Liberation Songs
Parution le 14 novembre 2025
15,99 Euros
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Thème
Avec cet album, le contrebassiste et chef d’orchestre Stéphane Kerecki rend hommage au contrebassiste, chef d’orchestre et compositeur Charlie Haden, qui débuta sa carrière de leader en fondant le Liberation Music Orchestra après une collaboration remarquée avec deux pianistes d’exception : Paul Bley et Keith Jarrett.
Cette formation enregistra en 1969 un premier Liberation qui marqua les esprits. Elle s’inscrivait dans le sillage des mouvements contestataires qui secouaient alors l’Amérique : radicalisation du mouvement des droits civiques, manifestations géantes contre l’engagement militaire des USA au Vietnam, domination des dictatures militaires en Amérique latine à l’exception de Cuba...Charlie Haden, sans abandonner les idéaux de cette époque, évoluera ensuite jusqu’à enregistrer certaines musiques à la gloire de l’Amérique profonde ou le sublime Nocturne avec le Cubain Rubalcaba, consacré aux musiques d’avant la révolution cubaine.
Pourquoi ressentir la nécessité aujourd’hui de ressusciter les mânes du passé au travers de cet hommage au Liberation du grand Charlie ? Son répertoire puisait dans les chants de libération populaire, au premier rang desquels ceux de la guerre civile en Espagne. Lorsqu’on s’acharne ainsi à exhumer les rengaines de combats anciens d’un passé révolu, ne reconnaît-on pas implicitement que ces temps disparus, sublimés par le chant, peuvent nous inspirer au présent ?
Stéphane Kerecki apporte sa réponse à ces interrogations. Il se sent littéralement « convoqué » par la dégradation de la situation mondiale dont le retour des populismes est un des signes les plus manifestes. Pour lui, il faut reprendre la flamme de Haden car l’invocation de l’esprit qui souffle dans Liberation, est universel : hier le combat contre le fascisme, aujourd’hui contre les populismes, toujours la lutte contre la guerre et l’oppression, pour l’émancipation de l’homme.
Mais quand on a dit tout cela, on n’a rien dit. Comme chacun sait, il n’y a rien de plus difficile que d’écrire sur la musique parce que, comme l’a dit Jankélévitch, elle est l’ineffable.
Alors, écoutons.
Points forts
Le répertoire des titres choisis pioche dans les quatre albums du Liberation Music Orchestra : Libération Music Orchestre, Dream Keaper, The ballad of the fallen, Not it our name. Il s’agit pour la plupart de chants de libération ou de protestation. Leurs origines sont diverses, puisqu’elles vont de l’hymne pour les droits civiques chanté par Joan Baez (We shall overcome) au chant de protestation contre la montée du nazisme (Song for the United Front, Bertold Brecht) en passant par l’hommage à Dolores Ibarruri qui inventa la formule No pasaran ! (La passionaria).
Ces chants sont marqués du sceau de la simplicité et de l’émotion. Stéphane conserve une orchestration épurée au service de la pureté originelle de ces chants comme autant de cris de ralliement qui transcendent le temps et l’espace.
Seule adaptation par rapport à l’original: une formation élargie autour de la contrebasse de Stéphane Kerecki qui occupe une place centrale, composée d’un quintet avec clarinette basse et guitare en plus de la section rythmique avec piano ; et deux invités de marque : Airelle Besson à la trompette et Emile Parisien au saxophone soprano.
Haden occupait une place à part parmi ses pairs. Adepte de l’art du sous-entendu, de l’élision et parfois-même de l’oubli, il privilégiait, à tout le moins en apparence, la lenteur et sollicitait le registre grave de l’instrument à partir d’un son ample et impérial.
C’est peu de dire que Stéphane a reçu la leçon du maitre. En grand musicien, il en a gardé l’esprit, la substantifique moelle, s’exposant avec brio à la comparaison, toute en retenue sensible.
Il est une qualité intrinsèque de son jeu qu’on ne saurait passer sous silence, c’est la beauté immarcescible de sa sonorité. Ecoutez la sonorité de Charlie, écoutez celle de Stéphane et vous serez édifiés.
La réussite de cet hommage n’existerait pas sans l’indispensable apport des musiciens auxquels Stéphane a fait appel. Ils pratiquent ensemble cet « art de la conversation » au sens du XVIIIe siècle, auquel le contrebassiste est très attaché. Chacun écoute l’autre, sait garder le silence quand il le faut, peut réagir lorsqu’il est interpellé, et souvent tous tombent d’accord sans l’avoir voulu et c’est le miracle de l’improvisation.
Quelques réserves
Notre époque est friande de cérémonies mémorielles à la gloire des grands du jazz aujourd’hui disparus. En 2026 par exemple, des hommages multiples sont déjà annoncés pour célébrer le centenaire de la naissance de Miles Davis et de John Coltrane. L’album de Stéphane Kerecki tranche par son actualité musicale et citoyenne.
Encore un mot...
Vous pouvez écouter cet album sur les plateformes numériques ou savourer l’objet sous forme de CD, la rémunération des musiciens est meilleure. Encore mieux, vous pouvez assister au concert de présentation, qui aura lieu le 15 janvier 2026 au Bal Blomet dans le quinzième arrondissement, qui n’est autre que l’ancien Bal nègre.
L'auteur
Stéphane Kerecki, né en 1970, eut pour professeurs au Conservatoire National de Musique et de Danse de Paris, les plus grands contrebassistes dont Jean-François Jenny-Clark, Ricardo del Fra et Jean-Paul Celea. Il a joué avec de nombreux musiciens de premier plan comme sideman : Michel Portal, Sheila Jordan, Tony Malaby, parmi les principaux.
Il obtient en 2001 le deuxième prix de soliste au Concours National de jazz de la Défense.
Il est l’auteur de plusieurs albums-concept particulièrement réussis : Nouvelle Vague (Outnote-Harmonia Mundi, 2014), French Touch (Incises, 2018).
Il est toujours membre du trio de l’exigeant Daniel Humair. Il collabore régulièrement avec le pianiste Marc Copland.
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