L’oreille absolue

Dans une petite commune française, tensions et réconciliations autour d’un projet musical… Un délicieux et subtil roman polyphonique
De
Agnès Desarthe
Editions de l’Olivier
Publication en août 2025
19,50 euros
135 pages
Notre recommandation
4/5

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Lu
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Thème

Lors du dernier conseil municipal avant Noël, le maire de cette bourgade typiquement française émet deux souhaits : celui, prosaïque, de ne pas voir l’un de ses administrés décéder faute de place dans le cimetière communal et celui plus réjouissant de tous se retrouver, oubliant les rancœurs coutumières, lors du concert rituel de fin d’année de l’harmonie municipale…

La Providence protège à l’évidence les ouailles du dit-maire puisqu’en dépit d’accidents en tous genres, aucun décès n’est enregistré !

Les musiciens de ce petit orchestre, soucieux de se produire avec la même ferveur et le même enthousiasme que les années précédentes, tentent avec plus ou moins de succès d’oublier les nécessaires vicissitudes de leur vie routinière.

Certains rapprochements s’opèrent, les liens se retissent et les cœurs s’ouvrent pour faire de ce moment musical le réceptacle d’un sentiment joyeux.

Points forts

Le roman que nous propose Agnès Desarthe est imbibé d’une écriture drolatique, sincère, faussement légère et admirablement maîtrisée.

L’humour côtoie le drame sans impudeur, le mutisme des secrets de chacun laisse place à une parole libératrice, les amours anciennes se parent d’une vigueur nouvelle et tout cela pétille dans la coupe d’une micro-société encline malheureusement à laisser ses membres s’arroger le droit d’épier et à se priver de la quiétude d’un lien social serein !

Le texte est plus qu’enlevé, il est régi par une structuration musicale très intelligente, agrémenté d’une réelle subtilité.

Telle une partition, les différents segments du livre s’inspirent de l’architecture d’une symphonie, avec le thème principal, réitéré en tête de chaque chapitre ; les épisodes de la vie de tous les protagonistes du roman deviennent des séquences instrumentales variées et en apparence éloignées les unes des autres pour se rejoindre et se vêtir de la justesse d’un tempo harmonieux. Les histoires des uns et des autres s’entrecroisent et se rejoignent pour offrir un final rasséréné et paisible.

Quelques réserves

Très peu de dissonance dans ce morceau littéraire !

Les sautillements dans le temps peuvent laisser place à une forme de déstabilisation, les fragments de texte recasés à intervalles réguliers dans l’ensemble du récit lassent peut-être, mais ces errances apparentes sont plutôt amusantes et apportent surtout la preuve d’une maestria d’écriture qui honore son auteure.

Encore un mot...

Sont tour à tour évoqués dans ce roman des thèmes très divers, allant de la difficulté de gestion des problématiques d’une commune lambda - sujet épineux du moment à quelques encablures d’élections à venir - à la nécessaire tenue d’événements populaires, socle d’une cohésion sociale malmenée en tous sens !

Et c’est ici que fait irruption cet orchestre amateur, avec son lot de musiciens bénévoles plus ou moins doués mais parmi lesquels se distingue un personnage mis au ban du groupe pour le motif futile d’une disgrâce physique banale et qui dispose d’un don rare dès lors qu’il est avéré : l’oreille absolue.

Derrière ce vocable quelque part un peu magique et que d’aucuns s’autorisent à s’en prévaloir, les connaissances scientifiques récentes nous en donnent une explication précise qui ne trouve sans doute pas sa place dans une chronique littéraire mais qui mérite qu’on s’y intéresse de plus près…

Une phrase

 « Et, comme en réponse, à la faveur d’une minuscule transe, les musiciens, sans en avoir conscience, s’ouvraient à lui (le chef d’orchestre). Il percevait alors leurs secrets, leurs espoirs, leurs souffrances. Sans les connaître bien, il les comprenait tous ». Page 68

L'auteur

Agnès Desarthe est née à Paris en 1966. Normalienne, elle écrit depuis un peu plus de vingt-cinq ans des romans pour la jeunesse et des romans publiés essentiellement aux Editions de l’Olivier. Son œuvre a été récompensée à de nombreuses reprises en recevant, entre autres distinctions, le prix Renaudot des lycéens en 2010 pour son roman La nuit brune et le grand prix du roman de l’académie française en 2015 pour Ce cœur changeant.

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