Souvenirs du rivage des morts

L’errance d’un terroriste de l’Armée rouge japonaise. Un roman qui allie habilement l’intime et la grande Histoire
De
Michaël Prazan
Editions Rivages
208 pages
20€
Notre recommandation
4/5

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Lu / Vu par

Thème

Le Japon des années 1960-70 a été tiraillé par de nombreuses manifestations étudiantes et mouvements communistes. Ces derniers se sont radicalisés dans une errance sectaire avant d’essaimer à l’international, jusqu’en Palestine. Michaël Prazan nous fait revivre ces évènements de l’intérieur, de façon très documentée, en inventant deux personnages qui côtoient les protagonistes historiques. Le personnage principal, Yasukazu, devenu grand-père, a toujours caché son passé à sa famille. Il finira par leur révéler au cours du roman.

Points forts

  • Un roman très documenté, s’appuyant sur de nombreux faits réels, qui permet de comprendre les dérives de l’Armée Rouge japonaise et son lien inattendu avec le terrorisme palestinien.
  • L’acuité psychologique de l’auteur pour détailler comment un étudiant en quête d’idéal se laisse embrigader dans des purges insensées, dans des meurtres collectifs de camarades dans les montagnes nipponnes, puis, loin du Japon, dans le terrorisme international.
  • L’habileté à introduire de la fiction tout en respectant les événements historiques.
  • L’alliance de l’intime et de la grande Histoire.

Quelques réserves

Ça n’est qu’un détail, mais l’auteur utilise de nombreuses onomatopées japonaises dont on ne comprend parfois pas quel bruit elles tentent de restituer.

Encore un mot...

La reconstitution minutieuse des dérives des factions communistes du Japon des années 1960-1970, largement oubliées aujourd’hui.

Une phrase

- « Au début, tenta-t-il d’expliquer, c’était comme un jeu. Kato, leur première victime, avait refusé de se soumettre à l’autocritique. Nagata et Mori, les dirigeants, n’avaient pas eu l’intention de le tuer. Seulement de lui donner une leçon. L’aider à devenir plus fort, plus obéissant. C’est ce qu’avait déclaré Mori, en aparté, avant la séance de tabassage. Il se vantait de ses exploits au kendo. Il avait raconté cette anecdote, quand il était tombé dans les pommes au milieu d’un combat, au club de l’université. Il avait eu l’impression d’être un autre homme en reprenant connaissance. C’était comme une résurrection. Il s’était senti plus fort, plus obéissant. Mori était persuadé que si on battait suffisamment Kato, jusqu’à lui faire perdre connaissance, Kato se réveillerait changé, capable de faire son autocritique. » 

- « On nous reproche la mort de “civils innocents”… C’est le principal argument utilisé par les impérialistes pour nous discréditer. En réalité, il n’y a ni civils, ni victimes chez les sionistes ! Tous sont coupables de l’oppression subie par les Palestiniens. Pour illustrer cela, prenons le cas le plus problématique : celui des enfants. Comme dans toutes les guerres, il arrive que des enfants meurent au cours de nos opérations. Les impérialistes nous accusent de barbarie, de commettre des meurtres… Or personne n’est innocent dans le système colonial, pas même les enfants ! La progéniture des juifs grandira, elle fera le service militaire qui est obligatoire chez eux. Ça veut dire que ces mêmes enfants porteront un jour des armes qu’ils pointeront sur nous ! »  

L'auteur

Spécialiste des mouvements radicaux des années 1960 et des idéologies révolutionnaires, Michaël Prazan est essayiste, romancier et réalisateur. Il a notamment réalisé pour Arte Japon, années rouges, et publié en 2002 au Seuil Les Fanatiques, deux documents racontant les dérives de l’Armée rouge japonaise. Il est né en 1970.

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