Comment tu parles de ton père

Un précipité d'amour filial
De
Joann Sfar
Editions Albin Michel - 151 pages
Notre recommandation
5/5

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Thème

Dans cette autobiographie Joann Sfar évoque la disparition de son père, truculent avocat niçois, juif séfarade, promoteur à ses heures, Don Juan tout le temps, bagarreur souvent, passé de la défense des femmes de mauvaise vie à celle des banquiers, sans aucun complexe. Un homme qui redécouvre sa judéité à la mort de sa femme alors que leur fils Joann n'a que trois ans.

Au cours du récit, les thèmes du manque  de ce père pour le moins haut en couleurs, du mal de mère, de son ex- femme, de sexe, de l'impossible paix entre Israël et la Palestine sont tour à tour abordés.

Dans cette introspection brouillonne mais pleine de tendresse, de drôlerie, de chagrin , il est question ici d'homélie funèbre ou de kaddish, c'est selon, enfin et surtout d'amour filial pour ce père magistral.

Points forts

Joann Sfar signe dans "Comment tu parles de ton père"un livre emprunt d'amour pour les hommes de sa vie -son père, son grand-père, deux héros picaresques- et l'ombre de sa mère; le tout avec un humour décapant. 

Forcément on pense au "Petit Nicolas" de Goscinny mais celui-là a la faconde du sud et l'humour juif. Drôle de mélange, me direz-vous? Et pourtant ça fonctionne grâce au talent de l'auteur.

Enfin il y a une vraie émotion quand il parle de la dichotomie entre ce père admiré et craint, plein de religion et de traditions, et lui, Joann Sfar, qui revendique une forme d'athéisme dont il a fait sinon une religion, du moins une philosophie.

Quelques réserves

Si vous cherchez un livre académique, passez votre tour. L'écriture bouillonnante, l'articulation farfelue des chapitres peut déconcerter. De même si vous avez une pudeur de violette, vous pourriez être perturbé par les mots crus que l'auteur emploie. 

Dans son écriture, l'auteur de BD n'est jamais loin. Parfois les dialogues sont proches des bulles que l'on trouve dans les bandes dessinées.

Encore un mot...

André, le père de Joann Sfar a incontestablement un côté Don Drapper dans "Mad Men", une figure qu'on adorerait détester mais qu'au fond on aime bien. Et ce, grâce à l'auteur qui parvient à nous faire rentrer dans son monde  qu'il décrypte avec tendresse et humour. Un précipité d'amour filial. 

Un livre, une bande dessinée, une expo, Joann Sfar est décidément très en vu ces temps-ci puisque sort donc, concomitamment, sa BD, "La fin de la parenthèse",  et que se déroule à Montmarte une exposition Joann Sfar-Salvador Dali, "Une seconde avant l'éveil" (jusqu'au au 31 mars 2017), où l'on retrouve l'univers surréaliste du maître.

André Sfar, père de sang et de chair, Salvador Dali, père artistique de cet ex-étudiant des Beaux-Arts, le parallèle s'impose, d' évidence.

Une phrase

"Bien entendu tout cela a démarré avec la rage de ne pas avoir été déporté, ça c'est joué à quelques jours près. Mais enfin ça vous crée une culpabilité pour la vie. Hitler a loupé les Juifs d'Algérie et par cette omission, il s'est fait un ennemi à sa mesure: papa." page 113.

Tout le surréalisme de Sfar est dans ce texte.

L'auteur

Né en 1971 à Nice, Joann Sfar est un auteur prolifique qui raconte des histoires sur tous les supports. Auteur de bandes dessinées célèbres -entre autres, "Kletzmer", "Le chat du rabbin", 'La fin de la parenthèse" pour la dernière (chronique à venir de Nicolas Autier)-, il est aussi réalisateur -son film, remarqué, sur Gainsbourg- et là, il nous offre une autobiographie.

De multiples fois récompensé, Joann Sfar est un auteur qui compte dans le paysage culturel français.

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