BUNKER. Lettres de Magda Goebbels
Magda Goebbels, humaine, trop humaine
De
Christian Siméon
Mise en lecture Johanna Boyé
Avec
Julie Depardieu et Stefan Druet Toukaïeff
Notre recommandation
4/5
Infos & réservation
Théâtre Tristan Bernard
64, rue du Rocher
75008
Paris
01 45 22 08 40
Jusqu’au 23 décembre 2023. Les jeudi 19 heures et vendredi 21 heures
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Thème
- À travers une correspondance fictive, Magda Goebbels, femme flattée par la convoitise des hommes et envoûtée par le pouvoir suprême nazi, se livre à une insolite confession épistolaire.
- Avant de devenir la première femme du Reich, elle s’illustre dans de mièvres ambitions narcissiques composées d’errements politiques, aussi contradictoires qu’inaboutis, à la recherche d’une cause, tout en peaufinant des stratégies matrimoniales plus ou moins réussies.
- Pourtant, grâce à ce portrait reconstitué, l’atmosphère plus que l’histoire de l’Allemagne de la fin du règne de Guillaume II à la chute du IIIe Reich s’incarne dans le destin d’une femme, certaine d’être l’élue du Führer, appelée à jouer un rôle extraordinaire dans le triomphe de la nouvelle ère nationale-socialiste dont l’engagement ira jusqu’aux sacrifices les plus extrêmes.
Points forts
- Une mise en lecture portée par deux comédiens à la puissante présence scénique.
- L’évocation de l’histoire allemande d’une guerre mondiale à l’autre, aussi tragique que criminelle, se construit par petites touches qui situent les moments de basculement, sans effets grandiloquents, l’autodafé des ouvrages écrits par des auteurs juifs ou marxistes permettant de saisir les mouvements de foule de la rue tenue par les nazis.
- L’écriture, incisive et précise, sous forme de compte à rebours par rapport à la prise du bunker d’Hitler par l’Armée rouge, atteint ses objectifs par des pointes maîtrisées comme un pinceau sur une toile.
- L’attraction hystérique et l’emprise hypnotique qu’exercent sur l’auditoire - en particulier féminin - les grandes messes du NSDAP, les voix, discours et mises en scène des dignitaires nazis, avec au premier chef Hitler et Goebbels, puissant ministre de la propagande, servent de fil rouge à la narration, tout en se confrontant à la brûlante question de l’extermination des juifs d’Europe.
Quelques réserves
De gros bémol sur le fond :
- Comme si le fanatisme pouvait être tempéré, la naïveté des remarques prêtées à Magda Goebbels concernant le sort des juifs semble peu vraisemblable, tant cette femme s’engouffre - sans un regard en arrière ni la moindre hésitation, et avec l’enthousiasme le plus aveugle - dans l’entreprise criminelle d’envergure qu’est le nazisme, dont elle partage tous les préjugés monstrueux, avec la conviction orgueilleuse d’incarner l’idéal maternel féminin national-socialiste.
- Une fiction peut sans doute sous-estimer son adhésion à la politique antisémite du IIIe Reich afin de restituer à son personnage une part d’humanité - on cherche en vain laquelle - mais la mère qui persiste dans le refus de sauver ses enfants n’a sans doute eu aucun remords, encore moins de mauvaise conscience, concernant les millions de juifs assassinés par des nazis qui ne les considèrent pas comme des êtres humains, mais comme des parasites qu’il faut éradiquer. Pour cette raison, on ne croit pas une seconde aux apitoiements de madame Goebbels.
- Quant à la forme, on déplorera la prononciation des mots allemands inaudible.
Encore un mot...
- Suivre Magda, future égérie du IIIe Reich, depuis son adolescence jusqu’à son suicide dans le bunker de son Führer adoré, pose la question essentielle de la fascination des femmes pour le pouvoir, fût-il hautement criminel.
- Sa liaison avec un juif russe sioniste qu’elle était prête à suivre à Jérusalem entre ses deux mariages, montre la versatilité d’une personnalité dont les choix semblent guidés par des injonctions intimes, mouvantes, finalement satisfaites par la légende nationale-socialiste, promesse de grandeur et d’éternité.
- Le trio formé par Magda, Joseph Goebbels et Hitler, liés dans un jusqu’au boutisme morbide, s’apparente finalement à la destruction des valeurs qu’ils prétendaient incarner.
Une phrase
« Le nazisme sauvera l’Allemagne. »
« Hitler est un prophète qui règne sur les foules. »
« Le savoir c’est le pouvoir. »
L'auteur
- Christian Siméon, auteur-sculpteur aux multiples talents, est né en 1959, et mène de front ses recherches de plasticien et une prolifique œuvre d’écriture théâtrale composée d’une trentaine de pièces depuis les années 1990. En 2004, il s’est vu décerner le prix Nouveau Talent Théâtral de la SACD.
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