Quarante ans

Quand une grande intelligence butine en chemin
De
Marc Lambron
Editions Grasset
Notre recommandation
4/5

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Thème

Dans le rétroviseur de Marc Lambron, l’année 1997. Celle de la sortie de son livre 1941 (Grasset) mais pas seulement. On y croise le mal et le bien, la politique et ses ténors plus ou moins enroués, les vedettes de l’année ou de la décennie précédente, le triste et le gai, le savoir et la fumée. Les chasseurs de primes et les élus de la République. Des présidents, des putes, des poètes distingués croisant Isabelle Huppert, Claire Chazal, Bernard-Henry Levy …. et cent autres. Le gratin d’un peu partout. De quoi faire saliver ceux qui n’en sont pas. Mine de rien, on s’instruit. Entre ceux que l’on avait déjà passés à la trappe, ceux que l’on avait manqués et les nouveaux venus, le balayage médiatique laisse peu de survivants. Il y a beaucoup de monde dans la vie de l’auteur, des célébrités, quelques amis, des pauses délicieuses au Récamier ou à la table des Pourtalès. Des silhouettes aussi : Flaubert, Pétain, Christian Bourgois, Jünger, Modiano pour Dora Bruder, des rivaux pour le Goncourt qui passent sans élégance, Alain Minc et Chateaubriand qui n’ont guère en commun, le Harry’s Bar et Merleau-Ponty, Pierre Moscovici et Radio NotreDame où l’on parle le matin avec le ton de la confession de minuit.

Points forts

Marc Lambron nous livre un cocktail sucré-salé à la sauce germanopratine, pimentée d’un zest de snobisme assumé. L’esprit Lambron ? Une flèche décochée avec un sourire d’éternel post-ado capable d’atteindre sa cible où qu’elle se cache. Comme on avait déjà pu le voir dans les irremplaçables Carnet de Bal (Grasset, 2001,2003,2011) éblouissante galerie de portraits des années 90, Lambron connait la musique et la sienne peut être aussi incandescente que meurtrière.

Avec Quarante ans, l’exercice n’était pas gagné d’avance. Raconter son emploi du temps, si chargé soit-il, c’est courir le risque d’un poussif abécédaire allant des faits divers à la météo politique, le tout vu au travers des derniers bobos de l’auteur. La plume est vive et coupante comme un scalpel, parfois tendre quand il craint de trop déplaire. Si son ascension vers la gloire est menée d’une main ferme, il reste heureusement à ses lecteurs le plaisir de suivre ses escapades, ses chemins de traverse et des instants de bonheur qui éclatent comme des pétards. Un régal comme ces bonbons qu’on croit destinés aux enfants et qui, à l’image de Tintin, peuvent être croqués à tout âge. Ce qui demeure une fois le livre achevé ? L’impression d’avoir humé le vent parisien fait de vacherie assumée et d’esprit voltairien. On peut aussi piocher ici et là quelques recettes pour naviguer dans le marigot littéraire de la rive gauche entre Beigbeider et BHL, Sollers et Manuel Carcassonne.

Quelques réserves

L’auteur consacré et plus que gâté serait-il encore amoureux de tout ce qui brille ?  Prenons-le comme un signe d’éternelle jeunesse.

Et si, demain, après Quarante ans, Marc Lambron nous donnait un grand et beau roman ? De ceux qui s’installent dans l’esprit du lecteur, non pas pour une heure ou deux mais pour y prendre place en leur donnant le sentiment que l’imaginaire est une réalité insurpassable ?

Encore un mot...

Indispensable pour ceux qui veulent TOUT savoir sur le dur chemin menant de la case d'écrivain à celle de l'Académie Française.

Une phrase

-"La vertu est lente, ceux qui veulent aller vite la négligent …après le strass, le stress"….

- "Eva Herzigova est belle à faire casser un vitrail par un archevêque…devant le photographe, on dirait une espionne qu’on va fusiller. Mais, dès qu’elle vous fait les yeux en dessous, la diablesse d’Europe centrale change les balles en fleurs. Quel Dieu donc a créé cette Eva, madone du bas couture qui aurait eu Gianni Versace pour Botticelli ?"

- Et un troisième extrait tiré d’un portrait de Pamela Harriman, ancienne ambassadrice des Etats-Unis en France : "à force d’avoir pris l’habitude de soupeser fortunes et perspectives, elle avait gardé une lucidité inquisitrice sans pour autant en éprouver la nécessité, ou beaucoup moins, puisqu’elle était devenue elle-même riche."

L'auteur

Elu à l’Académie Française en 2014, Conseiller d’Etat, normalien, reçu 1er à l’agrégation de lettres, énarque, critique littéraire, écrivain, journaliste au Point et au Figaro Madame, Marc Lambron a été couronné par le Femina en 1993 pour L’œil du silence (Flammarion), le prix Maurice Genevoix en 2006 pour Une saison sur la terre (Grasset). 

Une carrière littéraire qui démarre en 1988 avec L’impromptu de Madrid (Flammarion), suivi de La nuit des masques (Flammarion, 1990), Carnet de bal (Gallimard, 1992), 1941 (Grasset, 1997), Etrangers dans la nuit (Grasset, 2001) Carnet de bal (2) (Grasset, 2003),Les menteurs (Grasset, 2004) Une saison sur la terre (Grasset, 2006), Mignonne, allons voir …(Grasset, 2008) Théorie du chiffon(Grasset, 2010) Carnet de bal 3 (Grasset, 2011) Nus vénitiens (Seghers, 2012), Tu n’as pas tellement changé (Grasset, 2014).

Quarante ans est son quinzième ouvrage.

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