Le Nuage Fou. Ikkyu, moine zen et poète rebelle

Au XVème siècle, promenade dans le Japon médiéval à travers la vie d’un moine zen excentrique, inspirateur de l’art des jardins. Agréable et méditatif.
De
Christine Jordis
Editions de l’Observatoire
Janvier 2023
375 pages
22 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Dans le Ryoan-Ji, le plus fameux jardin de pierres de Kyoto, l’auteur tombe en arrêt sur deux rochers sur lesquels sont gravés les noms de Kotaro et Ikojiro. C’est le début d’une enquête sur ces kawaramono c’est-à-dire ces intouchables de la plus basse classe, voués aux tâches les plus viles de la société et pourtant à l’origine de cette merveille.

Le livre raconte comment cette improbable création a pu s’effectuer, ces deux enfants suivant les traces de leur modèle, le moine zen Ikkyu dit « le Nuage Fou ».

C’est donc une biographie imaginaire de ce personnage atypique, fils naturel d’un empereur devenu mendiant, à la fois sage bouddhiste et rédacteur de poèmes érotiques, ermite démuni de tout mais à la vie passablement dissolue, devenu à l’automne de sa vie amoureux d’une chanteuse aveugle...

Points forts

  • D’abord le livre lui-même, bel objet imprimé sur un beau papier (ceci mérite d’être signalé, bravo à l’éditeur). Les courts chapitres sont entrecoupés de poèmes qui s’inscrivent dans des dessins rappelant les méandres de graviers du jardin et propices à la méditation.
  • Ensuite le texte, écrit dans une langue fluide et agréable à lire, sans le moindre étalage de vocabulaire abscons ni de concepts ésotériques, mais au contraire rendant accessible au lecteur, par le recours au récit romancé, une philosophie qui lui est tout de même assez étrangère.

Quelques réserves

Rudyard Kipling a écrit : « L’orient est l’orient, l’occident est l’occident et jamais ces deux mondes ne parviendront à se comprendre ».

A l’opposé, son compatriote Arnold Toynbee considérait que l’événement le plus important du XXème siècle était l’introduction du bouddhisme en Europe.

Christine Jordis penche manifestement du côté du second plus que du premier et l’introduction de son livre, dans laquelle elle évoque sa découverte de l’Asie, fait penser à Stendhal trouvant en Italie sa terre d’élection. Pour autant, cet attirance et ses connaissances indéniables suffisent-elles à la rendre totalement imprégnée de la culture et du mode de pensée orientaux ? C’est clairement toujours une occidentale qui produit un témoignage de deuxième main, et ce d’autant plus qu’elle évoque une époque très éloignée de la vie du Japon contemporain.

Ce livre ne dispense donc pas, pour ceux qui désirent tenter de comprendre l’orient et le Japon en particulier, de la lecture des auteurs locaux (et au premier rang Eloge de l’Ombre de Tanizaki qui est sans doute le sommet indépassable).

Encore un mot...

Le Japon rouvre ses frontières après une stricte fermeture due à la pandémie. C’est le moment d’y aller muni de livres comme celui-ci. Vous verrez les jardins zen d’une autre façon.

Une phrase

« Suivant la voie de l’illusion, tous sont plongés dans une folie sans remède.

Des humains pleurent leurs souffrances sans fin.

Des prêtres flattent les figures officielles pour se faire valoir.

En réalité ils n’ont rien à faire de l'Éveil. » (p. 71)

L'auteur

Christine Jordis est une familière de l’Asie et a produit plusieurs livres remarqués sur des figures historiques de ce continent ; notamment Paysage d'hiver. Voyage en compagnie d’un sage ( Albin Michel, 2016) consacré au calligraphe coréen Chusa.

Elle est également spécialiste de la civilisation anglaise et éditrice.

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