Le récit du combat

Un très beau roman d’initiation et de célébration à travers la quête du geste juste au cœur de deux passions, le karaté et l’écriture
De
Luc Lang
Stock
Parution en août 2023
360 pages
21,50 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Le récit s’ouvre sur la scène originelle inoubliable : en Corse, le premier combat du narrateur avec son père adoptif, un corps-à-corps entre un enfant de cinq ans et un géant, « maître du judo », s’apparente à un jeu irrésistible, à un envol dans une complicité rassurante. La puissance bienveillante de Robert sera sa « muraille contre le monde et ses ennemis ».  Après des tentatives infructueuses au judo, honni par sa mère, en gymnastique et en natation, il envisage, un peu par hasard, « à reculons », la pratique du karaté, discipline à laquelle il ne renoncera plus jamais.

Il mesure à quel point ce sport de combat lui permet d’affronter les vicissitudes de l’existence. Ainsi il résistera dignement au suicide tragique de sa première compagne, dont la chute traumatisante dans le vide ne l’empêchera pas de rester debout face à l’adversité. La prison sordide et injuste au Cameroun, comme les aléas de sa vie professionnelle, seront supportés avec la force intérieure et la maîtrise de soi acquises grâce à ses entraînements quotidiens. Devenu père, il cherchera à transmettre à ses quatre enfants cet art du combat, caractérisé par la quête de la perfection du geste. Pour lui-même, il établit un lien très fort entre le karaté et l’écriture, car il y engage son corps d’athlète, en écrivant à la main. L’effort physique seul lui permet de connaître la joie du dévoilement de la beauté.

Points forts

  • La symbolique de la chute représente « le fil rouge » de son existence : mouvement de haut en bas, humiliation, dégradation, voire mort. Il restera hanté par la chute de sa compagne, puis, plus tard, celle de sa mère et celle de Robert, causes de leur disparition. Le karaté lui apprendra à se relever de ses épreuves.
  • Les nombreuses analyses de son sport pratiqué quotidiennement soulignent ses vertus, il permet, contrairement à ce que l’on pense, dans l’échange des gestes précis, un dialogue, « l’incandescence d’un rapport humain ». C’est une sorte de cérémonial à travers lequel la perfection peut être atteinte, « l’expérience du sacré logé dans l’immanence du mouvement ».
  • Il transmettra à ses enfants cet héritage, dont il se sent le dépositaire privilégié. Des pages magnifiques sur la naissance de son fils et sur la maternité triomphante, qui le laissent interdit. Il parviendra cependant à jouer son rôle, en accueillant le petit garçon dans sa propre enfance, en réconciliant le fils et le père, en lui apprenant le goût du risque et le dépassement de soi, valeurs fondamentales de ce sport de combat.
  • Il prétend que tout son corps est engagé dans le travail d’écriture : le souci du geste juste pour le karatéka se rapproche de celui du mot juste pour l’écrivain.

Quelques réserves

L’étude approfondie du karaté, de ses origines, des textes sacrés à connaître pour gravir les échelons, peut sembler ardue dans certains chapitres.

Encore un mot...

Un très beau roman d’initiation, fort bien écrit, dédié à Robert, celui qui lui a tout appris et qu’il admire tant, un personnage discret, délicat, élégant, d’une douce puissance et d’une force rassurante. Luc Lang nous propose, avec intelligence et humilité, le récit personnel et original de ses combats, remportés grâce à la pratique du karaté dont il célèbre les bienfaits si précieux.

Une phrase

  • « Mais je découvrais, au cœur de la bagarre dans laquelle j‘avais jeté toutes les forces d’un enfant de cinq ans, je découvrais combien ce colosse que je connaissais à peine était d’une bienveillance infinie, combien il était disposé à m’offrir sa force et à m’aimer. » p.200 
  • " Tu crois en l’enfance tel un fanatique, elle continue de te mouvoir, de t’animer au travers de ces deux activités, le karaté et l’écriture. » p.183
  • « Ainsi, accomplir de grandes choses pouvait s’apparenter à un travail, à l’engagement âpre et physique de gestes offrant seuls l’accès à la beauté, celle même qui sème l’effroi et le saisissement, tant elle nous excède. » p.342

L'auteur

Né en 1956, Luc Lang, normalien, est professeur à L’Ecole des Beaux-Arts de Paris-Cergy. Il est à la tête d’une œuvre abondante. On peut citer Mille six cent ventres, prix Goncourt des Lycéens 1998, Les Indiens (2001), Mother (2012), L’Autoroute (2014), Au commencement du septième jour (2016), La Tentation, prix Médicis 2019.

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