
L’homme sous l’orage
Parution en Août 2025
346 pages
21,90 Euros
Infos & réservation
Thème
Nous sommes dans les Pyrénées-Orientales. Durant l’hiver 1917, par un soir d’orage, Isaure à la tête du domaine viticole familial fait une partie de crapette avec sa fille Rosalie 19 ans et leur dame de compagnie. Un homme se présente à la porte d’entrée. Cet homme, Théodore peintre avant la guerre, et Isaure se connaissent. Il demande à être hébergé au château. Mais c’est un déserteur. Et Isaure dont le mari et le fils se battent toujours sur le front le renvoie très sèchement « j’espère que vous retrouverez le chemin de l’honneur ».
Rosalie, 19 ans, sort tout juste du pensionnat religieux, s’ennuie à mourir depuis ses trois années de guerre “ à tricoter des chaussettes pour les soldats” tout en rêvant en lisant les destins des Sœurs Brontë. « Cette nuit, elle peut être l’instrument de Dieu » et saisie de compassion va faire rentrer cet homme à l’insu de tous et le cacher dans le grenier du château.
Ce risque menace la vie du château, de toutes et de tous.
Points forts
De beaux et intéressants portraits de femmes :
- Isaure, la mère forte et courageuse. Délicieuse mondaine avant la guerre, elle se retrouve obligée d’affronter la gestion du domaine. Très présente dans les vignes, n’hésitant pas à y mettre les mains, elle se révèle être une femme de tête. Elle s’engage avec d’autres femmes près des hôpitaux qui accueillent les blessés, et « ne s’économise pas quand il s’agit de servir l’Eglise », fidèle aux valeurs dues à son rang : Foi chrétienne, Patrie, Honneur en reconnaissant le mérite de ceux qui travaillent la terre.
- Rosalie tout en rêvant de Jane Eyre va sortir du destin qui est le sien. Elle s’ennuie mais elle possède une certaine fougue et un caractère plutôt assuré ! Elle peut enfin s’investir dans l’aide aux réfugiés, aux grands blessés, affrontée ainsi à tous ces corps mutilés. Après avoir installé le peintre dans le grenier familial, elle s’organise pour lui monter chaque nuit nourriture, puis vins, puis tabac, puis pinceaux, toiles et tubes de peinture. Elle s’y attache, partagée entre son éducation et sa religion. Théodore et Rosalie apprennent à se connaître. Et la jeune fille va découvrir ainsi l’amour, le désir et toutes ces sensations physiques dont elle était ignorante.
- Marthe, la jeune bonne, a un rôle important : elle voit tout, sait tout car elle a découvert « le secret de Mademoiselle ». D’une famille nombreuse et pauvre, elle est déterminée à réussir et rêve de devenir vendeuse élégante au Bon Marché de Paris et n’a aucun tabou pour son corps ! Pour réussir, il lui faut de l’argent. L’occasion est belle de faire chanter Rosalie qui doit acheter son silence.
Avec en fond la peinture des Fauves, de belles descriptions sur cette vie artistique et cette guerre qui a séparé des artistes par des tranchées entre leurs pays. L’Art n’est pas guerrier.
Quelques réserves
Malgré ces portraits intéressants, le récit est trop lisse avec un air de « déjà vu » sur cette guerre, des longueurs dans certaines descriptions (le nombre d’allées et venues vers le grenier !). Une histoire romanesque un peu trop convenue.
Encore un mot...
Un livre sur la famille, la guerre, l’Amour et l’Art à travers trois femmes. Mais des récits sur La Grande Guerre, il y en a eu, il y en a (ainsi les livres de Pierre Lemaître !). Nous retrouvons donc ici toutes les horreurs : les journaux en parlaient mais ce sont tous ces blessés, ces mutilés dans les hôpitaux qui en sont le plus terrible témoignage. A quelques kilomètres de l’Espagne (qui n’est pas en guerre), avec ces Catalans ouvriers frontaliers, la vie s’organise malgré tout ce que la guerre détruit. Les femmes prennent en mains les affaires, mères et veuves pleurent leurs maris et fils, les jeunes filles découvrent la vie et l’amour, les « petites bonnes » rêvent d’un autre destin. Chaque femme veut sortir de sa condition établie par les codes. Malgré l’horreur de cette guerre, souffle un vent de liberté.
C’est cette histoire de vie et de liberté que nous raconte l’auteure avec ses trois femmes. C’est un roman auquel il faut adhérer : la petite histoire dans le contexte de la Grande Histoire. C’est une lecture agréable mais qui ne m’a pas fait vibrer comme les précédents.
Une phrase
« Son cœur bat la chamade. Elle pressent que c’est lui, le mystérieux visiteur du soir, dressé de toute sa carrure dans le vent humide. L’éclatement d’un nouvel orage le force à se replier sous la véranda. Dans un éclair, elle le voit déplacer son sac à l’abri, aperçoit des traits épuisés mais encore jeunes, une moustache et un désordre de barbe (…). Rosalie ne peut l’abandonner dans le froid. Est -ce que le Christ refuserait d’aider ce malheureux ? » p.17
« Loin des compte rendus patriotiques et des mots pudiques de son père et de son frère, des illustrations du Miroir, de ces horreurs que la distance rend abstraites, ici tout ce qui survit transpire et crie ce qu’est vraiment la guerre, et elle ne peut se protéger de ce choc. » p.81
L'auteur
Gaëlle Nohant est née en 1973 et a fait des études littéraires. Elle est l’auteure de cinq romans, dont La Part des Flammes ( Héloïse d'Ormesson, 2015); Légende d’un dormeur éveillé (Héloïse d’Ormesson, 2027) - évocation de la vie de Robert Desnos dans le Montparnasse artistique des Années Folles jusqu’à l’occupation de Paris pendant la Seconde Guerre mondiale ; Le Bureau d’éclaircissement des destins (Grasset, 2023) - le fil qui relie des trajectoires individuelles à l’Europe. Donc toujours une histoire dans l’Histoire.
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