L’amour moderne

On ne sait jamais ce que nous réserve le passé… Nostalgie et humour impertinent !
De
Louis-Henri de La Rochefoucauld
Robert Laffont - Collection Pavillons
Publication le 21 août 2025
256 pages
20 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Mais qu’est-ce que l’amour aujourd’hui (au-delà de l’acte, bien sûr) ? Un mariage à Las Vegas, une vie de rêves, des enfants sublimes, des serments indélébiles ?  Les couples se font et se défont, rien n’a changé, semble-t-il, mais que se passe-t-il au fond des grands appartements des beaux quartiers ou dans les salons cossus des restaurants branchés ou encore dans le cœur de ravissantes jeunes femmes romantiques ou amoureuses, évoluant entre le Hameau de Trianon et les gondoles de la Sérénissime ?  C’est de cela dont on nous  parle dans ce livre. Plus grands bourgeois qu’aristocrates, plus show biz  que dans les conseils d’administration ou les salles de marchés et un tantinet snob. Et le bonheur dans tout ça, que diable ? 

  • Le Point de Départ : un fait divers, réel, sanglant et épouvantable, repris par les media à la Une. Un crime de folie perpétré par un père, Paul Dubois, au comble de la réussite, qui se suicida chez lui sur place dans une voie privée très chic de la rue Scheffer. Le grand collège du quartier (Loyola dans le texte, Franklin en réalité) et la moitié de ce 16e huppé furent traumatisés  pour longtemps, à l’instar d’Ivan Kamenov, le héros du livre, ami fidèle et inconsolable d’Alexis, un des enfants assassinés.
    Trente ans plus tard : on rembobine. Ivan, jeune homme brillant écrivain (le livre Russkoffs et son prix Médicis, c’est  lui), vient de divorcer et tente d’entamer, mi dilettante mi surdoué, une nouvelle carrière littéraire et artistique de dramaturge.  Il y a quelque temps encore il était adulé et joué dans les meilleures salles jusqu’à New York. Il se retrouve maintenant en panne d’inspiration et d’enthousiasme. Il va rencontrer Michel Hugo, producteur, séducteur et mécène à ses heures, mais surtout affabulateur et  machiavélique (il a prénommé sa fille Léopoldine !). Cet Hugo-là fut quand même ministre de la culture pendant trois ans. Un record par les temps qui courent !             

  • Un atterrissage compliqué. Page 40, dès le début du livre donc, c’est le scoop, la révélation dramatique : la femme assassinée, avec deux de ses enfants, était la sœur d’Albane Blanzac (de son vrai nom Albane de Coulommes), la grande star oscarisée pour son rôle dans Vie et mort de Marie Antoinette, l’égérie des grands couturiers, que l’on va suivre jusqu’à la dernière page, coincée entre les sévices et insultes de son mari (vous avez surement deviné son nom) et le charme irrésistible d’ Ivan. Excusez-nous, c’est à la fois très compliqué et très (trop ?) simple ; mais vous n’avez encore rien lu !. . . Ivan va tomber fou amoureux d’Albane qui nage, non dans le bonheur, mais dans la déprime. Quelle histoire !!! Un polar donc, mais un polar social, de classe, et un festival d’occasions manquées.

Points forts

  • Nostalgie, nostalgie… surtout pour ceux qui connaissent bien ce quartier et qui aiment cette façon à la Modiano de décrire Paris par le menu (sans jeux de mots) et de visiter certaines rues et lieux  mythiques, numéro par numéro, impasse après impasse, restaurant par restaurant. Un retour sur le passé, une façon de retrouver à la fois ses racines et une nouvelle jeunesse.

  • On aimera l’humour de l’auteur, même noir et de mauvais goût, tant il est pertinent et  impertinent. Ainsi : « On croyait Mitterrand florentin, non,  il était  égyptien ». En 1974, année funeste, « à la veille de mourir et avant de jouir du repos éternel au fond d’un sarcophage », nous quitte celui que l’auteur appelle « le pharaon de la 5e » ou « le sphinx aux dents longues ». L’auteur nous rappelle  que le Président  avait choisi l’étrange François de Grossouvre comme  « ministre de sa vie privée », garant du secret du fruit de « l’amour moderne » sans doute.

  • On appréciera aussi le style nerveux, plutôt classique, de L.H. de La Rochefoucauld  dont les répliques (on dirait plutôt punchlines), non dénuées d’à-propos et qui  rappellent par moment  son célèbre aïeul moraliste, font mouche. Autre exemple, le titre « musical » du chapitre où la pauvre Albane n’a pas toujours eu la vie facile rue de Babylone : « Baby alone in Babylone». C’est beau comme du Paul McCartney !

Quelques réserves

  • Le côté feuilletonesque et faussement snob, style Bottin mondain, relooké ou façon Gazette de Cannes par Points de vue ou Gala.

  • Si l’on s’attend, à l’évocation de la marquise de Pompadour, « locataire » de l’Elysée, à découvrir les frasques de belles galantes, on risque d’être terriblement déçu. L’amour moderne au 21è siècle chez les happy fews du 16e ou de la Rive gauche, c’est plutôt l’amour triste… surtout pour les enfants et la gent féminine, objet de la concupiscence des quelques Epstein ou Harvey Weinstein qui rodent, lâchés par l’auteur sur  quelques  lignes, au hasard des aventures d’un Michel Hugo sans scrupules dans les coulisses du festival de Cannes.

  • On passe, avec quelques chemins de traverses, de 1994, année sanglante et de tous les dangers, à 2024, année des occasions manquées  (surtout la dernière)  avec une légèreté déconcertante et déstabilisante. C’est quelquefois difficile à suivre. Et, surtout, y a-t-il une issue de secours ?

Encore un mot...

  • Le héros, enfant gâté de cette histoire largement romancée, ne s’est pas relevé du drame vécu dans les parages du collège Loyola/Franklin et qui a touché, il y a 30 ans et de loin, l’auteur de cette chronique. Nostalgique, il est perpétuellement en quête de la madeleine de Proust de son enfance, c’est ce qui fait son charme.                                                                                                                                

  • La morale de l’histoire ? Dans ce monde charmant où grouillent tant de prédateurs, l’amour vrai a-t-il des chances de survivre ?

Une phrase

(Albane à son sommet, courtisée par un Ivan en panne d’affection et d’inspiration:)
«- J’avais prévu de déjeuner seule au Lutétia. Voulez- vous m’accompagner ?
- Avec joie.
Albane saisit un trench et un chapeau ;  demeurant célèbre, elle veillait à se cacher un minimum quand elle sortait. Alors qu’elle fermait la porte,  elle se tourna vers Ivan :
-  Puis-je à mon tour poser une question qui fâche ? C’est par rapport à mon prochain Oscar.
- Allez- y
- Prendre une sole meunière au Lutétia, est ce que c’est de gauche ?
- On connaît le proverbe: ce qui se passe au Lutétia reste au Lutétia !» 
Pages 82-83

L'auteur

Louis-Henri de la Rochefoucauld est écrivain et critique littéraire, à l’Express notamment, il est l’auteur d’une dizaine de romans dont deux au moins ont été primés : Châteaux de sable en 2021(Prix des Deux Magots)  et Les petits farceurs en 2023 (Prix Roger Nimier). Alors ? Jamais deux sans trois ?

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