La société du mystère

Grand style, immense culture, mais un peu trop égocentré
De
Dominique Fernandez
Editions Grasset - 593 pages
Notre recommandation
3/5

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Thème

L’autobiographie fictive du Bronzino, peinte florentin de la Renaissance (1503-1572). Elève de Pontormo, compagnon de Benvenuto Cellini, initiateur de Sandro Allori, condisciple d’artistes tentés par les transgressions amoureuses et les pensées hérétiques, il s’efforce, dans une Florence en proie aux intrigues et aux préjugés, de préserver son poste de peintre officiel des Médicis.

Points forts

1 - Une description très vivante de la Florence du XVIe siècle, ses rues, ses ponts, ses places et ses palais où s’agite tout un petit peuple de commerçants et d’artisans sous la férule des Médicis, des banquiers et des prêtres.

2 – Un contexte historique intéressant : la réforme et la contre-réforme, les guerres de Charles Quint, le sac de Rome,  l’insécurité permanente, la peste, l’influence espagnole prégnante avec le mariage de Cosme de Médicis et d’Eléonore de Tolède, le retour de l’inquisition…

3 – Une connaissance encyclopédique des  peintres de la Seconde Renaissance qui, tout en biaisant avec la censure morale et religieuse, doivent assurer la prédominance artistique de Florence pour complaire à leurs mécènes. Entre autres artistes étincelants au destin plus ou moins tragique, on en découvre trois principaux :

- Pontormo, hypocondriaque et atrabilaire, peintre de génie sous des dehors de clochard, est obsédé par le secret et ne permet à personne, même pas à ses commanditaires, de contempler ses œuvres avant leur achèvement.

- Benvenuto Cellini, provocateur et batailleur, passe deux fois par la prison avant de rejoindre la cour de François Ier et de revenir à Florence, où son statut d’orfèvre ne l’empêche pas de réaliser un immense Persée de bronze destiné à rivaliser avec le David de Michel-Ange.

- Bronzino, le héros central, prototype des peintres de cour avec ses portraits idéalisés et précieux, doit aussi accepter les indispensables scènes religieuses ou mythologiques ; peu inspiré par les figures féminines (il faut reconnaître que sa Galatée est particulièrement moche), elles lui sont prétexte à multiplier les angelots nus et les éphèbes blonds qui ressemblent souvent à Sandro Allori, le fils adoptif très aimé.

Quelques réserves

Bronzino appartient à cette génération de la Renaissance italienne qualifiée de « maniériste » par Vasari qui rédigea en 1550 « les vies » ouvrage fondateur de l’histoire de l’art ; cette « bella maniera » (qui fait école dans toute l’Europe et privilégie les lignes serpentines, les distorsions extravagantes, l’allongement des proportions, les couleurs acidulées, l’absence de perspective) est la marque distinctive des génies de cette époque cherchant à exister après la perfection atteinte par Raphaël.

Pourtant,  là n’est pas l’intérêt premier de Fernandez considéré comme l'inventeur de la « psychobiographie »  qui consiste à projeter sa propre vie, ses propres sentiments dans ses personnages.  Donc, les études esthétiques cèdent volontiers le pas à la monomanie de l’auteur et  tous les faits et gestes des protagonistes sont envisagés au prisme de ses préférences sexuelles, parfois jusqu’à la vulgarité.

Encore un mot...

L’obsession militante de Fernandez pour une cause, aujourd’hui gagnée et protégée par la loi, finit par être lassante. Et pourtant il a bien du talent, le bougre !

Une phrase

p.52.  Bronzino compare l’art de Venise à celui de Florence :

 "A commencer par le David de Donatello, l’homme de Florence n’est montré que debout, en position verticale, élancé, bien pris. L’homme nu, vertical, mince et agile des Florentins porte un défi à la femme nue, couchée, affaissée et replète des Vénitiens."

L'auteur

Né en 1929, Dominique Fernandez est un écrivain fécond dont l’œuvre compte plus de cinquante ouvrages ;  romancier, essayiste, traducteur et grand voyageur devant l’Eternel (il a consacré plusieurs récits à ses pérégrinations) c’est un amoureux indéfectible  de l'Italie et de ses arts.  Il se fait connaître en 1974 avec l’histoire d’un castrat du XVIIIe siècle,  « Porporino ou les mystères de Naples »,  pour lequel il reçoit le prix  Médicis avant d’obtenir le Goncourt en 1982  avec « Dans la main de l’ange » consacré à Pasolini. 

Il est élu à l’Académie Française  à 77 ans et,  se revendiquant haut et fort comme  « le premier académicien ouvertement gay », il fait figurer Ganymède sur le pommeau de son épée.

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