L'Attrape Coeurs

Ce roman méritait-il un tel culte ?
De
JD Salinger
Editions Pocket Robert Laffont - 252 pages
Notre recommandation
3/5

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Lu
par Culture-Tops

Thème

Dans les années 50, Holden Caufield, 16 ans,  est renvoyé de son collège à la veille des vacances de Noël. Vaguement amoureux d’une amie d’enfance, Jane Gallagher, il ne supporte pas l’idée qu’elle ait pu flirter avec le « gars » qui partage sa chambre d’internat ; il décide donc de quitter Pencey  Prep, la énième institution chic où il poursuit des études problématiques, avant la date officielle de son renvoi.  Ne pouvant rentrer chez lui tant  que sa famille n’a pas reçu la  lettre de confirmation du Recteur, Holden passe trois jours à errer dans un New York sinistre et glacé, traînant sa solitude et son mal-être d’hôtels sordides en boites de nuit, avant de revenir au logis, malade et bon pour la maison de santé.

Points forts

1 - Le caractère complexe et attachant d’Holden qui  n’est pas un révolté mais  un déprimé  (ne pas oublier que Salinger a écrit ce livre au retour d’une guerre dont les horreurs ont provoqué chez lui une dépression post-traumatique).

 Il a finalement beaucoup plus d’indulgence pour les autres que pour lui-même ("dans ma tête, je suis probablement le type le plus vicieux que vous ayez  jamais rencontré". P .80 – "je suis un type assez dégonflé." P. 110).

D’une intelligence au-dessus de la moyenne, il fait preuve d’une lucidité aiguë vis-à-vis des travers des uns et des autres ;  leurs tares physiques le dégoûtent mais il ne supporte pas qu’ils en deviennent victimes  (cette gentillesse bourrue préfigure un peu le Momo de « La vie devant soi »).

D’une vraie générosité (il n’a aucune notion de l’argent, parce qu’il en a), il n’accepte pas qu’elle  lui soit imposée lorsqu’il se fait  racketter à l’hôtel, mais  supplie les bonnes sœurs d’accepter une aumône qu’il trouve insuffisante.

2 - Les relations avec  sa famille.

Ce n’est pas la peur des remontrances mais l’ennui qu’il va causer à ses proches qui l’empêche de rentrer chez lui avant l’heure, même si  Phoebé, sa petite sœur,  lui répète à satiété «  Papa va te tuer ». Lorsqu’il songe à mourir -souvent-  la peine qu’auraient ses parents « l’embête vachement » (p.188), surtout celle de sa mère fragilisée par la mort d’Allie, le jeune frère dont l’ombre accompagne Holden tout au long de son errance. Seul, D.B., l’autre frère, qui « avant, quand il était à la maison, était rien qu’un vrai écrivain » (p.10) lui pose un problème parce qu’ayant réussi comme scénariste à Hollywood, il a franchi le pas qu’Holden se refuse à passer : il est devenu adulte.

Quelques réserves

1 – Le style. Tout a été dit de ce livre qui avait d’abord été censuré pour vulgarité (et risque d’inspiration pour les psychopathes). 

Les tics de langage ont plus ou moins bien vieilli : « et tout… ou quoi… » ponctuent pratiquement toutes les phrases, « pourri, bidon, dingue, foutu, taré » qualifient aussi bien les événements que les personnes ou les choses,  « ça me tue » conclut la plupart des observations, mais les exagérations adolescentes (les tantes, j’en ai dans les cinquante… il y avait bien un million de filles qui attendaient… ça chlinguait comme cinquante millions de cigares refroidis..) restent drôles et  sonnent encore assez juste.

2 - La traduction très littérale d’Annie Saumont,  imposée depuis 1986,  accentue certainement la trivialité de l’écriture. Il faudrait avoir accès à la précédente, celle de Sébastien Japrisot que Salinger lui-même avait appréciée, pour juger de la valeur littéraire de l’œuvre.

3 - Le titre français crée une confusion gênante (voulue ?) avec « l’Arrache-cœur » de Boris Vian, alors que le titre original, « The Catcheur in the Rye » (l’Attrapeur dans le Seigle) fait référence à un poème de Robert Burns chantonné par un  petit môme qu’Holden croise dans la rue (p.142).

Encore un mot...

Une sensibilité exacerbée camouflée sous une terreur maladive de la sensiblerie qui se manifeste par un dénigrement systématique et des outrances verbales récurrentes.

Une phrase

 P. 207.  A Phoebé qui lui suggère d’être conseiller juridique « comme Papa » (en fait, il doit s’agir plutôt d’avocat; sans doute une traduction approximative),  Holden répond :

« Les juristes sont des gens bien, je suppose, mais cela ne me tente pas. Je veux dire, ce seraient des gens très bien s’ils s’occupaient tout le temps de sauver la vie de pauvres types innocents et qu’ils aiment ça, mais c’est pas ça qu’on fait quand on est juriste. Tout ce qu’on fait c’est ramasser du flouze et jouer au golf et au bridge et être un personnage.(…) Ce qu’ils veulent vraiment faire c’est être un avocat super, que tout le monde félicite en lui tapant dans le dos au tribunal quand le jugement est rendu, avec les reporters, et  tout . »

Tout Holden est là.

L'auteur

Décédé en janvier 2010, à l’âge de 91 ans,  Jérôme David Salinger n’avait rien publié depuis sa réclusion volontaire dans le New Hampshire en 1965.  Auteur de quelques nouvelles,  il occupe une place de légende dans la littérature américaine avec son unique roman, « l’Attrape-Cœurs », considéré comme le roman-culte de toute une génération.

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