
Ermitage
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Thème
Le petit village de Saint-Jean du doigt est décidément le centre du monde culturel (Emphalos chez les Grecs anciens) pour les Finistériens trégorois. A côté du Festival Jazz à Saint-Jean -l’allusion au fameux Jazz à Juan est transparente- qui bat son plein au moment où ses lignes sont écrites et dont nous rendions compte l’année dernière dans ces colonnes à peu près à la même époque, la mécène Véronique Gaudrat poursuit l’accueil des musiciens classiques frais émoulus des écoles au travers de son initiative Tremplin jeunes talents. L’idée est d’offrir, grâce à un réseau d’hôtes présents partout sur le territoire français, aux musiciens qui débutent leur carrière, des lieux de rodage de leurs concerts dans un climat de confiance face à un public bienveillant.
Véronique Gaudrat, pour sa part, reçoit le public dans le salon de musique de son manoir de Pont Ar Gler. Cette fois-ci, elle a vu les choses en grand avec la complicité d’un collectionneur de voitures de sport (la mythique Jaguar type E entre de nombreux autre modèles) qui lui a ouvert les portes de son garage situé sur les hauteurs du village. Environné de ces merveilleuses machines d’un autre âge, le public a pu assister au concert des deux chambristes Paul-Marie Kuzma, violoncelliste et Ionah Maiatsky, pianiste. Ils jouent ensemble depuis l’époque, encore proche, de leurs études au Conservatoire (CNSM). Ils ont déjà leurs œuvres fétiches dues à Poulenc, Rachmaninov ou Beethoven.
Au programme du concert de Saint-Jean, la magnifique sonate de Rachmaninov, présente dans leur album paru en début d’année, la sonate numéro deux de Beethoven et ses sept variations sur un thème de la flûte enchantée de Mozart qui figureront dans leur prochain album. Et en bis, une sublime interprétation de leur morceau de bravoure, Vocalise.
Points forts
La complicité, l’entente fusionnelle entre les deux interprètes ;
Leur capacité à chaque fois qu’il joue un morceau de leur répertoire, de découvrir des richesses cachées ou de délivrer un point de vue inopiné ;
Le magnifique son que Paul-Marie sait tirer de son violoncelle, cet instrument qui se rapproche le plus de la voix humaine, et la sensibilité à fleur de peau de Ionah, dont le jeu au piano est tout en nuance et en subtilité ;
La chance de pouvoir écouter la sonate de Rachmaninov, dont les œuvres pour musique de chambre sont loin d’être les plus connues. Avec la sonate, on est transporté dans un univers féérique et on a affaire à une pièce dont l’importance historique dans l’évolution de la forme-sonate est sans doute sous-estimée.
Quelques réserves
Nous seulement nous n’en formulons aucune, mais encore il convient d’insister sur la chance que nous avons de posséder dans notre pays un dispositif aussi complet de formation de nos jeunes musiciens. Il est couronné par le CNSM où se perpétue et se transmet de génération en génération et pour chaque instrument une véritable école française.
Encore un mot...
Outre la sonate de Rachmaninov, l’album Ermitage comporte aussi la sonate de Francis Poulenc et celle de Nicolaï Roslavets. Le programme choisi est d’une cohérence parfaite qui résulte du choix trois compositeurs du début du siècle précédent ont contribué, chacun à sa manière, au renouveau du genre de la sonate pour piano et violoncelle. Nicolas Rosvalets, en particulier, qui fut pourchassé de son vivant par le pouvoir soviétique, ne voit œuvre véritablement découverte et réévaluée que dans les années quatre-vingt, malgré la perte irrémédiable des partitions de certaines pièces majeures. Cet auteur à découvrir a su, indépendamment de Schoenberg, développer un système atonal qui lui est propre.
L'auteur
Ionah Maiatsky, d’origine franco-russe a été élève au CNSM et a remporté le premier prix du concours de piano Albert Roussel. Il forme un duo avec le violoncelliste Paul-Marie Kuzma depuis 2018, qui a suivi les cours de Jérôme Pernoo au CVSM et fut lauréat du concours international Tremplin.
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