
Embrasser Kaboul
Publication le 6 mars 2025
377 pages
23 euros
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Thème
Au milieu des années 1920, Elisabeth Bellet semblait destinée à perpétuer un modèle familial convenu : elle est fille d’un notable malouin, pharmacien établi, promise à un prétendant anglais de bonne famille rencontré à Londres où elle exerce une activité de secrétaire, retrouvant chaque été ses parents pour les aider dans leur officine et se délectant de revivre aux côtés de ses six sœurs et frères un moment de bien-être marin. Ce projet de vie éclate au cours d’une rencontre avec un jeune prince afghan, Naïm, envoyé en France pour suivre une formation d’ingénieur.
Le coup de foudre est immédiat, une vague amoureuse immarcescible les emporte vers un mariage rapide, faisant fi des doutes et des inquiétudes de l’entourage d’Elisabeth.
La rupture sociale est vive, éloignant définitivement les jeunes époux de la côte bretonne pour rejoindre l’Afghanistan si distant et si différent, et surtout bouleversé par un mouvement politique écartant le roi, cousin de Naïm, sur qui le jeune couple pensait s’appuyer pour participer au redressement d’un pays en proie à un misérabilisme sociétal confondant.
L’effondrement des visions progressistes imaginées par Naïm et Elisabeth les réduit à une vie modeste, régie par une contrainte religieuse nihiliste…
Une volonté d’airain, un désir d’émancipation, un besoin impérieux de transgression et la soif d’apporter aux femmes afghanes l’énergie d’entrer dans un possible épanouissement libérateur jalonneront le chemin de cette Elisabeth d’une aura rayonnante.
Points forts
Voici un vrai roman, plein d’une jouvence littéraire dynamisante, avec son jeu d’ombres et de lumière, ses personnages de mystère mais aussi capables d’une amicale ferveur, les jeux troubles de la politique et leur désordre sans cesse renouvelé, l’équilibre précaire entre domination et liberté, et tout cela sur une toile de fond peinte aux couleurs d’un pays magnifique, souffreteux et résistant.
L’écriture de Charlotte Erlih véhicule de la plus belle manière ce chatoiement de sentiments contradictoires et de menaces souterraines, cette difficulté d’être ici, à Kaboul, ou d’être là, à Saint-Malo ou à Paris.
Pour finalement rester auprès de son mari et de sa belle-famille et tenter d’accomplir ce qui est la mission d’une femme hors du commun.
Quelques réserves
Si peu pour justifier une nécessaire critique vis-à-vis de ce texte.
Tout au plus, le portrait de Naïm aurait pu être amplifié mais la concision choisie par l’écrivaine est à l’image de ce mari relativement inconsistant, sans doute volage et par trop obéissant au régime en place, toujours en retrait de sa femme…
Encore un mot...
Elisabeth Bellet est une pionnière dans la lignée de Karen Blixen au Kenya, d’Alexandra David- Néel au Tibet ou de Gertrude Bell au Moyen-Orient, évoquée dans le récent Mesopotamia d’Olivier Guez.
Courage et détermination, charme et enthousiasme inébranlable, volonté affichée de jouer sa partition dans un monde hostile, et se nourrissant d’un altruisme chevillé au corps, voilà les substantifs, et il en manque, pour rendre justice à cette Dame.
C’est une combattante avant l’heure pour un féminisme noble, juste et plein d’humanité mais qui va se heurter au ciment d’une société pétrie de rites ancestraux et de directives religieuses.
D’aucunes pourraient s’en inspirer aujourd’hui !
Ce livre propose une lecture agréable et enrichissante, à glisser sans hésitation entre maillot et serviette en ces temps pré-estivaux, sur une plage de Saint- Malo et d’ailleurs, et cette perspective n’est nullement réductrice mais ô combien réjouissante !
Une phrase
« Ce que j’ignore encore à cet instant, (…), c’est que cet inconnu le restera. Après une vie entière passée là-bas, l’Afghanistan me semblera toujours un horizon insaisissable. » Page 122
L'auteur
Charlotte Erlih est née en 1978.
Normalienne, agrégée de lettres modernes, elle est l’auteure de nombreux livres de littérature jeunesse et a été récompensée à plusieurs reprises, notamment pour Basha Posh publié chez Acte Sud Junior en 2013.
Elle est également réalisatrice et a travaillé aux côtés de cinéastes et d’illustrateurs pour diverses œuvres.
Embrasser Kaboul est son deuxième roman de littérature générale après Funambules édité chez Grasset en 2018.
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