L'Expulsion

Eternel débat...
De
Michel del Castillo
Editions Fayard - 332 pages
Notre recommandation
3/5

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Thème

1492 : après la chute de Grenade, les Rois Catholiques, Ferdinand et Isabelle,  décident d’expulser  les Juifs d’Espagne à moins qu’ils ne se convertissent sincèrement au catholicisme.

1609 : Philippe III,  leur arrière-petit-fils, entreprend, à son tour,  sous l’influence de son favori Lerma,  de parachever  la « Reconquista » en mettant fin définitivement à une présence musulmane de près de  huit siècles et de renvoyer en Afrique du Nord les quelques cinq cent mille « morisques » qui vivent et travaillent encore en Espagne, en leur donnant le choix entre une vraie pratique chrétienne et l’exil.

C’est de cette expulsion, méconnue de l’histoire, que traite le roman de Michel del Castillo dont les héros principaux (le Cardinal Laguna et son valet Manuel, Don Alvaro, duc de Gandie et son fils adoptif, Octavio/Hassan)  sont  les archétypes des personnes favorables ou  opposées à cette décision.

Points forts

- Au début du roman, l’échange de haute volée  entre le duc et le cardinal :

L’un, comme la majorité des Grands, est hostile au renvoi des  morisques qui ont toujours fait partie de son univers et pour lesquels il éprouve une certaine tendresse ;  l’autre, comme la plupart des  prélats, se pose en  défenseur d’une civilisation chrétienne incompatible avec la philosophie musulmane.

Le duc, en bon militaire,  se défend de s’abandonner à une « compassion molle » et accuse l’homme d’église de céder au péché d’indifférence,  relevant du péché par omission. Le cardinal, lui, fait valoir l’intérêt pour les Grands d’utiliser une main d’œuvre efficace et bon marché, sans vouloir reconnaître que sa propre enfance nécessiteuse l’a vacciné contre la commisération envers les plus pauvres.

Tous deux se rejoignent sur la difficulté d’allier charité et politique.

- Une bonne étude du caractère pusillanime de Philippe III, entièrement sous la coupe de son favori, le duc de Lerma,  qui y gagnera le surnom de « Valide » puisqu’aucune décision ne se prend sans son aval.

- La description de l’Espagne décadente du tout début du XVIIe dans laquelle les morisques sont les boucs-émissaires d’un peuple miséreux et dévot,  jaloux de  «cette terre ingrate et sublime» qui est la sienne.

Quelques réserves

Des personnages assez convenus, sans beaucoup d’épaisseur, dont le comportement prévisible n’accroche guère le lecteur, et chez qui le sentimentalisme prime parfois la crédibilité.

Des répétitions  ou redites de paragraphes entiers qui donnent parfois  l’impression que l’ouvrage est bâclé ou mal relu.

Encore un mot...

La plupart des critiques s’accordent à célébrer un livre qui nous renvoie à notre propre époque, « sa couleur particulière à la lumière des tensions actuelles » et « le miroir historique d’une troublante actualité que nous tend Michel del Castillo»…

Nul doute qu’il ne s’agisse là d’une volonté délibérée de Michel del Castillo. Mais la matérialité de l’expulsion relatée par le secrétaire de Don Alvaro en fin de volume évoque plutôt pour moi, et beaucoup plus concrètement,  la réalité d’un autre exode, tout aussi dramatique, qui se déroula en 1962 après les accords d’Evian. En disant cela, je n'engage évidemment que moi, avec mes souvenirs personnels...

Une phrase

Ou plutôt deux, tirés du débat entre le Duc et le Cardinal, p. 50 et 53:

- « Je ne vois qu’une chose : les morisques sont nés sur cette terre depuis des générations. Ils sont chez eux depuis plus de trois cents ans, huit cents si l’on songe à la date de leur débarquement. Aucun d’eux ne parle ni ne comprend l’arabe, pas un n’a visité un pays islamique. Et vous allez les expulser vers des terres qui leur sont étrangères ? Parmi des peuples dont ils ignorent les coutumes et dont ils ne parlent pas la langue ? »

- « Vous en revenez toujours aux sentiments, Excellence, manière d’empêcher le raisonnement. Ce n’est ni leur pauvreté ni leur ignorance qui rendent les morisques inassimilables. C’est leur esprit fermé  à cette liberté chrétienne que vous incarnez ».

L'auteur

Agé aujourd’hui de 83 ans, Michel del Castillo, né à Madrid de père français et de mère espagnole, reste marqué par une enfance écartelée entre deux pays et deux parents opposés, qu’il évoque dans « Tanguy », son premier succès littéraire en France.  Il est actuellement l’auteur prolifique de  près de quarante titres récompensés par de nombreux prix, dont  quelques pièces de théâtre et plusieurs biographies de belle tenue.

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