Morts de peu

Attention pépite ! Six nouvelles d’une diversité de style et d’une intensité rares !
De
François Eulry
Le Lys bleu
Novembre 2022
215 pages
21 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Morts de peu dresse 6 portraits qui ont en commun, à l'exception du dernier, de nous faire savoir, dès les premières lignes, que la personne dont il est question, est décédée. Si le rapport à la mort est un trait d'union, il est aussi un prétexte. Celui d'évoquer ces  vies qui furent, ces vies que le souvenir ne veut pas effacer, la modestie, le devoir, l'exubérance ou la colère qui cachent des fractures qui ne furent jamais dites. Comme un hommage, ces nouvelles évoquent l'Epouse, le Père, Grands Pères, grand oncle et autre proche, tous ces personnages ayant eu une relation intime avec l'auteur. Elles dessinent des chemins de vies tendres, désabusés, souriants ou graves, plus exubérants ou inattendus au fur et à mesure que remonte le temps des souvenirs.

Points forts

Ces six nouvelles, si elles sont unies par la mort annoncée, composent le tableau divers des vies d'êtres chers, racontées sous des angles très différents.

Car ces portraits, si sensibles qu'ils soient, proposent une alternance de style et de rythme qui font la singularité de l'écriture de François Eulry - celles et ceux qui ont lu La messe Allemande se régaleront de son écriture raffinée, nerveuse ou tendre, imagée ou d'une précision presque clinique.

Il y a beaucoup d'intimité et de clairvoyance dans le récit  de Christine, l'épouse, qui raconte sa mort et sa vie. De la pudeur dans celui du Père, ou l'auteur confie sa relation, sa complicité, son admiration aussi. De la profondeur dans ceux de Louis et de Jules, les deux grands pères, qui mêlent les souvenirs de la Grande Guerre, l'amour de la musique, la blessure indélébile des combats ;  du Pagnol, du Raimu dans la vie d'Emile "volcan sur son île" ou plus précisément sur son cap. Il y a du Mauriac dans le silence de Thérèse, qui raconte la petite bourgeoisie de province, ses drames cachés, ses blessures plutôt que ses joies.

Quelques réserves

Pas de réserve, si ce n'est que dans ces nouvelles, rien ne vous indique où l'auteur va vous emmener ! Et cela peut donner le sentiment que certains récits sont un peu longs.

Encore un mot...

Morts de peu raconte la mort qui est là, à la première seconde, à la première ligne, à la première personne. Mais surtout ces nouvelles proposent la fresque d'une lignée familiale, d'un siècle de vies, de joies, de peines, d'éclats ou d'excès, où pointe l'œil du thérapeute et l'humanité de l'écrivain.

La mort dans ces pages n'est pas désespérance, mais plutôt étincelle pour un hommage, prétexte à l'intime. Au fil des récits alternent la confession et l'exubérance, la nostalgie et la joie du souvenir, le regret de ce qui n'a pas été dit ou accompli, et toujours, en filigrane, l'essence de ce qui a été transmis. 

L'élégance de la langue, la pudeur dévoilée, la fantaisie stylistique font de ces Morts de peu un moment de lecture dont la diversité et l'intensité m'ont particulièrement touché.

Une phrase

  • "…passer sur la brûlure qui le ronge, le baume d'une musique fabriquée de ses mains, dans l'atelier de sa jeunesse. 
    Vingt-quatre heures durant au fond du fossé, ne rien dire, ni sa souffrance, ni sa douleur. Juste les positions ennemies au frère fantassin qui passe au dessus de lui. Car il le voit trembler, là-haut, sur son chemin de crête dégoulinant de pluie, de boue et des humeurs de morts qui emportent la vie des compagnons. Eux ne verront plus les oiseaux migrateurs ni le soleil fuir la baie de Somme pour échapper vers l'ouest à la folie des hordes meurtrières. " P 94
  • "Le dimanche soir, depuis des mois que Jules déclinait, son frère Léon lui rendait visite. Il s'asseyait en face de lui, à le toucher, dans la pénombre de la vieille bâtisse, fuyant le jour moribond et baissant la lumière. […] Il était passé par l'église, s'y était recueilli. Il lui cachait y avoir prié pour lui ; et pour son Allemand déicide. Jules n'y entrait jamais, Léon chaque jour." P 124
  • "Lui, Emile Le Sage, malgré ses excès, si friand du présent, des plaisirs simples, de l'amitié partagée. Lui qui n'a qu'une expression aux lèvres : "Qu'est-ce qu'on mange ? " Lui que protège l'image de la petite Paulette au fond de sa poche. Qui se dit immortel, mais pense aux Folies Bergères célestes - "il faut avoir deux fers au feu" dit-il : comment une simple explosion de rires a-t-elle pu tuer ce soldat de génie, sapeur si familier de cet explosif ?" P 154

L'auteur

Médecin Général, François Eulry a dirigé l’hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce à Paris. Il y a longtemps été titulaire d'une chaire d'enseignement. Il a pris sa retraite après d'importantes fonctions d'État major. Il est l'auteur de La Messe Allemande, https://www.culture-tops.fr/critique-evenement/romans/la-messe-allemande, son premier roman publié en mars 2021.

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