Judas

Histoire, religions, amour: remarquable sur tous les plans
De
Amos Oz
Editions Gallimard
Notre recommandation
4/5

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Thème

Le jeune Shmuel Asch désespère de trouver l’argent nécessaire pour financer ses études, lorsqu’il tombe sur une annonce inhabituelle. On cherche un garçon de compagnie pour un homme de soixante-dix ans; en échange de cinq heures de conversation et de lecture, un petit salaire et le logement sont offerts. 
C’est ainsi que Shmuel s’installe dans la maison de Gershom Wald où il s’adapte rapidement à la vie réglée de cet individu fantasque, avec qui il aura bientôt des discussions enflammées au sujet de la question arabe et surtout des idéaux du sionisme. 
Mais c’est  aussi la rencontre avec Atalia Abravanel qui va tout changer pour Shmuel, tant il est bouleversé par la beauté et le mystère de cette femme un peu plus âgée que lui, qui habite sous le même toit et dont le père était justement l’une des grandes figures du mouvement sioniste.

Points forts

1- « Judas » est un magnifique roman d’amour dans la Jérusalem divisée de 1959, un grand livre sur les lignes de fracture entre judaïsme et christianisme, et assurément un ouvrage essentiel pour comprendre l'histoire d’Israël (La création d'Israël, le sionisme, la question Arabe).

2- Revenant à l'histoire, Judas était-il vraiment un traitre ? Ou au contraire le plus fidèle et le plus dévoué des disciples de Jésus? Dans ce roman, essayant de réhabiliter la vraie nature de cette figure biblique, par le biais de Shmuel, Oz semble vouloir se justifier lui-même. Lui, le soi-disant « judas », est en fait, un des plus vrais et plus sincères citoyens luttant pour la cause de son peuple, et non contre. Une position qui a valu à Amoz Os le titre de Traitre de Judas comme Shealtiel Abravanel, militant actif contre la création de l'État d'Israël, mort en proscrit, et  un des premiers opposants à la création de l'Etat d'Israël, préconisant la création d'une seule communauté judéo-arabe; un « judas », selon Ben Gourion.

3- Des phrases très fortes : "Mais dites-moi, vous, s'il existe un seul peuple au monde qui accepterait à bras ouverts l'invasion brutale de centaines de milliers d'étrangers, puis d'autres millions encore débarquant de lointains pays sous le curieux prétexte que les livres sacrés qu'ils ont transportés avec eux leur promettaient ce pays tout entier pour eux seuls ?"......

4 : Au gré des pages et de l'évolution de l'intrigue, l'auteur convoque nombre de fantômes, celui de Micha, son brillant mathématicien de fils, disparu dans la nuit du 2 avril 1948- marié une année à Atalia..et surtout celui de Judas -Iscariote- l’apôtre, qui, par un baiser, livra Jésus à ses bourreaux - l'incarnation même du traitre - selon la tradition chrétienne.
Car le thème de la Trahison est le thème central de l'intrigue: Chacun de nous n'est- il pas le traitre d'un autre ? Qu'est- ce qu'un traitre? Qu'est-ce qui fait qu'un traitre est considéré comme traitre ? L'auteur ne craint pas de puiser ses sources à la théologie, au questionnement sur les textes religieux et les rapports entre christianisme et judaïsme afin de tisser l'apprentissage intellectuel, sentimental et politique du jeune Shmuel. Il lui apporte des éléments théoriques et philosophiques passionnants. Et, au travers du destin de ces personnages fictifs, l'auteur de s'interroger : et si Judas était en réalité le premier chrétien authentique, le seul, dont l'erreur fatale aura été, précisément, de croire avec une foi inébranlable en la nature divine de Jésus ? de pousser celui-ci à se laisser crucifier pour ensuite miraculeusement descendre vivant de la Croix et révéler à cette occasion son immortalité ? Qu'en aurait-il été du christianisme sans cette croyance ? Qu'en aurait-il été de la haine des chrétiens envers les juifs ?


5- Faire le point aussi sur ses relations avec l'État d'Israël, tout jeune encore -12 ans !- et déjà vivement contesté : Shmuel est socialiste, d'un nationalisme plus que tiède et serait enclin à penser, comme le "traître" Shealtiel Abravanel, que Ben Gourion a commis une erreur impardonnable en dressant les uns contre les autres Juifs et Arabes, qui avaient pourtant tant de points communs : les uns « humiliés par les puissances coloniales », les autres subissant « pendant des siècles le mépris, l'expulsion, les persécutions, l'exil, les massacres et, pour finir, un génocide sans précédent dans l'histoire de l'humanité ».

6- Arpenter les rues de Jérusalem. Jérusalem, ville symbole, coupée en deux, est un personnage à part entière de ce nouveau roman d'Amos Oz, qui la décrit magnifiquement

Quelques réserves

Je n’en vois pas à condition, d’accepter tel quel le point de vue de l’auteur, Peut être aurais-je aimé que l’auteur donne une plus grande part aux conséquences humaines de la partition des territoires

 

Encore un mot...

Un roman puissant, audacieux, une fiction poignante portée par les émotions et les pensées de Shmuel, Atalia et Wald, habitée par le passé de chacun...... Hantée par leurs fidélités, leurs erreurs et leurs reniements, des personnages cernés par le deuil, la perte et les spectres 

J’ai apprécié de comprendre Judas et Jésus selon la tradition juive ; comprendre ce qui sépare dans leur croyance juifs et chrétiens ; comprendre ce qui les oppose quant à la propriété des territoires. Comprendre qu’être un traitre, c’est peut être aujourd’hui, aux yeux des Nôtres,  tendre la main à l’Autre.

Amos Oz, écrivain israélien de gauche, militant pour la création d'un État palestinien et pour le rapprochement culturel des deux peuples ennemis, est le dernier « traître » de cet évangile.

Une phrase

« Par un matin d'hiver quasi printanier à Jérusalem – le ciel était d'un bleu intense, l'air embaumait la résine de pin, la terre mouillée et bruissait de chants d'oiseaux ».

L'auteur

Amos Oz, né Amos Klausner, est un écrivain, romancier et journaliste israélien (oz signifie force en hébreu). Il participa deux fois à des conflits armés : Pendant la Guerre des Six Jours, en 1967, et lors de la Guerre du Kippour de 1973. Il fut l’un des fondateurs du mouvement «La paix maintenant» qui prône le partage du territoire (avec des «arrangements particuliers pour les sites sacrés») pour la création de deux états indépendants: l’un israélien, l’autre palestinien.

Après son service militaire, Amos Oz étudie la philosophie et la littérature et écrit dans le journal des kibboutzim et le quotidien Davar. Il publie ses premiers récits en 1965; son premier roman date de 1966. Depuis, il écrit sans discontinuer, publiant environ un livre par an.  "Une histoire d’amour et de ténèbres," considérée comme son chef-d’œuvre, a été salué unanimement par la critique littéraire.

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