
Satie
Parution le 12 mars 2025
206 pages
22 euros
Infos & réservation
Thème
De Honfleur, lieu de sa naissance, à Paris et Arcueil, ses deux lieux de résidence, Erik Satie parcourt la vie d’une démarche entravée par une personnalité complexe où le plaisir et la sérénité ont une place restreinte.
Auteur d’une musique novatrice déstabilisante pour la plupart de ses contemporains, il se heurte avec une apparente insouciance à la réprobation de mélomanes choqués et de critiques musicaux troublés.
Seuls quelques artistes vont aborder son travail avec le regard éclairé d’« ouvreurs de nouvelles perspectives artistiques » : Ravel et Debussy bien sûr, Allais et Cocteau, Picasso et Picabia, et d’autres encore, tous mus par l’impérieuse volonté d’investir un nouvel espace de création.
Solitaire, compulsif, ascétique, Satie crée un œuvre marqué par une originalité qui le rapproche du mouvement surréaliste tant dans son écriture que dans sa dénomination : « Gnossiennes, Gymnopédies, Embryons desséchés ou Préludes flasques pour ne citer que quelques pièces…
Il mourra à 59 ans entouré de ses amis, convaincus d’avoir côtoyé l’un des génies musicaux de leur époque.
Points forts
Patrick Roegiers nous permet, dans cette biographie romancée, d’approcher Satie dans la lumière de sa créativité et d’en mesurer l’ombreuse incidence dans sa vie. Seul, écrivant sa musique sur le coin d’une table d’un restaurant, rejoignant à pied son lointain habitat, simple réduit miséreux, sans le sou mais dépensant compulsivement dès que ses moyens financiers lui permettent, l’homme nous trouble et nous émeut. Et tout est double dans son comportement, à tour de rôle sombre et capable d’un bon mot, désireux de disparaître dans une tenue impersonnelle mais provocateur en s’exhibant avec une dizaine de chapeaux sur la tête, austère mais débordant d’un amour aussi démesuré que soudain pour Suzanne Valadon, unique amour connu de son existence, qui l’éloignera rapidement…
Le profil du personnage aurait mérité qu’il croisât un disciple de Freud !
Quelques réserves
Satie est délicieusement fantasque, à l’avant-garde d’un mouvement musical éloigné des codes classiques, conscient de son talent et de la vérité artistique qu’il incarne. Nécessairement honni ou adulé, il trouve refuge devant sa partition ou dans son gourbi, au risque de s’écarter des quelques relations amicales qu’il a pu tresser, et là encore sans en être suffisamment meurtri pour réagir sainement.
Cette imagination créatrice le déborde parfois et le projette loin dans le temps, assuré que ses œuvres seront jouées à jamais. L’écriture de P. Roegiers obéit à cette démesure temporelle en faisant se rencontrer Satie et toute une série d’artistes postérieurs de plusieurs décennies, Pina Bausch ou Bob Wilson, Constantin Brancusi ou John Cage, et d’autres, repoussant les limites conventionnelles du Temps pour réunir tous ces merveilleux artistes au sein de l’entité réjouissante du pouvoir de la créativité…
Et ce choix peut contrarier le lecteur tout en l’enjoignant à se laisser transporter dans les méandres d’esprits supérieurs !
Encore un mot...
Nous voilà donc dans le sillage d'Erik Satie, au carrefour de deux siècles et au croisement surtout de deux visions de l’art dans toutes ses formes d’expression.
Exit les normes académiques pour poser les bases d’un nouvel ordre artistique ! Satie, un peu plus jeune que Debussy et un peu plus âgé que Ravel ou Stravinsky, innove. Kandinsky, né la même année que Satie, Braque, Derain ou Gris, innovent.
Nijinski ou Diaghilev innovent. Et tous tracent un chemin de Beauté, inspirés sans doute par Rainer Maria Rilke pour qui « Celui qui crée doit être pour lui-même un univers ».
Par ailleurs, “ Les maisons Satie" à Honfleur, font partie de l'attraction de cette jolie cité très visitée...
Une phrase
« Satie était de son temps, en avance sur son temps et hors du temps. Sa musique était intemporelle et atemporelle, elle remettait en question non seulement le temps musical, mais la question même du Temps. » Page 163
L'auteur
Patrick Roegiers est né en 1947 à Ixelles, en Belgique. Tour à tour écrivain, comédien, directeur de théâtre et metteur en scène, spécialiste de la photographie, il est l’auteur de très nombreux ouvrages dont l’éclectisme force l’admiration, dont Le Mal du pays, autobiographie de la Belgique, Le Seuil 2003, Prix Louis-Barthou de l’Académie française et Le Cousin de Fragonard, Le Seuil, 2005, ouvrage couronné par l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Il a été élevé au rang d’officier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2014.
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