Eufrasia Vela et les Sept Mercenaires

Un sujet d’actualité, la fin de vie et le droit des personnes à décider de leur mort. Un roman tendre tout en délicatesse
De
Gustavo Rodriguez
Editions de l’Observatoire
Parution le 21 août 2024
282 pages
21 Euros
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Lima de nos jours :

Dans une société économique et sociale difficile, Eufrasia Vela peine à élever seule son fils Nico, mais elle peut compter sur sœur Merta, infirmière. 

Eufrasia est aide à domicile pour personnes âgées. Elle soigne avec amour et tendresse ses patients : Dona Carmen ne peut plus se lever et souffre de ne plus voir la mer depuis sa fenêtre; le Docteur Jack Harisson, veuf, attend les visites de sa fille en regardant des émissions vétérinaires en buvant du whisky.

A L’Ehpad, Eufrasia retrouve Madame Poulet et ses acolytes, Miguelito qui rêve encore de surfer, Giacomo, l’ancien officier de marine, Ubaldo le poète, Tanaka le japonais, Hernandez et Fernandez, les jumeaux  : ils forment les Sept Mercenaires !

Eufrasia cuisine, chantonne, caresse doucement les mains, organise des séances de cinéma. Mais qu'y a-t-il derrière ces sourires ? 

Points forts

  • Le sujet sensible et universel de la vieillesse, des personnes mises à l’écart, des personnes malades : l’accompagnement de la fin de la vie.
  • Tous les personnages attachants et hauts en couleur ; chacun revient sur son passé avec nostalgie (une vie peut-être un peu embellie ?)
  • La description pleine de réalités de la vie de ces personnes âgées dans les établissements spécialisés ; ils sont souvent infantilisés !
  • L’appel de ces « vieux » à finir dans la dignité, « à lever l’ancre », et l’organisation de leur « road-trip ».
  • Lima : la ville avec ses rues, la vie et l'océan. Mais aussi la vie dans les faubourgs, les paysages bien décrits

Quelques réserves

Je n’ai aucune réserve pour ce roman grave et délicat.

Encore un mot...

Avec tendresse et fantaisie, Gustavo Rodriguez nous fait partager les hésitations d’Eufrasia Vela, partagée entre ses convictions et sa compassion pour Dona Carmen, le Docteur Harisson et les Sept Mercenaires alors qu’ils lui demandent de les aider à partir. Avec émotion, nous suivrons Eufrasia elle-même confrontée à son départ alors qu’elle se sait perdue par son cancer. Elle pensait aux autres, mais s’est oubliée alors qu’elle avait de terribles maux de dos.

Oui, Eufrasia Vela soigne avec amour et tendresse, mais elle entend aussi ces hommes et ces femmes lorsqu’ils apparaissent excédés de vieillesse, de maux, ou redoutant de rester le dernier de la bande !

Nous vivons de plus en plus vieux, mais nous vieillissons pour certains de plus en plus seuls. La maladie ne laisse pas d’espoir, alors pourquoi continuer à vivre ? Ne peut-on demander à finir dans la dignité ? Est-ce une question d’une liberté essentielle à disposer de notre « moi ».

Gustavo Rodriguez, sur un ton apparemment enjoué, nous amène à de profondes réflexions ; certes, que l’on soit chrétiens ou non, choisir son lieu et son heure pour un dernier au revoir suscite la controverse. L’auteur avance des arguments à verser au débat actuel : suicide médicalement assisté ou euthanasie ?

L’histoire n’est pas glauque car l’auteur « coupe » les scènes qui auraient pu susciter une sorte de voyeurisme morbide. L’écriture est superbe, fine, pleine de poésie et d’humour, oui malgré le sujet. Il y a une belle mise en avant du rôle des auxiliaires de vie. La couverture est colorée, magnifique, pleine de vie. Un livre que je recommande vivement. 

Une phrase

  • « - Je vous trouve bien agiles, plaisanta Mme Poulet. – Qui ne bouge pas, trépasse ? philosopha Giacomo » p.55
  • « Un tourbillon de jovialité s’empara de ce coin de salon, et Poulet se sentit accueillie. Perspicace comme elle l’était, d’un seul coup d’œil, elle comprit que le reste des résidents ne pouvait accéder à cet esprit partagé, non parce qu’une ségrégation délibérée eût été imposée par eux, mais parce que la vie divisait sans pitié : les autres personnes âgées, des femmes pour la plupart, se repliaient de plus en plus sur elles-mêmes à mesure que leur mort approchait et étaient le cruel rappel d’un futur inévitable. » p. 56
  • « Savourant lentement son fromage, Eufrasia sentit un instant que dans cette cuisine noircie ils étaient treize, non pas quatre, et qu’avec elle déjeunaient aussi les neuf petits vieux qui lui avaient tant appris récemment. Grâce à eux, à cette table, la notion de dernière fois l’accompagnait avec tout ce qu’elle impliquait, et contrairement à ses craintes, les gorgées de café et les petites bouchées de pain n’étaient pas tristes, mais faisaient partie d’un rituel de gratitude. » p. 273/274

L'auteur

Gustavo Rodriguez, né en 1968,  est l’un des auteurs péruviens les plus vus dans son pays. Seuls ses deux derniers romans sont publiés en France : Les matins de Lima (Editions de l’Observatoire, 2020) et Eufrasia Vela et les Sept Mercenaires pour lequel il a reçu dans son pays le Prix Alfaguara 2023 (équivalent de notre Goncourt).

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