La vie absolue

L’ennui de la mort, c’est qu’elle prive notre ego de ressusciter quand bon lui semble
De
Didier van Cauwelaert
Albin Michel
Parution en février 2023
265 pages
21,90 euros
Notre recommandation
4/5

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Thème

L’auteur comblé par le prix Goncourt reçu en 1994 pour son livre Un aller simple  fait revenir sur terre en 2023 quelques-uns de ses personnages du vingtième siècle. Imaginant qu’il était mort en 1996, son personnage majeur Jacques Lormeau réapparaît avec le dessein de retrouver son épouse Fabienne, son fils Lucien, sa nouvelle fille Morgane et quelques maîtresses qui avaient été siennes. Pour quelles raisons cette résurrection littéraire ? S’il faut en croire Didier van Cauwelaert, Jacques Lormeau est déterré à sa grande surprise, sa succession réglée mais retrouve soudain des problèmes qu’il n’attendait pas.

Points forts

Que l’on connaisse ou non ses écrits antérieurs, le style de Didier van Cauwelaert, ses mots, son humour, ses connaissances aiguisent d’emblée aussi bien son passé littéraire que ses livres les plus récents. Les prix successifs qui l’ont honoré en disent long sur sa carrière littéraire qui comprend plus d’une trentaine de romans, six essais et six pièces de théâtre. Un éventail superbe qui se plaît à jouer la carte revue et corrigée du « me too » dans La vie absolue, son tout dernier roman où le franglais a sa place. 

« Dans son open space empli du silence de ses programmateurs sous Earpods, Lucien attend dix secondes avant d’écouter le message. Il le repasse deux fois, trois fois...Un de ses geeks l'appelle à la rescousse pour un problème sur un test de pénétration » (p. 174)

Quelques réserves

  • Dans l’hypothèse où certains lecteurs ne seraient pas encore accros au franglais, en voici quelques extraits dans le même chapitre que celui qui précède : 

« - Tu es là pour montrer au client les faiblesses de sa sécurité, pas pour tomber dans le piège. 
Ben justement, j’ai trouvé une faille. 
- C’est un honeypot, ta faille.  
- Ah merde.
Ton pentest t’a fait glisser pile dans le pot de miel. Regarde le système est en train de t’identifier pendant que tu penses t’y introduire en douce . »  (p.174-175)

  • Pour ceux des lecteurs qui seraient à 100 % favorables au français pur, voici comment retrouver le langage de tous les jours, allant de Dunkerque à Marseille et de Metz à l’île de Noirmoutier. Si les pages de conversation ne vous ont pas plu, voici un dialogue d’aujourd’hui que l’auteur a su faire naître entre un curé et une catholique pratiquante : 
    « -Bénissez-moi mon père, je m’accuse de ce que vous appelez des pensées impures…Et pas que. 
    - Mais encore ? 
    - J’ai eu envie de me fader un inconnu. Et c’est vraiment tombé sur le bitard de base. 
    - Êtes-vous passé à l’acte ? s’enquiert le confesseur en faisant l’impasse sur les termes employés.
    - Oui mais pas comme je l’avais prévu.
    - Bien, vous repentez-vous ma fille ?
    - Non, j’explique. C’était un produit masquant, ce mec, c’est tout…Autant qu’un inconnu en profite. Et puis ça a vrillé. Mais ça, c’est de sa faute. » (p. 178)
  • La modernité est là et La vie interdite de Didier van Cauwelaert, parue en 1997 et déjà couronnée par le Grand Prix des lecteurs du livre de poche, avait emballé Eric Neuhoff dans Madame Figaro : Un miracle ! A lire absolument, mais aussi Sophie Bourdais dans Télérama : “ On s’attache avec délice aux personnages. Cauwelaert est irrésistible.”

Encore un mot...

Un roman d’une singularité peu commune où les chapitres se succèdent avec rythme.

Une phrase

- «Rien ne justifie ce retour d’un figurant que personne ne perçoit, voyeur malgré lui d’un rebondissement prévisible. Au stade spirituel que j’avais atteint, détaché de la matière et des interactions de pensées, je ne comprends vraiment pas l’utilité de cette épreuve que je me laisse infliger, sans pouvoir y changer quoi que ce soit. » (p.20 et 21)

- «Lucien raconte son papa avec des accents d’enthousiasme qui me bouleversent. Il enjolive, il en fait des tonnes, mais il a l’air d’y croire et Fabienne renchérit. Emménager dans le cerveau de Morgane avec les images toutes fraîches issues de leurs récits est un pur délice. Le vrai, le faux, l’imaginé s’entremêlent et se confondent ; çà n’a rien à voir avec la mémoire à tiroirs où les autres me conservent dans la nostalgie de leur passé, les déceptions ou les griefs plus ou moins éventés que je leur inspire. Morgane ne m’a pas perdu : elle me découvre…Elle fait mieux que m’offrir un supplément de vie : elle me recrée. » (p. 103)

L'auteur

Didier van Cauwelaert, né en 1960, est aussi l’auteur de spectacles musicaux et a également écrit les scénarios de deux films. En 2018, il a réalisé J’ai perdu Albert, un film tiré de son roman éponyme.

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