Cette chose étrange en moi

Quand un Prix Nobel fait honneur à son titre
De
Orhan Pamuk
Editions Gallimard - 688 pages
Notre recommandation
5/5

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Thème

« Cette chose étrange en moi » a pris, si on le croit (et pourquoi ne pas le croire ?), six ans de la vie du romancier Orhan Pamuk, dont trois pour l’écriture. Dans ce foisonnement, dans cette épopée, dans cette fresque qui court sur près de 700 pages, le héros s’appelle Mevlut Karatas. Comme tant de paysans pauvres d’Anatolie, il est venu avec ses parents à Istanbul, espérant une vie meilleure. A présent, dans les rues de cette ville de presque 15 millions d’habitants et sise sur deux continents, il vend la boza, sorte de yaourt liquide et doucement alcoolisé (« pour le taux d’alcool, précise Pamuk, trois verres de boza sont équivalents à un verre de bière… »). 

Les années passent, Istanbul ne cesse de s’étendre avec une urbanisation frôlant en permanence la folie. Là, au fil du temps, inexorablement (?), le raki supplante la boza. Mais qu’importe ! même si ses amis se marient et agrandissent leurs habitations, Mevlut, lui, continue d’arpenter les rues stambouliotes. Avec Mevlut, c’est encore et toujours Istanbul, mon amour, et tant pis si des projets de commerce ne prennent pas forme ou si ses lettres d’amour n’arrivent pas à la bonne destinataire…

Points forts

- L’immense talent d’Orhan Pamuk qui, à travers Mevlut et ses amis, nous fait découvrir, percevoir la transformation, l’explosion démographique de cette ville d’Istanbul, une des plus peuplées au monde en ce début de 21ème siècle. On est, à toutes les pages du roman, dans une ville de toutes les folies, là où un homme venu de la province a décidé d’y être heureux.

- Dans cette épopée, dans cette fresque qu’est « Cette chose étrange en moi », Orhan Pamuk utilise ce marchand ambulant, cette vigie mobile et privilégiée, pour happer et décrire dans ses moindres détails, dans ses moindres recoins, un monde et une civilisation en plein bouleversement sur une période de cinquante ans.

- Une chronique sociale et familiale, saupoudrée d’une pointe d’épice politique. Une chronique qui transpire de cette chose étrange en moi, quelque chose qui ressemblerait à la nostalgie et à la mélancolie…

- Le bonheur de la lecture du sous-titre (immense) de « Cette chose étrange en moi » : « La vie, les aventures, les rêves du marchand de boza Mevlut Karatas et l’histoire de ses amis et Tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par les yeux de nombreux personnages ».

- Pour que le lecteur ne se perde pas dans cette épopée, l’auteur propose en ouverture un arbre généalogique et termine par une chronologie et un index des personnages. 

Quelques réserves

S’il faut trouver un point faible, alors disons que nous avons là un livre exigeant, qui demande attention et concentration. Et on modère aussitôt en précisant que « Cette chose étrange en moi » est un roman dont la lecture se mérite !

Encore un mot...

Un grand livre de la vie, des aventures et des rêves. Un grand roman qui reste à l’esprit bien après la fin de la lecture.

Une phrase

- « Il y a deux sortes d'amour en ce bas monde. Le premier, c'est de tomber amoureux de quelqu'un parce qu'on ne le connaît pas. Si les gens se connaissaient un peu avant le mariage, la plupart d'entre eux ne tomberaient jamais amoureux. C'est la raison pour laquelle notre Saint Prophète ne jugeait pas convenable les rapprochements avant le mariage. Et puis il y a ceux qui s'aiment après le mariage, parce qu'ils ont passé leur vie ensemble, une conséquence d'ailleurs du mariage sans se connaître ».

- « Ce qui fait qu'une ville est une ville, c'est justement la possibilité de se fondre dans la foule et d'y cacher son étrangeté ».

L'auteur

Né le 7 juin 1952 à Istanbul (Turquie), Orhan Pamuk est un romancier et essayiste turc. Adolescent, après le baccalauréat, il a étudié la peinture et l’architecture. Plus âgé, il a poursuivi une formation de journaliste tout en écrivant ses premiers textes littéraires. Une première nouvelle est publiée en 1979 et son premier roman, « Cevdet Bey et ses fils », paraît en 1982. 

Il passe trois années à New York et travaille sur son nouveau roman, « Le Livre noir », qui sort en librairie en 1990. Dans le même temps, lui qui se définit « de culture musulmane », s’engage pour la liberté d’expression, la défense des droits de l’Homme et le dialogue entre les peuples. En Turquie, il est considéré comme contestataire, ayant refusé en 1998 le titre et le statut d'« artiste d'État ». 

Docteur honoris causa des universités de Berlin et de Rouen, distingué par de nombreux prix dans le monde, il reçoit le 12 octobre 2006 le prix Nobel de littérature. 

Il est l'écrivain turc le plus vendu à travers le monde.

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