Perpétuité
Publication en septembre 2025
332 pages
22 €
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Thème
Perpétuité est une plongée dans l’univers carcéral, lors d’une nuit dans une maison d’arrêt du sud de la France, où le lecteur partage le quotidien des surveillants avec leurs rondes, leurs routines, les incidents et les accidents provoqués par les détenus.
Perpétuité pour les surveillants, Pierre, Kim, Aziz, Sandrine, … protagonistes de cet ouvrage dont la nuit sous tension est rythmée par les parcours dans les coursives, la surveillance nocturne de chaque cellule, les imprévus tragiques à gérer et les moments conviviaux en salle de repos.
Dès les premières pages nous suivons Pierre qui prend son service de nuit et nous sommes enfermés avec sa dizaine de collègues pour gérer 1000 détenus.
Points forts
Un ouvrage instructif et réaliste comme pourrait l’être un reportage mais écrit comme un roman et où l’on devine que cette nuit va être particulièrement mouvementée. La pression monte au fil des pages.
Un livre plein d’humanité, où l’on éprouve de la compassion pour les surveillants, où l’on ressent leur épuisement, où l’on redoute l'événement tragique à venir, et où l’on effleure leur vie en communauté. Un huis clos dans un huis clos.
Une immersion dans la vie des surveillants de prison (et non des gardiens) qui permet de changer notre regard sur ces hommes et femmes qui travaillent à perpétuité dans un univers singulier et très éprouvant.
Des surveillants qui à travers leurs discussions ou pensées intérieures s’interrogent sur leur rôle et sur le regard porté sur leur profession.
Certains pourraient regretter l’unité de temps – une nuit – mais, avec cette plongée en apnée, l’auteur nous permet de découvrir l’univers des agents autrement qu’à travers les faits relatés aux journaux télévisés.
Quelques réserves
Trop de personnages et trop « d’incidents » pour une seule nuit rendent parfois la lecture de ce récit indigeste.
Encore un mot...
Pour écrire Perpétuité, Guillaume Poix s’est largement documenté en se rendant à plusieurs reprises dans une maison d’arrêt, en y passant des jours et des nuits, en interviewant des agents.
Interview France Culture 25 septembre 2025
« Je ne voulais pas venir en tant qu’artiste. Je voulais observer de manière assez invisible et transparente ce qu’était le métier de surveillant, avec l’impression que c’était un métier semblable à un corps social invisibilisé, des gens qu’on ne connaît pas beaucoup. On a une vision d’eux assez stéréotypée et donc je voulais m’intéresser à ces « matons », ces gens qui ont l’air de faire le sale boulot pour nous. »
Une phrase
[Emilie]
“ Elle savait qu’il y avait eu un incident avec un détenu le matin même, elle savait que ça s’était passé au bâtiment C, elle savait que Kim y faisait son service, que c’était un matin-nuit pour elle, c’est-à-dire des horaires pas possibles, 6h45 -13 heures puis 18h45-7 heures, vingt -quatre heures de travail d’affilée et cette misérable pause du jour où l’on rentre chez soi pour se doucher, manger, à peine se reposer, déjà l’heure de repartir. Tous les surveillants, et à raison, pense Emilie, exècrent les matin-nuit, ce rythme qui les fracasse, ce désastre social qui entame leur espérance de vie, c’est prouvé, jurent les syndicats, c’est même pris en compte pour le calcul de la retraite, cette organisation qui égare et dérègle tout un peuple de prolétaires de la sécurité – matons réprouvés au-dehors, soupçonnés des pires violences, des pires bassesses psychologiques, objets des fantasmes les plus sordides, salis par une réputation séculaire, personnages vicieux de romans noirs, incarnations du mal et de la perversité, comment peut-on bosser en taule, vouloir surveiller qui que ce soit, supporter cette violence et la reproduire en consentant à faire régner la discipline au milieu des barreaux, comment peut-on accepter d’avoir un ascendant, de posséder un trousseau, d’avoir d’autres droits que ses voisins, comment peut-on endurer cette collaboration active au maintien de l’ordre, et qu’est ce que cela peut bien vouloir dire, l’ordre, comment peut-on se regarder dans le miroir, le soir venu, quand on a refermé les portes des cellules et que les détenus prennent leur dose de Valium pour espérer sombrer, comment peut-on assumer cette fonction qui consiste à encadrer, veiller au respect d’une peine, contrôler le bon déroulé d’une sanction, mener son semblable sur le chemin de la conversion morale, tolérer qu’on l’amende par la réclusion, la privation, la séparation d’avec la vie – oui, Emilie savait que Kim allait vivre une journée ordinaire de surveillante où, des horaires aux prérogatives, tout donnerait matière à s’offusquer pour qui considérait cela de loin – de l’extérieur.” Page 101
L'auteur
Né en 1986, Guillaume Poix est un ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure et diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre.
Trois romans ont été publiés par Gallimard-Verticales : Les fils conducteurs (2027), Là d’où je viens a disparu (2020), Stars (2023).
Il est également l’auteur de plusieurs pièces : Soudain Romy Schneider, Un sacre, La vie invisible et Léviathan.
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