L’avion, Poutine, l’Amérique… et moi

Mémoires d’un dealmaker confronté aux enjeux politiques. Un bon roman feuilletonesque.
De
Marc Dugain
Albin-Michel
Parution le 10 septembre 2024
368 pages
22, 90 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Le héros de ce livre est un jeune banquier brillant installé à New York depuis le milieu des années 80. Il conseille les entreprises clientes appartenant à un département florissant de la banque : le département aéronautique. Essentiellement des compagnies russes et d’Amérique latine. Évidemment son but personnel comme tout banquier de l’époque est d’engranger le maximum d’argent pour pouvoir changer rapidement de situation et mener plus tard une vie loin du « capitalisme vorace » dont il exècre les us et coutumes. Tout va très bien pour lui. Il a de très beaux enfants et une maîtresse peu encombrante, une des dirigeantes de la banque, et aussi une femme dépressive.

Très vite, il engrange deux ou trois très belles affaires qui lui rapportent des commissions très confortables, l’admiration de ses collègues et de cette nouvelle maîtresse, Julia. Elle est  sa cheffe et le couve, le protège, le cornaque. Elle est apparemment très séduite par ce frenchie aux capacités sexuelles développées. Tout va  bien donc jusqu’au moment, jour funeste, où l’épouse, dépressive, met fin à ses jours inopinément. C’est très triste surtout pour les enfants ( !). Notre banquier, on ne connaîtra jamais son nom (et pour cause), décide donc de rentrer en Europe pour la santé mentale de tous. Mais rassurez-vous, Julia ne sera jamais très loin. D’abord Genève, puis Moscou où il fait, comme on disait autrefois, de l’import- export. Devenu professionnel des « deals », il troque  des tonnes de blés contre des tanks ou des avions tout en nouant des relations d’amitié avec Pavel, un apparatchik sympathique un peu louche sur les bords.

Terrain de chasse et concussions : l’Afrique. Et puis, tout cela lui paraissant futile et lassant (trop facile, trop d’argent), il laisse tomber pour écrire ses mémoires et mener des enquêtes sur des disparitions ou des drames humains. Exemples : le Koursk et ses sous-mariniers qui périrent dans les eaux gelées de Mourmansk (qui est responsable ?) ou l’avion de la Malaysian Airlines, disparu avec ses 220 passagers. Les trafics du  Président Poutine et l’emprise des oligarques si bien décrits par ailleurs dans Le Mage du Kremlin de Di Empoli, n’auront décidément plus de secrets pour nous.

Points forts

L’écriture fluide, le perpétuel mouvement des personnages et des situations, un style accessible, trop facile peut- être, que l’on pourrait qualifier de nonchalant, mais qui nous maintient en haleine de la première à la dernière page. Cet « Avion » est un véritable page-turner à l’instar des livres précédents. Comme dans un scénario de film, dont le  romancier Dugain est féru, surgissent soudain les images subliminales cachées derrière les mots ! C’est la marque de fabrique de Marc Dugain

Quelques réserves

Elles sont à la mesure de l’intérêt de toute cette histoire, c'est-à-dire assez mince, il faut bien l’avouer. Si vous attendez des révélations irréfutables sur la destinée de l’avion ou la véritable raison du calvaire de l’équipage de cet immense sous-marin, vous risquez d’être déçu. Les hypothèses soulevées avaient été  largement évoquées dans la presse de l’époque. Il faut chercher ailleurs, notamment à la toute fin du livre ; mais en attendant Julia est partout ! Nous visitons nombre de chambres d’hôtel, souvent dans les aéroports. On en sort épuisé par toutes ces parties de jambes en l’air dont on nous prive des détails, dommage, diront certains ! Reste que cette répétition croustillante assez convenue confère à l’ouvrage un côté un peu feuilletonesque.

Encore un mot...

Marc Dugain a puisé avec aisance dans ses souvenirs et son expérience propre, notamment aux Etats Unis, pour construire ses pseudo-mémoires, cette autofiction. C’est ce qui explique l’usage systématique de la première personne. Tous les monologues débutent par un « je », source d'ambiguïté et d’interrogations pour le lecteur, balançant  entre le réel et l’imaginaire

Une phrase

(le vol MH 310)
« Lorsque j’ai commencé à m’impliquer dans l’enquête, la masse de données sur l’affaire enflait démesurément, mêlant les hypothèses farfelues, les mensonges, l’intoxication volontaire, la paranoïa, la fausse rigueur, bref un condensé de ce que nous sommes, des êtres essentiellement trompeurs comme disait Érasme. Je me sentais comme ces plongeurs qui percent un trou dans la banquise et s’immergent, sans certitude de retrouver ensuite le minuscule puits de lumière qui leur permettra de ressortir. » Page 313

L'auteur

Marc Dugain est né en 1957 au Sénégal. Il poursuit des études supérieures (IEP de Grenoble,                  expert-comptable) puis il monte son entreprise d’ingénierie financière et de conseil d’entreprises dans le transport qui lui fournira ses sources d’inspiration. Il exploite sa verve littéraire depuis 25 ans : La chambre des officiers (Lattès, 1999), premier livre et premier gros succès (grand prix RTL, prix Roger Nimier); puis La malédiction d’Edgar (Edgar Hoover), (Gallimard, 2005) adapté au cinéma avec André Dussolier et Sabine Azéma. Campagne anglaise (JC Lattès, 2000), Heureux comme Dieu en France (Gallimard, 2002), L’emprise (Gallimard, 2014), La volonté (Gallimard, 2021), Ils vont tuer Robert Kennedy (Gallimard, 2017), Tsunami (Albin Michel, 2023). A 67 ans, Dugain a déjà réalisé lui-même 5 films et remporté au moins 6 prix (outre les deux prix déjà cités, prix des Deux-Magots, Goncourt des lycéens, prix des libraires, prix Joseph Kessel…). Marc Dugain est le gendre de Jean-Michel Delacomptée, historien.

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