La terre des égorgés

Un bon roman policier qui remonte le temps des peurs ancestrales et des complots sans scrupules
De
Armand Cléry
Héloïse d'Ormesson
Publication le 30 avril 2025
400 pages
21 €
Notre recommandation
3/5

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Thème

En cette fin d'année 1814, qui voit un hiver glacial s'installer, les rives de la Loire près d'Orléans sont le siège d'une série d'attaques d'une bête dont on ne sait si elle est loup ou pire, goule ou sorcière. Il y a là des paysans pauvres, des notables orléanais, un marquis misanthrope et sa nièce, un apprenti naturaliste, des soldats en garnison. Et il y a une terreur qui monte au fur et à mesure que les victimes augmentent. L'enquête associe police, médecins, Adelphe le naturaliste, Carolange la nièce, le préfet Talleyrand (neveu du célèbre évêque) ; le constat des faits et la submersion des irrationalités engendrées par la peur d'un monstre ou d'une sorcière décuplent les passions. Car de loup, il n'est peut-être pas exclusivement question ! Cette enquête dans les frimas, brumes, neige et pluies (les grands chapitres du roman donnent le ton !) va nous rapprocher de 6 militaires aux intentions machiavéliques, pour contester le retour depuis avril 1814 de la royauté de Louis XVIII.

Points forts

  • Si ce roman peut rentrer dans la "case policier", puisqu'il est construit autour d'un fait divers et de l'enquête qui s'ensuit, il mérite un éloge particulier : la qualité de son écriture. Dans cette qualité, il y a bien sûr le déroulement de l'intrigue. De ce point de vue, il tient ses promesses. Ce qui est plus inhabituel, c'est la richesse et l'authenticité de la langue.  

  • Un prologue nous plonge sur les rives de la Loire, non pas en témoin moderne, mais tel qu'un journaliste de l'époque aurait pu le raconter, avec son phrasé et son vocabulaire. 

  • Le roman conserve, sous une forme un peu atténuée, cette écriture qui peut paraitre surannée mais aussi immersive qu'efficace. Comportements, commentaires, fantasmes et croyances sont décrits dans la forme, et sans doute dans le fond, tels qu'ils furent vécus au début du XIXème siècle.

  • Il ne fait pas de doute que l'auteur connaît la Loire, Orléans et la Sologne, jusqu'à la référence à des noms patronymiques de familles qui ne sont peut être pas éteintes, un clin d'œil pour connaisseurs ! 

  • A rebours des romans policiers sur vitaminés, ce roman offre un déroulement précis enrichi du tableau convainquant du quotidien de ses personnages, de ses hiérarchies sociales, de ses stéréotypes, de ses peurs et de ses espoirs. 

Quelques réserves

  • Puisque nous évoquons des clins d'œil, les lecteurs amateurs de BD conviendront peut-être que la figure féminine de ce roman, séductrice et démoniaque, est un peu dans les stéréotypes du genre des années 70. Appréciation toute personnelle !

  • Réserve plus objective : le recours à un certain nombre de mots ou d'expressions "d'époque", nécessitera quelques allers et retours vers un dictionnaire - ceci pour les plus curieux.

Encore un mot...

La terre des égorgés est un roman qui vous plonge littéralement dans des faits terrifiants, aux racines mystérieuses, avec autant de réalisme que si nous en suivions le déroulement aux côtés des protagonistes. Force à la plume d'Armand Cléry d'avoir été trempée dans l'esprit du siècle autant que dans l'encre noire séchée à la poussière d'or. A le lire, on ne peut pas ne pas penser aux grands romanciers de l'époque, dont la richesse du vocabulaire, à l'image de ce roman, délivrait des imaginaires d'une grande richesse.

Une phrase

" On croyait réentendre Ponsot lorsque le gendarme avait voulu en remontrer au Jacquot à Bucy : tous cédaient, sans le savoir, aux excès de l'imagination dès qu'ils s'appliquaient à décrire un loup, a fortiori un loup enragé, et tous faisaient de ce loup, qu'ils l'eussent vu ou non, un prédateur prodigieux.
Avec un dédain de citadin, Adelphe n'hésitait pas à croire les habitants des campagnes influencés par les récits entendus à la veillée. Mais le Louiset l'ignorait, il se contentait de livrer son témoignage sans s'apercevoir que celui-ci correspondait moins à la réalité qu'à une représentation toute faite qui lui faisait oublier ce que lui-même avait vu. À l'entendre, la course de l'animal était si rapide qu'il semblait voler; il faisait des bonds de sept à huit pieds de hauteur, des écarts de douze à quinze de distance; il soufflait avec un bruit effrayant. Adelphe se disait qu'il n'y avait guère que lui, parmi tous ces pauvres gens, pour faire preuve d'un peu de raison.
- Mais celui-là précisément, ce loup, comment était-il? insista Carolange.
- Crénom! cria le gamin entre deux sanglots. Il était comme je vous dis qu'il était!" P 201

L'auteur

Armand Cléry, diplômé de l'Ecole Normale Supérieure, est agrégé de lettres classiques et docteur en littérature. On dit qu'il doit son nom de plume à la petite commune de Cléry Saint André, près d'Orléans, région à laquelle il est attaché, qui est aussi le théâtre de son roman, Camille, 1815 (le prix Napoléon Ier du réseau des Villes Impériales 2024). Sa passion littéraire s'incarne dans des romans historiques.

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