan Coe a écrit une vingtaine de romans et biographies depuis la fin des années 80. Comme à chaque fois, le bonheur de lire est au rendez-vous. Après un livre d’une ironie cinglante sur le Brexit, Le Cœur de l’Angleterre, paru en 2018, l’auteur britannique nous livre avec Billy Wilder et moi un roman d’apprentissage comme ceux qu’il affectionne.

Billy Wilder et moi multiplie les allers-retours entre l’époque du tournage du film en 1978 et différents épisodes de la vie de Calista, son héroïne, qui traverse l’histoire comme un fil rouge.

Si le livre aborde des épisodes dramatiques du XXème siècle comme le nazisme, il est illuminé par la présence de Billy Wilder, drôle, léger, touchant, digne représentant de cette Mitteleuropa (il est né dans l’Empire austro-hongrois et vécut à Berlin avant de s’exiler à Paris puis aux Etats-Unis dans les années 30). Écrivain puis cinéaste, Billy Wilder incarne parfaitement son époque et égrène ses souvenirs placés sous le signe de la légèreté et de l’humour.
Peut-être faut-il avoir connu les pires horreurs pour apprécier la vie avec autant de plaisir ?

Jonathan Coe fait revivre l’âge d’or du cinéma et d’une époque, synonyme d’un certain art de vivre, dont il est difficile de ne pas être nostalgique. Le personnage de Calista, jeune fille moderne pleine de vie et de projets, insouciante et joyeuse, est le trait d’union avec notre époque.

Quelques réserves

Peut-être Fedora, l’avant-dernier film de Billy Wilder, n’est-il pas son meilleur ? Mais le tournage raconté par Jonathan Coe est un pur moment de bonheur.

Vous voilà face à un cruel dilemme : une rétrospective Wilder ou lire (relire ?) tout Jonathan Coe ?

Encore un mot...

« Tais-toi et distribue » dit Shirley MacLaine à Jack Lemmon qui vient de lui déclarer sa flamme dans la dernière scène de La Garçonnière, qu’il écrivit et réalisa en 1960. Pudeur, émotion, justesse de la réplique … tout Billy Wilder est là.

Dans son pantagruélique roman (1100 pages d’une seule phrase), Les Lionnes, Lucy Ellmann cite plusieurs fois cette réplique, comme l’expression parfaite d’un moment de grâce.

Une phrase

« Il [Billy Wilder] s’apprêtait à monter dans la voiture mais s’interrompit pour me sourire : « tu sais, cette soirée nous a rappelé à tous les deux quelque chose d’important. » Je me demandais à quoi il pouvait songer – ce que lui et moi pouvions bien avoir en commun. « Peu importe ce qu’elle te réserve par ailleurs, reprit-il, la vie aura toujours des plaisirs à t’offrir. Et il faut savoir les saisir. » Et puis cet homme qui avait accompli tant de choses en son temps, et tant souffert aussi, tira sur son chapeau pour l’incliner sur son crâne, selon un angle parfait, et me fit un salut : « souviens-toi de ça », ajouta-t-il. Et je m’en suis toujours souvenue. » (page 275-276).

L'auteur

Jonathan Coe a 59 ans. Il a rencontré le succès avec son quatrième roman, Testament à l’anglaise. Il marie parfaitement un humour British très grinçant avec un amour fraternel pour les personnages qu’il met en scène.

La satire violente des débuts a progressivement laissé la place à des récits plus apaisés mais toujours comiques et satiriques, ajoutant à l’humour l’élégance et la délicatesse du moraliste.

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