L'Invention des Corps

Un voyage foisonnant, surprenant, captivant dans l'espace et le temps
De
Pierre Ducrozet
Editions Actes Sud - 304 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

Dans ce roman au titre un peu énigmatique, tout va vite, très vite. Une manifestation d’étudiants à Iguala, au Mexique, en 2014. Une répression d’une violence inouïe. Des corps mutilés, massacrés. Après cinquante pages centrées sur le personnage d’Alvaro, professeur passionné d’informatique qui fuit le carnage, de multiples bifurcations proposent tout un réseau de destinées à des époques et dans des lieux différents. 

Et c’est avant tout du corps dont il s’agit au fil de ces pages qui l’explorent  et le relient à l’Histoire du XXème et du XXIème siècles. Corps anéanti par les dictatures et les guerres, corps transformé pour changer de genre, corps moyen de survie et de jouissance, corps amélioré pour assouvir les fantasmes les plus fous - notamment ceux de milliardaires peu scrupuleux prêts à tout pour le rendre immortel…

Points forts

- Une tension dramatique soutenue.

- Un roman riche, très documenté dans des domaines divers.

- Une écriture qui varie selon les sujets traités, et ils sont nombreux ! Particulièrement poétique dans la description de l’infiniment petit, elle peut aussi se faire réaliste ou épique.

Quelques réserves

On peut avoir l’impression de se perdre dans toutes les ramifications du récit, mais c’est ce qui à mon sens donne force et originalité au propos.

Encore un mot...

Comme sur le Web, le lecteur voyage sans transition dans l’espace et le temps. Le roman part toujours là où on ne l’attend pas ; les mots, eux, sonnent toujours juste, qu’ils évoquent le camp de Treblinka ou l’univers aseptisé de la Silicon Valley. Impossible de résumer cet ouvrage foisonnant, surprenant, captivant, qui sait autant nous faire vibrer que réfléchir aux dictatures d’hier et –parfois invisibles- d’aujourd’hui. Une folle cavale qui ne se contente pas de mêler réel et fiction, mais qui introduit aussi brillamment une autre dimension, celle du virtuel.

Une phrase

Ou plutôt trois, que l’on peut voir comme des clés de lecture de l'oeuvre :

- « Le monde n’a pas de centre, le monde est un réseau infini de données » P.174

- « Si j’écrivais un roman (…) je le construirais ainsi, en rhizome, en archipel, figures libres, interconnexions, hypertextes, car ça devrait être le fondement du récit contemporain ». P.184

- « Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, la réalité et sa représentation ont coïncidé. Jusqu’alors, seul le réel lui-même était multiple, profus, multidimensionnel, ouvert, dilaté, quand sa représentation, aussi profonde et dense soit-elle, demeurait plane, fixée, à échelle réduite. » P.233

L'auteur

Né en 1982, Pierre Ducrozet a reçu le Prix de la Vocation 2011 pour son roman « Requiem pour Lola rouge »,  récit d’une fuite perpétuelle de l’étouffante réalité.  « La Vie qu’on voulait » en 2013 est l’histoire d’un groupe de cinq jeunes qui avaient vingt ans en l’an deux mille et rêvaient d’une vie intense. En 2015, dans une autre épopée contemporaine, « Eroica » , il a fait de l’artiste Jean-Michel Basquiat un personnage de fiction. 

« L’Invention des Corps » vient d’être récompensé par le Prix de Flore (ex aequo avec « Paname Underground », de Johann Zarca).

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