Les derniers jours des fauves

Une fiction politique vacharde à la veille d’une élection présidentielle. Un récit parfois un brin lassant
De
Jérôme Leroy
La Manufacture de livres
Parution le 3 février 2022
430 pages
20,90 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Nathalie Séchard, (mal) élue 8e présidente de la Ve république française le 6 mai 2017, n’a pas l’intention de se représenter à l’issue d’un quinquennat difficile au cours duquel elle a dû faire face à une pandémie catastrophique, des émeutes multiples, une canicule persistante, le tout générant des centaines de milliers de morts.  Elle laisse donc libre court aux ambitions exacerbées des arrivistes qui l’entourent, en particulier celles de son ministre de l’Intérieur, Beauséant, qui n’hésite pas à multiplier les forfaits destinés à compromettre ses adversaires. Complots, attentats détournés, règlements de compte, barbouzeries multiples, tout est bon aux différents protagonistes pour arriver à la magistrature suprême.

Points forts

  • Le roman est une Uchronie, soit une Histoire alternative qui se passe aujourd’hui dans un temps qui n’existe pas, mais où la vision politique du Narrateur relève plus du joyeux cynisme que de la démocratie. Personnages inversés par rapport à ceux que nous connaissons, événements manipulés par des sicaires stipendiés, criminalisation outrée des mœurs politiques…
  • La présidente sortante, Nathalie Séchard, « cougar blonde » amoureuse folle d’un mari de 26 ans de moins qu’elle, et soutenue par le parti NS (Nouvelle Société) qui porte ses initiales nous rappelle quelqu’un.
  • Agnès Dorgelles, patronne du parti d’extrême droite, le « Bloc Patriotique », déjà mise en scène dans le roman  Le bloc  paru en 2011 et le film  Chez nous  coscénarisé avec Lucas Belvaux en 2017 fait partie des obsessions récurrentes de Leroy.
  • Les autres personnages politiques empruntent les traits marquants de diverses personnalités connues des cinquante dernières années et par là-même paraissent particulièrement crédibles.
  • Ce n’est pas pour autant qu’ils en sont plus sympathiques, sauf peut-être le numéro deux du gouvernement, Guillaume Manerville « ministre de l’écologie sociale et solidaire », plus humain que la plupart de ses congénères ; homme de gauche sans excès, il est sans conteste le plus proche du cœur de l’auteur.
  • Le jeu du roman consiste à présenter au lecteur les événements de notre époque poussés à leur paroxysme : le Covid fait 120 000 morts, le confinement dure 15 mois, le vaccin est obligatoire, les Gilets jaunes sont massacrés par une police sans états d’âme et le réchauffement climatique se traduit par une canicule permanente qui fait 250 000 morts.
    Quant au combat pour la présidence, il relève de la guerre des gangs…

Quelques réserves

  • Bien qu’hors du temps, le récit est actuel, très actuel. Malheureusement, pour ce faire, le style l’est aussi, qui frôle trop souvent la vulgarité. 
  • La précision maniaque dans la description des choses (armes, voitures, vêtements…) sans cesse renouvelée, peut faire sourire au début mais finit par être lassante. 
  • La chronologie éclatée, les flash-backs, les changements de pied permanents, cette forme d’écriture devenue presque systématique chez nos écrivains à la page depuis les grands initiateurs sud-américains des années 60, complique un récit déjà fort complexe sans y ajouter le moindre intérêt stylistique. N’est pas Vargas Llosa qui veut…
  • Un petit suspense relationnel dont le lecteur moyen subodore le dénouement dès la moitié du roman.

Encore un mot...

Jérôme Leroy s’amuse avec cette fiction vacharde qui lui permet, mine de rien, d’appeler à la rescousse les « grands auteurs » qu’il vénère pour faire œuvre de moraliste à propos de nos temps désenchantés.

Une phrase

« Ils sont pour l’instant dans un appartement anonyme, loué pour la circonstance, quelque part dans le XIXe arrondissement, entre la place du Colonel Fabien et les Buttes-Chaumont. Elles viennent de rouvrir dans le cadre de l’allègement des mesures sanitaires mais personne n’y va, d’abord parce que la végétation devenue éthique à cause de la sécheresse est déprimante et ensuite parce que la cascade n’a plus son murmure frais ni, comme dirait Rimbaud, le poète préféré du Capitaine, sa « cime argentée » : la ville de Paris a fermé la pompe alimentée par le canal de l’Ourcq dont le niveau est dangereusement bas. » (p.349)

L'auteur

Né en 1964 à Rouen, Jérôme Leroy a été pendant près de 20 ans professeur de français dans une ZEP de Roubaix. Depuis 1990, il signe à la fois des romans, des essais et des recueils de poésie. Bénéficiaire de nombreux prix, dont celui de l’Académie Française pour Un dernier verre en Atlantide (La Table ronde, 2010), il ne dédaigne pas de donner de temps en temps des articles à des magazines dont il ne partage pas la ligne éditoriale, du type Causeur.

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