Harlem Shuffle

Harlem, années 60. Racisme, brutalité policière. Un roman d’un ennui total !
De
Colson Whitehead
Albin Michel, collection Terres d’Amérique
Traduit par Charles Recoursé
Parution en janvier 2023
420 pages
22,90€
Notre recommandation
1/5

Infos & réservation

Thème

Harlem, années 60. Un peu filou mais pas trop, Ray Carney mène une vie plutôt pépère d’époux et père aimants. Il gagne sa croûte en vendant les meubles et l’électroménager des personnes décédées. Un peu de recel complète les revenus. Comme son paternel avait partie liée avec les voyous de Harlem, il est lui-même amené à côtoyer quelques bras cassés et quelques vrais méchants, mais il ne trempe pas dans de gros coups. Jusqu’au jour où son cousin lui propose de participer au cambriolage de l’Hôtel Theresa, dit le Waldorf de Harlem. Ce serait l’occasion rêvée de réunir la somme qui lui manque pour agrandir sa boutique et acheter l’appartement familial ...

Points forts

  • Colson Whitehead est un amoureux de New York, sa ville de naissance, à laquelle dès 2003 il consacrait déjà treize tableaux dans Le Colosse de New York. Après une immersion dans le Sud esclavagiste et ségrégationniste avec Underground railroad et Nickel Boys, ouvrages qui lui ont valu deux fois de suite le prix Pulitzer, Colson Whitehead revient à NYC, dans le quartier de Harlem où il a vécu jusqu’à ses six ans. Faute de souvenirs personnels nourris, il s’est copieusement documenté pour ancrer sa fiction dans le réel des années 60. Ainsi, pour rendre crédible son héros marchand de meubles, il s’est plongé dans les catalogues d’époque, devenant incollable sur les marques de canapés. Il évoque les diners miteux, les macs en costumes zoot et leurs petites pépées, toute une galerie d’archétypes, ainsi que le célèbre Apollo Theater. 
  • Décor pittoresque, le Harlem du livre est avant tout un tableau social. Dans une Amérique où sévissent les violences racistes, la solidarité n’est pas de mise pour autant dans la communauté noire : Riverside Drive sépare les « bons » citoyens de Harlem des « mauvais », à une rue près on vit chez les parias ou chez les bourgeois comme les beaux-parents de Ray qui voient d’un très mauvais œil le mariage de leur fille. Le racisme intra-communautaire empêchera Ray d’entrer au Club Dumas, sésame pour l’ascension sociale des Noirs, parce qu’on le trouve trop foncé de peau. Sa femme, plus claire, s’occupe d’organiser des voyages spécialement conçus pour les Noirs car ils suivent des itinéraires où l’on ne risque pas d’être lynché. La corruption est partout, chez les flics, les notables, la pègre… En écrivant sur les années 60 et ses mythologies, Whitehead parle aussi du présent : le racisme, la brutalité policière, le rêve américain d’avoir mieux et plus grand, rien n’a vraiment changé depuis les années 60.

Quelques réserves

  • Du propre aveu de l’auteur, le livre est né de l’envie d’écrire un hold- up divertissant comme au cinéma. Bien que fan de Pulp Fiction et même de série B, je suis sortie de la salle avant la fin de ce bouquin-là. L’intrigue s’étire interminablement. Le fameux braquage de l’Hôtel Theresa, supposé marquer l’entrée de Ray Carney dans la cour des grands voyous, retombe comme un soufflé. Les personnages qui entourent Ray sont caricaturaux. Les descriptions sentent la fiche scolaire. L’écriture est sans audaces. Bref, si l’on excepte le sens de l’observation des détails, c’est l’ennui total, même pour un pastich
  • Porté aux nues par une certaine critique et gros vendeur, Colson Whitehead est selon moi un romancier un peu surévalué. Il ne suffit pas de toucher les cœurs en dénonçant la cruauté des violences faites aux Noirs pour être un « très grand écrivain ».

Encore un mot...

Les lecteurs ayant apprécié Underground Railway et Nickel Boys, livres sombres et militants par lesquels Whitehead s’est fait connaître en France, seront surpris par la rupture totale de ton et de genre qu’opère Harlem Shuffle. 

Bon à savoir pour les lecteurs qui aimeront ce livre, Harlem Shuffle va s’étoffer de deux volumes new-yorkais déjà écrits et à paraître en 2023 ( Crook Manifesto) et 2024 ( titre français à venir). Le personnage principal restera Ray Carney.

Une phrase

« Aucun doute possible, tout le monde ici venait de Striver’s Row, et Carney était l’unique ressortissant de Crooked Way. Des politiciens, des assureurs qui travaillaient pour des compagnies noires de premier plan, et toute une tripotée d’avocats et de banquiers, avec à leur tête Wilfred Duke (…). Ancien caïd de Carver Federal Savings, c’est lui qui avait eu la main pendant plus de vingt ans sur la plupart des prêts accordés dans le quartier. Quand un Noir voulait entreprendre quelque chose, il devait tôt ou tard passer par Wilfred Duke. » Page 156.

L'auteur

Colson Whitehead est né en 1969 à New-York dans une famille de la classe moyenne noire. Il fréquente la Trinity School de Manhattan puis la prestigieuse université Harvard. Devenu journaliste, il va publier dans la presse écrite (The New York Times, The Village Voice…) et se lancer dans l’écriture. Dès son premier roman en 2003, il est traduit en France chez Gallimard qui reste son éditeur pour cinq titres : L’Intuitionniste, dystopie new-yorkaise ; Ballades pour John Henry, roman sur le légendaire ouvrier foreur noir qui a inspiré de multiples chansons ; Apex, qui dénonce le mensonge publicitaire ; Sag Harbor, récit d’apprentissage d'un adolescent noir ; et Zone 1, autre dystopie new-yorkais, qui cache une méditation sur le chaos et le sens de la vie. Mais c’est avec Underground railroad, publié chez Albin Michel (traduction de Serge Chauvin) puis Nickel Boys également publié chez Albin Michel (traduction de Charles Recoursé) qu’il gagne en médiatisation et en nombre de lecteurs, abordant avec gravité le racisme historique et l’invisibilité des Noirs en Amérique. Immenses succès critiques et populaires, internationalement reconnus, ces deux ouvrages lui valent coup sur coup le Prix Pulitzer ainsi que, pour Underground railroad, le National Book Award et une adaptation pour le petit écran par Barry Jenkins, réalisateur oscarisé en 2017 pour Moonlight

 

Commentaires

Rodolphe de Sa…
mar 04/04/2023 - 16:35

Bien vu! je me suis arrété définitivement à la page 102: "Je suis fatiguée " dit Elisabeth . Nous aussi !

Anonyme
mar 04/04/2023 - 16:41

Bien vu, bien lu

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