L'année blanche

Un dessin à main levée de la mémoire perdue et retrouvée
De
Paule du Bouchet
NRF Gallimard
Parution en Janvier 2023
115 pages
14 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

L'auteure, Paule du Bouchet, a passé, en 1974, une année au Pérou. C'était au sein d'un village d'indiens Quechua perché à 4.500 mètres d'altitude au cœur de la cordillère des Andes, dans ces plaines de très haute altitude appelées Altiplano. De cette année exceptionnelle, où elle était la première occidentale à vivre dans ce village sans autre but que la découverte d'une autre culture, elle constate des années après qu'il n'en reste rien - des vagues souvenirs, des cahiers de notes et des objets perdus, des photos… "une année blanche". Elle décide alors de tenter de retourner là bas ; comme une bouteille jetée à la mer, elle envoie une lettre à son filleul Quechua. Contre toute attente, il lui répond : viens - nous t'attendons. L'année blanche est le récit authentique de ces retrouvailles, voulues et vécues par Paule du Bouchet, 45 ans plus tard, à la fin de l'année 2019. 

Points forts

Ce récit simple mêle avec bonheur souvenirs fugaces et réalité d'un présent qui réveille le passé, témoigne que si beaucoup de choses semblent avoir changé, la communauté vit toujours dans un relatif dénuement, mais avec une solidarité intacte. 

Les retrouvailles sont émouvantes, décrites avec détails et poésie, appuyées sur l'accompagnement bienveillant de Juan de Dios, les photos et souvenirs partagés avec un photographe, Jean Patrick, qui avait succédé à l'auteure dans le village en 1975.

A la première personne, en treize chapitres, le récit est composé de courtes séquences qui dépassent rarement 3 pages. Elles associent le lecteur au miracle de "retrouver ce que je ne savais pas avoir perdu […] de retrouver tout comme au premier jour." Ce va et vient entre le souvenir fugace et le réveil du passé au gré des paysages et des rencontres du présent est une des qualités de ce roman qui ressemble à un journal intime, un journal sur la mécanique de la mémoire, de l'oubli et de la (re)composition des souvenirs.

Quelques réserves

C'est simple et vite dit : ce récit ne suscite pas de réserve.

Encore un mot...

L'exergue de cette chronique, extrait littéral du début du chapitre XII, illustre parfaitement l'esprit de L' Année blanche.

Avec son joli et énigmatique titre, ce petit roman vous transporte avec bonheur dans l'altiplano péruvien. Il évoque un présent qui recompose les regards en arrière, la rencontre des cultures et de l'altérité, le refus de laisser une tranche de vie s'effacer sous le poids du quotidien. 

Écrit avec simplicité et poésie, il se lit avec plaisir et vous laissera peut-être cette trace que l'auteure décrit avec pudeur : "l'émerveillement de renouer concrètement avec l'oubli". P 62

Paule du Bouchet étant membre de l'association Culture-Tops, cette chronique est signée du collectif du Comité Éditorial, afin de garantir l'impartialité du propos !

Une phrase

  • "À Lima, j'avais coupé court à la conversation, je ne voulais pas entendre ce qui "avait changé". Néanmoins, ces remarques mettaient le doigt sur la question que j'affrontais depuis des semaines : comment ne pas regretter le passé, l'austérité joyeuse, cette pauvreté que l'on aimait parce qu'elle nous offrait l'incomparable richesse de toucher au "vrai" ? P 20
  • "Pourtant, la tôle est belle. Bleu vif dans tout ce jaune paille, elle reflète le ciel et les nuages. Peut-être est-elle finalement moins incongrue qu'il n'y paraît. Et regardant ces toits bleutés, on se dit que les mêmes ciels existent partout, qu'ils étaient là au temps des petites maisons de chaume, il y a quarante-cinq ans, comme au temps des paysans incas il y a quatre siècles." P 48
  • "Ce qui frappe, c'est la familiarité avec ces horizons que l'on croyait oubliés. Ils se tiennent dans notre mémoire avec une sorte d'humilité et de douce obstination. Alors parfois, ce paysage, on voudrait le prendre dans sa main, le toucher, le serrer contre soi. " P 63
  • "Promenades. Ce paysage appelle la marche comme la mer appelle la nage, comme la pensée appelle la page. Mais peut-on les appeler "promenades", ces marches nécessaires pour parcourir un espace dans lequel les seules finitudes sont des murets destinés à enclore les bêtes ?" P 82

L'auteur

Paule du Bouchet est auteure, éditrice et spécialiste des podcasts audio, en charge de "Ecoutez lire" chez Gallimard. Son roman, le Journal d'Adèle (sur  la Première Guerre mondiale, publié en 2007), a reçu les prix du roman historique, Prix petit Renaudot, Prix de l'Académie de Versailles. Debout sur le ciel a reçu lui en 2019 le prix Anna de Noailles de l'Académie Française (un prix qui récompense une femme de lettre). Elle est l'auteure de nombreux ouvrages pour la jeunesse, dans la collection Découvertes Gallimard , dont elle a été longtemps l'éditrice. 

Paule du Bouchet est la fille du poète André du Bouchet et de l'ethnologue Tina Jolas qui fut pendant 30 ans compagne de René Char. La douleur de cette séparation et de cette liaison sont les thèmes de son roman Emportée, édité en 2011. Elle est aussi chroniqueuse Théâtre pour Culture-Tops !

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir