La Fille parfaite

Une amitié complexe et fusionnelle. Un style et une écriture superbes
De
Nathalie Azoulai
P.O.L.
Parution le 1er Janvier 2022
313 pages,
20 Euros
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Un matin de juin, Adèle, brillante mathématicienne, s’est coupé ses longs cheveux blonds, et s’est suicidée par pendaison « comme un homme » à l’âge de 46 ans. La narratrice, Rachel, 46 ans également, son amie de toujours, prévenue par la police se rend sur les lieux en l’absence du mari et du fils en voyage.

Devant ce drame qui semble inexpliqué, Rachel se replonge dans leur histoire pour tenter de comprendre. 

 Adèle Prinker et Rachel Deville se rencontrent à l’âge de 14 ans, toutes deux aux longs cheveux blonds, brillantes, issues de milieux différents. Rachel appartient à un milieu bourgeois lettré et cultivé, aux conversations animées car tous les membres de cette famille se retrouvent souvent lors de joutes oratoires . Adèle Prinker , d’origine plus modeste, est « baignée » dans les mathématiques. Son père, ingénieur, ne rêve pour sa fille unique, que de maths « le nombre, le nombre » et la façonne pour aller toujours plus haut.

Les deux jeunes filles vont entretenir une amitié faite de ruptures, de retrouvailles. Adèle est souvent conviée chez les Deville, fascinée par toutes ses lectures, ses échanges. Rachel est fascinée, elle, par les échanges sur les chiffres entre son amie et son père. Lorsque se pose le choix de la série en seconde : A ou C ? lettres ou maths ? Rachel  s’obstinera à  faire C comme son amie. Mais le bac en poche, elle se lance dans une prépa littéraire. C’est alors que les deux amies font  le pacte d’être brillantes chacune dans son domaine. Ce serait une alliance enrichissante qui les ferait dominer les sciences et les lettres.

Rachel nous fait revivre les réussites d’Adèle; mathématicienne de renom international, aux éblouissantes connaissances, mais aussi Adèle qui peut se montrer brillante dans ses connaissances littéraires, Adèle avec un mari aimant, protecteur, Luc son premier amour, scientifique lui aussi, Adèle qui a un petit garçon de 6 ans aimé tendrement.

La narratrice se remémore également sa vie, elle qui a toujours voulu être écrivaine. Une vie plus chaotique mais agrégée de lettres, enseignante et rapidement écrivaine célèbre.

Points forts

- Une analyse forte de cette amitié de jeunesse brutalement interrompue à l’âge de 46 ans. Une analyse sur les mots et les maths : faut-il les opposer en tant que vérité (les maths) et art/beauté (les mots) ? Rachel nous fait vivre avec Adèle et son père le monde des mathématiques : les nombres premiers, les algorithmes , les théorèmes .  

- Rachel nous entraîne dans son évolution de femme littéraire avec une grande intensité sur le rôle des livres, de la parole. Les échanges entre les deux amies sont parfois violents et les ruptures s’enchaînent ; l’on ressent alors combien la narratrice admire cette amie surdouée, admiration qui la fait parfois se dévaloriser. Adèle est-elle vraiment le symbole de la perfection ?

- Une forte étude de la féminité, du rôle du cursus scolaire pour la réussite, de la maternité, de l’amour dans un monde où la narratrice se demande comment tout concilier.

Quelques réserves

S’il faut en trouver, le rôle prépondérant et dirigiste de Mr Prinker, qui fait preuve de sexisme dans sa vision de la femme dans la société ; pour lui, les mathématiques donneront le pouvoir à sa fille, à l’égal des hommes ; sinon « ne viens pas te plaindre au nom des pauvres femmes » !

Encore un mot...

A travers le récit de mémoire devant le geste de son amie, Rachel semble mener une forme d’enquête : pourquoi donc Adèle si brillante qui semble tout avoir, s’est-elle suicidée ? Est-ce parce qu’elle n’a pas reçu cette fameuse médaille Fields qu’elle attendait ? Et pourquoi la narratrice paraît-elle délivrée de cette amitié ? A la fin du livre, Rachel reçoit le journal de son amie : elle entrevoit qu’Adèle tout en ayant été au sommet de la science, brillante, et malgré un mari aimant et un fils qu’elle adorait, Adèle a peut-être souffert de n’être pas aimée tout simplement . Elle laisse le message à son amie de veiller à ce que son fils ne fasse pas de maths !!! J’ajouterai que le style et l’écriture sont superbes.

Une phrase

- « Elle a dit , c’est génial finalement, considère qu’on est les deux filles d’une seule et même famille : l’une sera mathématicienne et l’autre grammairienne. Nos parents auront le sentiment d’avoir accompli une sorte de progéniture parfaite qui couvre tout le spectre de la connaissance, qui en fasse tellement le tour qu’à la fin même ça se rejoint en un point ; Tu te rends compte où qu’ils tournent la tête nos parents, il y a toujours une de leurs deux filles pour savoir…… et puis nous sommes des filles ce qui ne s’est jamais vu. » ( p. 87 et 88)

 - «  Sa mort me laisse donc la possibilité de ne plus me comparer, de me réjouir de l’avoir connue elle et, grâce à elle, d’avoir fait entrer tous ces affluents du savoir dans ma bulle d’écriture… » (p. 310)

L'auteur

Nathalie Azoulai est une femme de  lettres, née en 1966 dans une famille nombreuse, juive originaire d’Egypte. Elle a travaillé dans le monde de l’édition ; autrice de nombreux romans dont Mère agitée (Seuil, 2002), Une ardeur insensée (Flammarion, 2009), J’aime tes cheveux (Albin Michel, 2017), Titus et Bérénice (P.O.L, prix Médicis 2015). Elle a intégré le jury Femina en juin 2021.

En marge du roman, Nathalie Azoulai écrit également pour la télévision, la radio, le théâtre et la jeunesse.

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