Phrase d’armes

Un rendez-vous avec un héros modeste
De
Paul Greveillac
Gallimard
Publication le 24 août 2023
179 pages
19 euros
Notre recommandation
2/5

Infos & réservation

Thème

René Bondoux n’étalait pas ses brillants états de service. Avocat en 1930, Premier Secrétaire de la Conférence et Bâtonnier de l’Ordre (1963-1965), il a été champion olympique de fleuret à Los Angeles en 1932 et de nouveau médaillé aux Jeux de Berlin de 1936. Engagé dans les Forces Françaises Libres fin 1943, comme chef d’escadron dans un régiment de chars, il devient chef de cabinet de de Lattre de Tassigny. Il est à ses côtés  lors de la reddition allemande à Berlin le 8 mai 1945. 

Dans Phrase d’armes, Paul Greveillac  éclaire les moments les plus intenses de la vie de René Bondoux pour “dissiper la brume qui entoure [l’homme] à la poursuite de son fantôme”. Mystérieux, il reconnaît qu’il a bénéficié du “truchement d’un hasard souverain", peut-être des mémoires non publiées de René Bondoux. 

Le récit, parfaitement chronologique, nous emmène dans les coulisses souvent pittoresques des jeux olympiques de 1932 qui voient Bondoux et les fleurettistes français l’emporter par équipe. Bondoux y rencontre également la jeune et riche Victoria Mitchel qui sera plus tard sa femme. Greveillac restitue l’ambiance de la cérémonie d’ouverture des jeux de Berlin de 1936 où le salut de Joinville est malencontreusement confondu avec le salut nazi par les spectateurs allemands. L’évasion de France fin 1943 avec un long passage par les camps franquistes ou le récit de la signature de la reddition du Reich à Berlin où l’opiniâtre de Lattre finit d’imposer la France comme le quatrième partenaire des alliés, constituent d’autres temps forts du roman.

Points forts

Greveillac rend un hommage mérité à un héros méconnu. Modeste, Bondoux confessera qu’il ne se sentait aucun destin particulier et que, rationnel, son comportement a été dicté par les évènements. Sa personnalité mélange talent (pour l’escrime qu’il voit comme un “passe-temps de gentilhomme") et travail acharné (comme avocat ou collaborateur de de Lattre). Son inclinaison vers la France Libre ne relève pas de la foi qui a animé les premiers résistants. Si, très tôt, il déplore l’état de résignation et d’impréparation du pays, il ne se précipite pas à Londres. Bondoux est légaliste (il est de ceux qui pensent rejoindre les Forces Françaises Libres “au détour d’un cocktail”) et légitimiste. En conséquence (?) Bondoux ne sera pas fait Compagnon de la Libération, ni ne jouera de rôle politique dans la France de l’après-guerre comme tant de résistants.

Quelques réserves

La “brume a-t-elle été dissipée” ? Pas à notre avis. Peut-être la matière à la disposition de l’auteur était-elle limitée. Le livre sonne plus comme une biographie classique que comme un roman. Certes l’écriture apporte son lot de descriptions ou de mises en situation qui font palpiter un peu le récit. Mais l’usage excessif de phrases sèches et courtes, parfois dépourvues de verbe, ne parvient pas à installer la tension propre à embarquer le lecteur dans les phases les plus intenses ou dramatiques du récit. Greveillac aborde superficiellement la personnalité de Bondoux. Peut-être parce que son sujet était dépourvu de ces aspérités qui facilitent la tâche de l’écrivain. Le lecteur conclut que R. Bondoux était travailleur, honnête et bienveillant, un chic type qui a juste fini par accomplir son devoir. Ses croyances politiques ne sont pas abordées. On perçoit en creux qu’il est un conservateur légaliste qui préférait peut-être Giraud à De Gaulle. Rien de mal à cela, mais cela lui interdit de figurer au panthéon des héros de la résistance.

Greveillac aurait-il voulu nous donner sciemment un livre à l’image de René Bondoux, trop sobre, trop lisse ?

Encore un mot...

D’avantage de matériel biographique et historique, une attention plus grande portée à la psychologie du personnage et une écriture plus convaincante aurait certainement hissé le niveau de Phrase d’armes.

Une phrase

  • « Le Français dégage ainsi une vraie bienveillance ? Lui qu’on sait sautillant un fleuret à la main, il est en outre d’une tranquillité rassurante. » (page 25)
  • « Alors les barillets sont vidés. Rechargés. A défaut de vaincre, on force le passage. On prend de vitesse. On passe. Mitraille. Incendies. Courses-poursuites avortées. » (page 137)
  • « Et nous. Pourquoi avons-nous écrit ce livre ? Pour établir à quel point on en sait peu d’un homme ? Explorer ses zones d’ombre par-delà les légendes ? Dissiper la brume qui l’entoure à la poursuite de son fantôme ? Et pourquoi cet homme, justement pas un autre ? » (page 173)

L'auteur

Né en 1981, Paul Greveillac est romancier et nouvelliste.

Phrase d’Armes est son quatrième roman après Les Âmes rouges (prix Roger Nimier en 2016), Maîtres et Esclaves (Grand Prix Jean Giono 2018), Art nouveau en 2020 et L’Étau en 2022.

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