La loi du moins fort

Grandir sous emprise : de l’accablement à la révolte féroce. Un roman bouleversant
De
David Ducreux Sincey
Gallimard
Parution le 9 janvier 2025
240 pages
20,50 euros
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Le personnage central de ce roman, dont on ne connaîtra pas le patronyme, est un garçon marqué de manière indélébile par une enfance dénuée de toute affection maternelle et gravée d’un lien amical avec Romain Poisson, un voisin un peu plus âgé.

Son développement psychologique est très vite contraint par une mère hystérique, castratrice et très violente et par cet ami, avec qui la proximité physique durant les vacances et épistolaire le reste de l’année lui offre un refuge, mais dont l’ambition politique précoce, réfléchie et carnassière l’enjoint à occuper d’emblée un second rôle.

Les années passent, destructrices, dans l’invraisemblable soumission de notre petit protagoniste aux châtiments corporels reçus de sa génitrice, sans que ni son père, sous la coupe lui aussi des admonestations incessantes de sa femme, ni les services sociaux convoqués, s’en émeuvent vraiment et dans la toute aussi invraisemblable soumission aux injonctions surprenantes pour ne pas dire farfelues de ce Romain, conseiller toxique... 

Cette double dépendance filiale et amicale va le modeler au fil du temps pour effeuiller son innocence enfantine et en faire un feudataire compliant, banalisant la virulence barbare de certains de ses actes et la mort donnée de manière légère et injustifiée.

Jusqu’à lui permettre de se défaire de cette servilité mortifère !

Points forts

Voici un premier roman prometteur !

Parce que la narration est vive, la construction dynamique, la proposition littéraire originale et la richesse sémantique de bonne tenue.

C’est donc agréable à lire, créant assez vite une dépendance à l’histoire, peu encline à laisser le livre tomber des mains même si...

Quelques réserves

La cruauté de la mère laisse pantois et infuse une forme d’incrédulité voire de gêne face à des sévices corporels proches de la barbarie - peut-on réellement atteindre ce niveau d’ignominie ? - et face à la perversité de cet ami, individu caricatural que l’on peut espérer ne jamais croiser en dehors de l’imagination fertile de l’écrivain !

Encore un mot...

Ce texte est le substrat talentueux d’un fait bien établi : la construction de l’enfant vers l’âge d’homme ou de femme s’échafaude au prix d’une relation familiale saine, aimante et intelligente et d’un rapport à l’environnement affectif, amical ou amoureux, tout aussi serein, respectueux et raisonné.

Une rupture dans cet ordre des choses du corps ou de l’esprit, par l’intercession de toute forme de maltraitance, ouvre la voie pour le moins à une déstructuration de la pensée, au pire à l’instillation insidieuse des ingrédients de toutes les formes de névrose.

Le roman de David Ducreux Sincey pourrait être un ouvrage d’étude psychiatrique, chapitres “ démence ou perversité narcissique” !

Au-delà de ce regard quasi-médical, La loi du moins fort est un livre inaugural empli de reflets divers mêlant sentimentalisme, humour malgré tout et réalisme.

Une phrase

« ...je suis resté fidèle à celui qui m’avait libéré de ma mère. Ma loyauté envers Romain Poisson dépassait de loin les règles de la morale sociale et les devoirs qui auraient été les miens si la société dans laquelle nous vivons s’était souciée de moi. » Page 236

L'auteur

David Ducreux Sincey, clermontois de naissance, 47 ans aujourd’hui, publie ce premier roman chez Gallimard où durant une vingtaine d’années, il a assuré une fonction d’attaché de presse lui permettant de côtoyer nombre de grands écrivains contemporains dont Modiano ou Ernaux.

Ce qui lui a sans doute insufflé le désir du bien-faire...

Mission réussie !

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