Les secrets de la Mer Rouge

Appareillez avec l'un des plus fameux "Gentilhomme de fortune"
De
Henry de Monfreid
Grasset
Publication en avril 2025
393 pages
24 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

En août 1911, Henri de Monfreid, en recherche d'un destin ou d'une vie plus passionnante, s'embarque pour Djibouti, entre Golfe d'Aden et Mer Rouge. Après une aventure éthiopienne sans suite, il achète un boutre - un voilier arabe traditionnel - et va, de 1912 à 1914 sillonner la Mer Rouge pour y tenter le commerce des perles, quelques autres trafics pas tout à fait légaux, et une contrebande d'armes destinées aux chefs tribaux arabes et noirs des rives du Golfe et de la Mer Rouge. 

Son récit, entre journal de bord et carnet intime, raconte ses aventures, ses navigations, ses espoirs et ses doutes, ses relations avec ses compagnons de fortune comme avec une mer qu'il respecte infiniment et connaît avec finesse. Publié pour la première fois en 1931, ce roman d'aventure installe Henry de Monfreid comme un véritable aventurier, ce dont ses pages témoignent avec talent et conviction.

Points forts

  • La première qualité de ce roman est qu'il est "mythique" et s'inscrit dans la lignée de ces récits de marins qui ont marqué la littérature et les esprits au cours du XXème siècle.

  • Il s'en dégage une grande force d'évocation de la mer, de l'ivresse du large et du péril des côtes, une méticulosité de géographe dans la description des passes, des lagons, des courants, des rives, qui enracine l'imaginaire dans la réalité des lieux.

  • Henry de Monfreid porte aussi sur ses voyages un regard d'ethnologue, avec force de détails, de noms "exotiques", de tribus cousines ou ennemies, de légendes, d'alliances formées puis rompues…. 

  • Il évoque des trafics lointains, mais si proches encore dans le temps, comme le trafic d'esclaves ; cela peut surprendre, mais il y a moins d'un siècle, ce commerce était encore  pratiqué par des marchands arabes musulmans qui achetaient ou capturaient des populations noires du cœur de l'Afrique.

  • Le roman évoque aussi ces pêches périlleuses et le commerce de perles, la contrebande d'armes et ses jeux de dupes. Sur ce plan, le récit est clairement autobiographique, ce qui valut à l'auteur, avant qu'il n'écrive ses romans, un qualificatif "d'aventurier" qui n'avait pas bonne presse à l'époque !

  • A noter enfin, l'intéressante préface de l'Amiral Loïc Finaz, ancien Directeur de l'Ecole de Guerre et la publication d'une lettre de 1927 inédite, que Henry de Monfreid adresse à son épouse, dans laquelle il se remémore 15 ans plus tard ses aventures en Mer Rouge.

Quelques réserves

Ce  roman d'aventure parle vrai sur ces mers et leurs riverains - occidentaux, arabes ou noirs - liés par leurs commerces et leurs trafics, leurs rivalités et haines ancestrales. Sans langue de bois, Monfreid décrit le monde tel qu'il le voit.

Le détail des navigations est si fréquent qu'il peut lasser, ou faire vraiment regretter le manque d'une carte.

Encore un mot...

Pourquoi lire ou relire Les Secrets de la Mer Rouge aujourd'hui ? La réédition de ce roman est un totem des romans d'aventure du XXème siècle, et l'œuvre la plus connue d'Henry de Monfreid. A l'image des œuvres de Slocum (Seul autour du monde sur un voilier) ou de Joseph Conrad (Le miroir de la mer, Le Frère de la côte..), il nous donne l'occasion de vivre ou revivre ces heures brûlantes où un aventurier défiait autant la mer que les hommes. Dans sa préface l'Amiral Loïc Finaz, qualifie Henry de Monfreid de "gentilhomme de fortune".

Les amateurs de bandes dessinées ne pourront pas ne pas penser à Corto Maltese, le héros créé et dessiné par un Hugo Pratt très probablement inspiré ! Tout y est : le romantisme du baroudeur, le défi des autorités, les périls et les complicités, les amitiés et les trahisons en terres d'Islam ou d'Afrique. Vents, sueurs froides et chaudes, adrénaline, mers de cristal ou de tempêtes, gréements en souffrance, odeurs de poudres, ombres sous la lune et malices du capitaine. A la dernière ligne, vous sentirez encore le sable, le soleil, le sel et l'ivresse de la course !

Une phrase

" Cette eau est de l'eau de pluie absolument pure, de l'eau qui n'a jamais touché la terre, et telle qu'elle est née de l'union du feu du ciel et des nuages blancs. Tu sais que les perles sont des gouttes de rosée tombées du ciel pendant les nuits de lune, et qui emportent avec elles, dans la mer profonde, un peu de cette lumière merveilleuse et douce de l'astre qui compte notre  temps.                                                                                                                               
Les sadafs nacrés reçoivent dans leurs manteaux soyeux ces larmes précieuses de la nuit et dans le mystère de la mer, prennent corps les perles, filles de l'eau du ciel et de la lune.
As-tu regardé des perles sur un drap noir au clair de lune? Eh bien, fais-le quand le mois est à son quinzième jour et tu verras une chose inoubliable...
Le vieillard parle comme dans un rêve, on dirait une invocation et je vois surgir devant moi, à la magie de sa parole, les abîmes bleus de la mer avec les fantastiques édifices de coraux et leurs végétations étranges." P 143

" Le Fat el-Rahman, c'est le nom de mon bateau, est à l'ancre devant l'ile, prêt à partir.
Je suis très seul, très triste depuis le départ de mon pauvre Lavigne. […] j'aimais ce brave garçon, dévoué et affectueux, qui a voulu me suivre, malgré le mépris de mes compatriotes et la malveillance des fonctionnaires, dans la vie de paria que je me suis donnée.
Dans la maisonnette que vient de quitter mon seul ami, je sens tout le poids de cette solitude morale dont je souffre au milieu de la foule de mes semblables, de mes frères de race, où personne ne peut me comprendre.
Au contraire, l'isolement dans la nature me séduit et m'attire. J'y sens renaître ces forces profondes que l'oppression de la vie en troupeau tient captives." P 339

L'auteur

Henri de Monfreid est décédé à 95 ans, en 1974. Une vie riche d'aventures, d'écriture et de peintures, d'anticonformisme, de défiance des autorités, éprise de liberté. Né au bord de la mer à Leucate d'un père ami du peintre Gauguin, son indépendance d'esprit, après des "petits boulots" sans éclat, le conduira aux bords de la Mer Rouge.

Si ses activités furent souvent illégales, il commence à en faire le récit dans les années 1930 et après la Seconde Guerre mondiale. Il écrira une cinquantaine d'ouvrages, dont beaucoup seront inspirés par ses carnets de bord, de voyage, ses correspondances avec ses amis et ses proches. Entre fiction et réalité, c'est là que réside le charme et la pérennité de ses écrits.

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