Roman d'un berger

Dans un village de Prusse avant la 1ère Guerre mondiale. Un magnifique conte pastoral
De
Ernst Wiechert
Préface de Franck Bouysse
Traduction de l'allemand (Allemagne) par Sylvaine Duclos
Les Editions du Typhon, parution en mars 2022
120 pages, 15,90 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Une métaphore biblique du berger et son troupeau.

Dans un village à la lisière de la civilisation, Michaël, “fils d'une veuve”, clôt son enfance par un exploit avec sa fronde. Courageux, sage et altruiste, il force l'admiration et le respect de tous : cet enfant, c'est peut-être comme le jeune David de la Bible, il est appelé à remuer le monde. 

Non, il ne remuera pas le monde. Mais, tel le Berger de la Bible, il gardera et guidera les animaux et les hommes de son village, au risque de se sacrifier pour tenter de sauver un agneau égaré. « Car le troupeau n'était pas seulement l'orgueil du village, sa richesse et, si modeste soit-elle, sa gloire, le troupeau était le village même, il était son être profond, il était comme l'odeur des toits de chaume, la fumée des cheminées, le parfum des tilleuls du cimetière. » 

Nous suivons Michaël pendant 10 ans. De ses 6 ans, quand il assiste à la mort de son père, à ses 16 ans lorsque les premières batailles de la Guerre de 14-18 se rapprochent du village.

La nature, création divine, est au centre du roman. Le pouvoir magique, mystique et mystérieux de la beauté de la nature apporte une force silencieuse à Michaël. Et cette force le soutient quand il doit vivre plusieurs types d'épreuves concernant la mort, l'amitié, l'amour, la guerre.

Points forts

 Une écriture tout en finesse. Ernst Wiechert sait allier ses élans lyriques, en ce qui concerne la nature et le destin de Michaël, à un style plus léger à propos d'autres personnages. De-ci de-là de petites touches ironiques, bienvenues, allègent la lecture de cette nouvelle si poignante. Traduire Ernst Wiechert, dont la langue, dit-on, est un peu datée par rapport à l'allemand moderne, doit être un vrai défi. Et on ne peut que féliciter Sylvaine Duclos pour sa traduction joliment écrite, intemporelle et sensible.

Quelques réserves

Pas de réserve. Sauf pour la longueur de la préface par rapport à celle du conte lui-même. La préface de Franck Bouysse, pour belle et délicate qu’elle soit et bien qu’il annonce d’emblée “qu'il n’est pas question de dévoiler l’histoire”, dévoile un peu trop l’histoire !  Et on perd la magie de la découverte intime de ce petit roman. Certes, on dit souvent qu’il ne faut lire les préfaces qu’après avoir tourné la dernière page du récit et je regrette, ici, de ne pas avoir suivi ce conseil judicieux.

Encore un mot...

Les jeunes éditions du Typhon s'attachent à republier des auteurs du XX° siècle qui ont une résonance forte avec notre société actuelle. Ainsi Ernst Wiechert. Écologiste et anti-moderniste avant l’heure, il est aussi pacifiste et délivre une leçon intemporelle : mieux vaut chérir le monde que le conquérir. Son petit roman Hirtennovelle sorti en Allemagne en 1935 (paru en France en 1946 sous le titre La Vie d'un berger puis réédité cette année avec une nouvelle traduction et un nouveau titre Roman d'un berger) dénonce donc très tôt les dangers de l'urbanisation galopante et des progrès technologiques.

Une phrase

  • « Au travers de ce texte, Ernst Wiechert exprime le caractère sacré de la nature, sa puissance. Fils de forestier, il la connaît par cœur et surtout par le cœur. Son éducation chrétienne exacerbe sa sensibilité au sacré qui laisse pénétrer à chaque instant dans ses yeux la beauté du monde sensible. » (p.13, Préface par Franck Bouysse)
  • « Michaël apprit à aimer d'un amour précoce et fraternel la créature muette. Il acquit la tranquille assurance de ceux qui, dès leurs plus jeunes années, sont appelés à garder et à protéger, que ce soient des oies ou bien un peuple que l'on ait remis entre leurs mains. » (p.37)
  • « Son âme est pleine d'histoires. C'est la forêt qui les fait éclore, la solitude et le silence. Il n'a pas besoin d'apprendre des odes latines. Des semaines passent où la pluie tombe en bruissant sur les forêts et pendant lesquelles, étendu sous un pin dont les longues branches retombantes l'abritent, enveloppé dans son manteau de berger, ils écoutent les voix qui viennent des profondeurs. » (p.69)
  • « Mais préserver ce qu'il y a de premier dans le monde est une noble tâche, surtout dans un temps où les villes grandissent sans cesse et où, sans arrêt la machine détruit ce que la main de l'homme avait mis des milliers d'années à apprendre ou à acquérir. Et toujours, ajoutait-il à voix basse, toujours les solitaires furent enveloppés d'une gloire et d'une grâce particulières, parce qu'ils étaient ceux qui étaient demeurés les plus humains. » (p.100/101)

L'auteur

Ernst Wiechert, romancier, nouvelliste, essayiste, dramaturge et poète, est né en 1887 en Prusse. Il est l'un des écrivains allemands les plus lus au début des années 1930. Hostile au régime nazi, il est interné à Buchenwald en 1938 d'où il sort quelques mois plus tard à la condition de ne plus porter d'attaque contre le régime en place et la promesse de ne plus écrire. Promesse plus ou moins tenue : il continue à écrire mais ne publie plus jusqu'en 1945. A la sortie de la guerre, il s'exile en Suisse où il meurt en 1950. Il a notamment publié chez Calmann-Lévy Les Enfants Jéromine en 1948 et, à titre posthume, Missa sine nomine en 1953.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir