Nos âmes, la nuit

Une petite merveille de délicatesse et d'émotion.
De
Kent Haruf
Editions Robert Laffont
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Dans la petite ville de Holt, Colorado, déjà théâtre des évènements du "Chant des plaines", Addie, 75 ans, veuve depuis des décennies, fait une étrange proposition à son voisin, Louis, également veuf : voudrait-il bien passer de temps à autre la nuit avec elle, simplement pour parler, pour se tenir compagnie ? La solitude est parfois si dure… 

Bravant les cancans, Louis se rend donc régulièrement chez Addie. Ainsi commence une très belle histoire d’amour, lente et paisible, faite de confidences chuchotées dans la nuit, de mots de réconfort et d’encouragement. Une nouvelle jeunesse apaisée, toute teintée du bonheur de vieillir ensemble. 

Mais voilà, bientôt, les enfants d’Addie et de Louis s’en mêlent, par égoïsme et surtout par peur du qu’en-dira-t-on. Le fils d’Addie, ulcéré, somme sa mère de quitter ce vieil homme qui, il en est persuadé, en veut à son argent. Dans sa colère, il va jusqu’à la menacer de l’empêcher de voir son petit-fils. La fille de Louis, qui pourtant vit loin, ne supporte pas les coups de téléphone malveillants de ses anciennes copines d’école, qui salissent tout et lui font honte.

Pris dans la violence et la rancœur de leurs enfants, Addie et Louis résistent mal.

Points forts

Un petit  bijou. On est saisi par une telle densité et autant de délicatesse. L'air de ne pas y toucher, Haruf parle comme personne de l'amour et des ratages qui jalonnent une existence. Des  blessures qui ne guérissent  jamais. Des actes dont on n'est pas toujours très fier. Difficile de ne pas terminer sa lecture pour le moins étranglée par l’émotion, sinon les yeux rougis de colère mais aussi de compassion  pour Addie et Louis.

Une histoire simple, celle de l'amour qui nait entre un homme et une femme âgés. Un livre tendre,  qui traite avec délicatesse de l'amour et de la sexualité à l’automne de la vie. L’amour en récompense

Un pied de nez à ceux qui jugent et cataloguent trop vite, dans une prude Amérique soucieuse de l'entretien de ses pelouses et du respect des rituels sociaux.

Belle quête de l’amour à l’âge ou l’on croit à tord que c’est impossible.

Ces échanges nocturnes nous valent quelques beaux dialogues lorsque nos deux veufs racontent chacun leurs souvenirs, les hauts et les bas de leurs vies, leurs regrets et leurs envies, leur simple bonheur de partager tout cela.

L’auteur a un style simple mais qui m'a touché. Pas de grandes phrases, ni de grandes aventures  mais des scènes de vie authentiques qui nous rappellent que les bonheurs les plus simples sont aussi les plus précieux (un pique nique au bord de l’eau p 110). 

Quelques réserves

Mais il semble que finalement  Kent Haruf n'avait peut-être pas de quoi faire plus qu'une jolie nouvelle et le voici à délayer les épices de sa bonne idée dans une sauce allongée : les déboires de la vive grand-mère avec son petit-fils (et son fils) nous font perdre le fil, même s'ils préparent le dénouement désabusé de cette histoire qui aurait pu se passer de conclusion et aurait gagné à rester concentrée sur le fil ténu qui relie les deux personnages.

Encore un mot...

L’ouvrage posthume de Kent Haruf donne l'envie d'aller au bout de ses rêves envers et contre tous. De mener sa vie sans tenir compte des diktats et menaces  de la bien-pensance. 

C’est un roman très joli  bourré d'affection pure, de tendresse et de pudeur.

Un « pas de deux »  pour celui et celle qui tentent de résister.

Tout cela compense largement les défauts évoqués plus haut.

A lire avec bienveillance, douceur et respect.

Une phrase

- « Mais je crois que je pourrais retrouver le sommeil s'il y avait quelqu'un dans mon lit avec moi. Quelqu'un de gentil. L'intimité que ça représente. De discuter la nuit, dans le noir.

-  « C’est une sorte de mystère. J’aime l’amitié que ça implique. J’aime ces moments ensemble. Être ici au cœur de la nuit. Discuter. T’entendre respirer à côté de moi si je me réveille. »

L'auteur

Kent Haruf était un écrivain du Colorado, auteur d'une poignée de romans taiseux à la beauté fragile, traversés de frissons de mélancolie. Que ce soit dans Le chant des plaines, Colorado blues ou Les gens de Holt County et Nos âmes la nuit – le petit dernier, qui nous intéresse aujourd'hui –, les personnages sont secoués d'immenses chagrins enfouis et de petits bonheurs murmurés, de crainte que le vent ou les ragots ne les éparpillent aux quatre coins de la plaine. 

Kent Haruf est mort en 2014, quelques mois avant la parution aux Etats-Unis de Nos âmes la nuit.

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