Un jardin pour royaume
Publication en août 2024
199 pages
20 Euros
Infos & réservation
Thème
La narratrice est une mère de famille qui voit partir son dernier enfant de la maison familiale. La nostalgie, la tristesse l’envahissent : « une reine déchue de son royaume ». Encouragée par les siens, elle décide de reprendre une thèse sur Jean-Jacques Rousseau et la botanique, thèse abandonnée en se mariant il y a 23 ans. Elle revient à Ermenonville dans le pays du Valois, lieu de la fin de vie de Rousseau, mais aussi lieu de son enfance.
Points forts
- L’écriture est très belle, fine et parfaitement ciselée.
- En reprenant le chemin de sa thèse, la narratrice reprend le parcours de sa vie.
- Tout d’abord, la description forte de son quotidien après le départ des enfants du nid familial : comment combler ce vide après avoir vécu avec enthousiasme sa vie de mère : « J’étais mère, j’étais reine ». (page 22)
- L’alternance de la vision de Rousseau sur la nature et l’éducation et la vision de la propre enfance de la narratrice, une vie atypique et heureuse. Nous la suivons dans cette jeunesse avec des parents « néo-ruraux », venus vivre à la campagne leur rêve d’être au plus près de la nature. Une longue description de cette vie loin du monde moderne en développement : au milieu d’enfants de fermiers et ouvriers attachés à leurs terres, l’école communale avec deux institutrices pour six classes, le bal populaire…. Puis ce sera la confrontation avec la réalité sociale lors de l’entrée au collège.
- Le volet historique avec les dernières années de Rousseau (qu’elle n’aime guère). Il a théorisé sur une certaine éducation alors qu’il a abandonné ses cinq enfants. Mais accueilli par le Marquis de Girardin en son château et ses jardins d’Ermenonville, il y cultive ses promenades, ses rêveries, et « conseille » le Marquis pour son fils aîné.
- La conquête progressive de la ville sur ces terres de l’Oise par la construction de l’aéroport de Roissy, le parc d’attractions La Mer de Sable, Disney…
- Ainsi est vandalisée pour la narratrice sa campagne pour l’expansion des banlieues comme fut vandalisé le jardin de Rousseau par les révolutionnaires : deux ruptures.
Quelques réserves
Un début un peu convenu, et un « agacement » devant cette mère qui s’apitoie sur elle-même.
Des longueurs dans les passages sur Rousseau
Encore un mot...
En juxtaposant deux époques, Rousseau et le Marquis de Girardin avec la sienne, mère de famille aimante ayant vécu une enfance au plus près de la nature, Gwenaëlle Robert nous livre une réflexion sur l’enfance et sa fin (mais quand a- t’- elle lieu cette fin de l’enfance ?), sur ce royaume perdu, sur la nature que l’on aménage en la détruisant, sur le temps qui passe. C’est un récit pudique et plein de nostalgie.
Une phrase
« Je ne suis plus reine de rien depuis que les enfants ont déserté le royaume que j’avais façonné pour eux » p.18
« J’ai passé quatorze années cachée dans les replis de la campagne où mes parents avaient choisi de s’installer, à l’aube des années quatre-vingt, séduits par sa position reculée, à l’écart d’un monde qu’ils jugeaient déliquescent. Enfants du baby-boom paradoxalement réfractaires à la société de consommation, ce monstre dont les Trente Glorieuses avaient accouché sous leurs yeux, ils croyaient au mythe d’un retour à la nature » p.36
« Jamais il n’y eût monarques plus libéraux que mes parents. Leur règne obéissait à une utopie douce, sans aucune dérive despotique. J’y contractai le goût de la liberté et de l’indépendance » p.41
« Il faut voir grandir un être, de sa naissance à sa maturité, pour prendre la vraie mesure des jours. S’il n’existait qu’un mot commun à tous les parents du monde, ce serait celui-ci : « déjà ? » et sa variante résignée « déjà ! »
L'auteur
Gwenaëlle ROBERT est professeur de Lettres et écrivain. On retiendra, entre autres de ses livres, Le dernier bain en 2019, et Never mind en 2020.
Sur Culture-Tops : Never Mind.
Ajouter un commentaire