A Fairy Tale, À travers le miroir

Comment retrouver le monde de l’enfance
De
Rodolphe Menguy, piano
Mirare Production
Parution le 26 septembre 2025
CD (MIR 750)
20 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

La jeunesse fait parfois bon ménage avec la maturité là où, parfois, l’expérience des années ne suffit pas à apporter ce supplément d’âme à quoi on reconnaît en général un artiste accompli. Avec Rodolphe Menguy, nous nous trouvons en compagnie non seulement d’un excellent pianiste (il y en a beaucoup) mais d’un merveilleux musicien (il y en a beaucoup moins) dont la valeur n’a non seulement pas attendu le nombre des années mais semble même les avoir défiées. 

Pour son deuxième enregistrement, le jeune homme vient de nous proposer chez Mirare un bouquet d’œuvres dont l’éclectisme apparent ne verse pas dans un fourre-tout dont on aurait peine à identifier la logique sous-jacente. L’artiste a tout au contraire procédé à une sélection rigoureuse de partitions répondant à une unité d’inspiration placée sous les auspices de l’onirisme et du fantastique, ce monde qui excède le réel pour vous faire basculer dans un outre- monde, comme il y a un outre-noir qui livre l’essence de la couleur sombre. Ici, nous sommes conviés au royaume des esprits dans ce qu’il contient à la fois de plus poétique et de plus lumineux, l’inquiétante étrangeté d’un monde qui nous fascine autant que nous le redoutons, à raison des liens de proximité, voire d’intimité que nous entretenons avec lui tout en nous en défendant.

Points forts

Car du réel au rêve, il n’y a qu’un pas que nous font allègrement franchir les contes en nous faisant passer « à travers le miroir » comme l’indique assez le titre retenu pour cet enregistrement : les contes ne s’affranchissent de la réalité que pour mieux nous en parler. Ainsi de ces partitions minutieusement choisies qui, toutes, ont un arrière-fond similaire peuplé de créatures venues de loin telles que des sorcières, des fées, des nains, des faunes ou autres êtres maléfiques et fabuleux.

Rodolphe Menguy est allé puiser dans le fond mythologique qui, depuis les Grecs, alimente l’imaginaire occidental pour nous interpréter des pages de la littérature musicale dont le point commun est d’avoir été créées sous les auspices des mondes magiques de l’enfance et à un moment crucial de l’histoire de la musique, au tournant du 19ème siècle finissant qui allait plonger tout droit dans la modernité :Tchaïkovsky, Grieg, Debussy ou Rachmaninov croisent les chemins de Mel Bonis, Medtner, Dukas, Korngold ou Stravinsky - énumération qui serait vaine si elle ne soulignait l’étendue et la multiplicité du répertoire abordé par le pianiste.

Mais pour être multiple, il n’en est pas moins unifié par le projet d’aller voir ailleurs, non pas si j’y suis, mais si je peux y retrouver une part d’innocence perdue ou un refuge à l’abri des duretés du monde. Et de fait, le parcours musical auquel nous sommes conviés doit s’entendre comme une invitation au voyage qui serait en même temps un retour sur soi, quête intime nous emmenant dans un pays lointain qui tout aussi bien n’aurait jamais cessé d’être le nôtre.

Et c’est sans doute la force de ces pièces que de nous entraîner là où nous craignons d’aller alors que l’univers onirique n’a en réalité jamais cessé de nous être familier en ce que nous y avons tous plongé nos racines dès l’enfance : ainsi de La Belle au bois dormant dont Rodolphe Menguy nous propose le Concert Paraphrase (arrangement Pavel Pabst), des Pièces lyriques de Grieg avec notamment la Marche des nains, des bijoux symbolistes de Mel Bonis donnant la part belle à ces êtres de légendes comme Omphale la reine lydienne, la fée Viviane ou l’héroïne mythologique Phoebé, ou encore, de La plainte, au loin, du faune de Paul Dukas et quelques autres partitions dont l’intérêt essentiel est de nous immerger dans le monde souterrain des maléfices et des enchantements avant que L’oiseau de feu, en son éclat stravinskien, ne vienne nous en délivrer.

Quelques réserves

On ne saurait dans ces conditions émettre des réserves, tant résonne dans ces pages le « Il était une fois… »  qui nous ouvrit jadis les portes des rêves que nous avons quittés et que nous aspirons à retrouver, tels des promeneurs nocturnes voulant renouer avec des mondes de jadis.

Encore un mot...

Enregistré sur un piano Yamaha CFX II, l’artiste parvient à partager avec l’auditeur une gamme d’ambiances émotionnelles la plus large possible, depuis le grandiose chez Tchaïkovsky jusqu’à la netteté cassante de Stravinsky, en passant par la violence de Rachmaninov ou le spleen de Medtner qui, chacun à leur façon, contribuent à instiller cette dose de musicalité rare faite de retenue et d’expansivité tout en nuances.

L'auteur

Né en 1997, Rodolphe Menguy débute très tôt ses études musicales au CRR de Boulogne-Billancourt où il obtient son DEM de piano à l’âge de 14 ans. Il est ensuite admis à l’unanimité au CNSMD de Paris dans la classe de Denis Pascal et Varduhi Yeritsyan dont il sort en 2022 avec le Diplôme d’Artiste Interprète Classique. Par la suite, il est admis à l'Accademia Nazionale de Santa  Cecilia à Rome où il se perfectionne auprès de Benedetto Lupo.

Rodolphe se produit régulièrement aussi bien comme soliste que chambriste dans des festivals et salles prestigieuses : Festival de la Roque d’Anthéron, La Folle Journée de Nantes, Festival Radio France Occitanie, Festival Chopin à Paris, Musicales de Normandie, Ambassade de France à Washington, etc…

Il possède un large répertoire, de la musique de Bach à la création contemporaine en passant par Mozart, Haydn, Beethoven, Schubert, Chopin, Schumann, Liszt, Brahms, Debussy, Ravel, Bartok, Stravinsky, Hindemith, Messiaen, Boulez…

Il est depuis juillet 2024 résident à la Fondation Singer-Polignac.

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