Perséphone 2014

Compliqué, déconcertant, mais très bien écrit, original et attachant
De
Gwenaëlle Aubry
Aux Editions Mercure de France - 115 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

Perséphone est la fille de Zeus et de Déméter. Alors qu’elle est occupée à cueillir des fleurs avec les Océanides, elle est enlevée par Hadès, son oncle, dieu des enfers. Déméter, désespérée, la cherche partout à travers le monde. Son père Zeus ordonne finalement à Hadès de rendre la jeune fille à sa mère, mais son retour achevé dans le monde d’en-haut s’avère impossible.  

L’histoire de Perséphone donne lieu ici à une série de variations poétiques, manifestement autobiographiques, autour de scènes inspirées du mythe qui servent de source à une narratrice changeante, tantôt mère, tantôt fille, tantôt adolescente évanescente, tantôt adulte tourmentée, entre insouciance et inquiétude, détachement et amour fou. 

Points forts

- L’une des précieuses originalités de ce texte est de trouver un terrain poétique et romanesque hors de l’espace et du temps, entraînant le lecteur dans une confusion peut-être nécessaire à son immersion totale dans une composition aux formes compliquées, tantôt en vers, tantôt en prose, aux dialogues verrouillés et aux sous-titres énigmatiques.

- A travers les multiples visages de la narratrice sont peints avec justesse à la fois l’amour d’une jeune fille pour son amant, l’insouciance angoissante d’une adolescente, la tendresse maternelle et, plus spécifiquement, l’attachement d’une mère à sa fille, passion empreinte d’identifications et de déchirements, de tourments, de doutes et de fierté.

- La langue du livre, puissante, complexe, est armée de phrases irrévocables sur les relations amoureuses, les angoisses féminines du viol, de la stérilité, le rapport de la maîtresse au corps de l’homme et de la mère à celui de l’enfant ; certains passages, emportés et fluides, sont de vrais moments de grâce.

Quelques réserves

Si le caractère déconcertant du texte ne peut, en lui-même, être qualifié de « point faible », il va de soi qu’un lecteur non averti ou pressé ne pourrait être qu’inquiété par son étrangeté franchement difficile d’accès, nécessitant, d’une part, une connaissance antérieure du mythe de Perséphone sur lequel il repose pour être pleinement découvert, mais aussi d’être relu lui-même plusieurs fois, afin d’être apprécié dans sa musicalité enchevêtrée, ses mises en abymes permanentes et son intertextualité copieuse.

Encore un mot...

Un livre très particulier, ni formellement construit, ni facile à lire, mais fort d’un univers entêtant, de références fourmillantes et de phrases admirables. Il se lit comme un long poème qu’il faut renoncer à comprendre parfaitement. Il se referme sans laisser le goût d’une possession sereine, plutôt celui du doute et du déracinement, mais il parvient par-dessus tout à être un plaisir.

Une phrase

« Toutes vos histoires étaient prélevées sur celle-ci, votre vie sans forcer très au large s’y inscrivait et au plus vif d’elle-même portait cet autre nom ».

L'auteur

Gwenaëlle Aubry, née en 1971, a publié son premier roman, « Le Diable détacheur », en 1999. Elle a reçu le prix Femina dix ans plus tard pour « Personne », un étonnant portrait éclaté d’un père insaisissable, en forme d’abécédaire, qui lui a valu d’être reconnue à la fois par le public et la critique.

 Docteur en philosophie et agrégée de cette même discipline, elle a notamment étudié à l’ENS d’Ulm et à l’Université de Cambridge.  Actuellement chercheur au CNRS, elle a aussi publié des essais et articles consacrés, entre autres, à Aristote et à Plotin. « Perséphone 2014 » est son septième roman. 

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