
Au grand jamais
Publication en août 2025
247 pages
20,50 €
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Thème
Le point de départ est la disparition de la mère de l'auteure. Mais en fait elle avait déjà disparue en renonçant à écrire des poèmes et Jakuta Alikavazovic nous amène plutôt vers ses propres histoires liées à l’ex-Yougoslavie, d’où sa mère s’est enfuie, mais également vers son enfance à Paris, et ce don particulier de la famille dont nous ne saurons pas grand-chose. Une mère évoquée mais sans nom et sans visage, présente et également très absente, un cousin énigmatique, un ami - amant d’enfance, un grand-père rescapé par miracle ou par ce « fameux don de la famille », tout est sujet à la résurgence et au mélange des souvenirs d’enfance de l’auteure.
Points forts
Jakuta Alikavazovic est une conteuse remarquable. Qu’elle nous parle de la Guerre Froide et du rôle d’espionnage supposé de sa mère, de ce grand-père qui aurait échappé au peloton d’exécution puis à l’incendie criminel de sa maison sans savoir comment, de l’histoire de la construction des piliers du Pont de Londres qui contiendrait des cadavres d’enfants pour en consolider la construction, du groupe de jeunes révolutionnaires parisiens dans les années 90 qui déroulaient un tapis boulevard Saint-Michel pour ralentir la circulation et la Société, du livre qui avait compté dans sa petite enfance, de cet amour d’enfance retrouvé mais qui finalement ne serait pas le même : tout est prétexte à une évasion totale , une perte de repère qui donne au récit une envergure toute particulière et un charme indéniable.
Quelques réserves
Parfois la juxtaposition des différents thèmes et la prolifération des retours en arrière peuvent sembler gênantes pour la lecture.
Encore un mot...
Pas d’histoire, pas de héros à proprement parler, mais des souvenirs, des contes : un charme fou.
Une phrase
« Je comprends ces gens qui partent acheter des cigarettes et qui reviennent vingt ans plus tard. Des cigarettes, des allumettes, l’objet varie, même s’il est souvent question de feu dans ces départs. Je les comprends dans mes os, je les comprends même si je doute qu’ils aient jamais existé - autrement du moins, que comme fictions. Comme personnages, amalgames du réel, de nos peurs, de notre désir et de notre dédain. Je les comprends profondément et je les méprise profondément, comme je me comprends profondément et me méprise profondément lorsque je parviens, au prix d’un effort surhumain, à m’arracher à ce tableau, à ce temps auquel j’étais clouée. Le soulagement, ensuite, quand le courant reprend - le soulagement efface tout, d’abord le mépris que j’ai pour moi-même, et ensuite la compréhension de mon geste, tout est englouti par le soulagement, et je me retrouve à me demander pourquoi, par quel mystère, je n’ai pas pu rester jusqu’à la fin de ce dîner. De cette pièce de théâtre. De ce rapport sexuel. De cette histoire d’amour. De cette histoire. Oui, même de cette histoire. »
Page 95
L'auteur
Jakuta Alikavazovic, est née le 6 octobre 1979 à Paris d’un père monténégrin et d’une mère poète bosniaque qui choisissent de s’installer en France dans les années 70.
Elle suit ses études à l'École normale supérieure de Cachan, séjourne aux États-Unis, en Écosse, en Italie. Agrégée d'anglais, elle enseigne à la Sorbonne.
D'abord auteur pour la jeunesse, elle publie en 2006 Histoires contre nature, un recueil de nouvelles. L'année suivante paraît son premier roman, Corps volatils, pour lequel elle reçoit le Goncourt du premier roman et des critiques très élogieuses.
En 2010, elle publie son second roman, Le Londres - Louxor, qui bénéficie d'un accueil très enthousiaste de la part de la presse et se retrouve dans la sélection du Prix du Livre Inter.
En 2012, elle publie La Blonde et le Bunker, qui remporte la mention spéciale du jury du prix Wepler.
Son quatrième roman, L'Avancée de la nuit, paru en 2017, finaliste du Prix Médicis et élu révélation française de l’année par le magazine Lire.
En 2021, Comme un ciel en nous obtient le prix Médicis de l’essai.
Jakuta Alikavazovic contribue depuis 2019 à la chronique «écritures» du journal Libération.
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