Chroniques festivalières d'Avignon - 20 juillet

Notre recommandation
4/5

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Marion 13 ans, pour toujours - de Frédéric Andrau, Valérie Da Mota, Nora Fraisse, Jacqueline Rémy

Mise en scène : Frédéric Andrau

Théâtre Pierre de Lune - 10H15

Avec : Frédéric Andrau, Valérie Da Mota, Nina Thiéblemont

Un spectacle indispensable sur le harcèlement scolaire. Nora et David se lancent dans un dialogue avec leur fille Marion, qui s’est donné la mort, victime de harcèlement scolaire. Ils partagent avec elle leurs interrogations, leur enquête, certaines scènes d’avant et d’après son départ. Ils s’amusent ensemble à parodier une société perdue face à ce phénomène. Le couple arrive ainsi à recoller les morceaux, à voir avec quelles logiques, quelles maladresses tout s’est enchainé, pour enfin trouver la force de s’occuper des vivants ... Avancer.

Voilà un des plus délicats spectacles réalisés sur le sujet sensible du harcèlement. Dans une simplicité scénographique et un jeu d’ombres et de lumières savamment étudié, les trois comédiens nous entraînent dans les conséquences de ce fléau invisible.
« Il faut s’occuper des vivants » doit être notre credo, mais quand tout nous est tu comment voir, deviner ? Le monde de l’adolescence nous est livré avec ses cruautés et ses violences sourdes, l’utilisation d’un vocabulaire destructeur. Comment se crée l’isolement chez l’enfant ? Comment l’entourage, les parents se sentent démunis et sans armes face aux réseaux sociaux et ces enfants qui sont trop tôt « responsabilisés » face à ces médias qui échappent à tout contrôle. On entend des mots simples, des phrases qui touchent, l’écriture est percutante et nous gifle avec ces mots anodins entendus tous les jours. C’est un spectacle indispensable et urgent d’une très belle facture, un appel à la vigilance, un cri d’alarme dans la douceur et la tendresse. Une belle urgence théâtrale.

Recommandation : 4 coeurs

 

La pleurante des rues de Prague - de Sylvie Germain

Mise en scène  et interprétation : Claire Ruppli

Théâtre des Vents - 11H20

Une géante, au pied clochant, semeuse de visions, apparaît dans les rues de Prague. Elle est le temps, la mémoire de la ville, celle des victimes inconnues, des enfants de Terezin, de Bruno Schulz, de nos disparus. Elle porte les larmes des vivants et
des morts. Elle fait resurgir l’invisible dans l’invisible. Cette pleurante est “plurielle, elle n’a pas de visage”. Elle est hasard, chance, poésie, pitié, beauté. De ces mots qui traduisent la langue de l’âme, de ces silences qui nous rappellent être en vie, naît l’évidence de rejouer ce texte...

Elle est seule, aérienne, musicale et fantomatique. Elle erre avec sa voix claire et mélodieuse et comme la petite sœur de Prévert « le désespoir est assis sur un banc », il ne faut pas s’asseoir à côté d’elle, ni voir son visage sous peine de réveiller nos souffrances. Cette « pleurante des rues de Prague » merveilleusement poétique et onirique, interprétée par Claire Ruppli, éclaire de sa voix cristalline les vieilles pierres du théâtre des Vents en provoquant des images sonores par une diction parfaite qui pousse le verbe à se faire couleur et décor. C’est comme une toile incessamment tissée et recommencée qui s’effiloche un peu plus chaque jour laissant échapper les malheurs et les douleurs du monde.

C’est une forme brumeuse, géante, qui enveloppe le monde qu’elle traverse pour se diluer et caresser dans un dernier souffle le cœur des hommes.

 

Arletty : un coeur très occupé - de Jean-Luc Voulfow

Mise en scène : Gilbert Pascal

Avec : Béatrice Costantini, Damien Bennetot

Théâtre de l’Oriflamme - 13H

La scène se passe en Juillet I970. Quand un jeune journaliste (séduisant, trop sûr de lui) force Arletty (furieuse), après avoir forcé (malicieusement) sa porte, à relire son courrier échangé pendant la guerre avec son bel officier Allemand (de 10 ans de moins qu’elle). L’évolution de leurs rapports durant cette rencontre étonnera le spectateur par tous ses rebondissements, ses révélations et ses nouvelles émotions, mettant à jour ces instants historiques aussi intimes et particuliers que la légende et la presse ont trop souvent fâcheusement falsifiés.

Le voile est levé sur cette relation « sulfureuse » mais tout simplement amoureuse et passionnée de deux cœurs perdus dans une guerre qui ne les concernait pas. Béatrice Costantini incarne avec brio et panache une Arletty au déclin de sa vie, flamboyante de ses derniers feux avec son franc-parler. Ni à charge, ni à décharge, elle se livre à ce jeune journaliste un tantinet hâbleur pour clore un chapitre personnel de sa vie qui fit plus que gloser. Dans ce petit combat à fleurets mouchetés entre ces deux protagonistes, la correspondance des deux amants s’égrène et lève le voile sur une Arletty intime, méconnue, loin de la star de son temps qu’elle fut. Période troublée qui ébranla les certitudes d’un cœur mais avec la foi résolue en un amour ancré dans un corps ardent. Loin des formules connues et ressassées de cette verve gouailleuse, ce spectacle est un hommage discret et sincère à Léonie Bathiat. Une certaine « atmosphère » qui ravit.

Recommandation : 3 coeurs

 

Sacha Guitry Intime d’Anthéa Sogno, en collaboration avec Marie Sion et Jacques Décombe

Mise en scène et jeu : Anthéa Sogno
Création lumière Luc Khiari

Théâtre de la condition des soies - 16H35

Sacha Guitry connut un destin extraordinaire d’auteur, acteur, cinéaste. Inexorable amoureux, il épousa 5 femmes sublimes. Une 6ème fut celle de toute sa vie : Fernande Choisel, sa fidèle secrétaire. Ce soir, elle qui fut le témoin privilégié, ouvre les portes de son bureau et nous livre ses confidences pour faire revivre les plus palpitants moments de la vie de son patron.

Elle est étonnante cette secrétaire de Mr Guitry. Son dévouement n’a d’égal que son admiration pour son patron et nous la découvrons avec bonheur. L’interprétation d’Anthéa Sogno est virevoltante, généreuse, vivifiante. Dans un décor raffiné et merveilleusement éclairé va défiler sous nos yeux toute une galerie de personnages singuliers souvent en couleurs. Toutes les femmes de Sacha vont alors défiler sous nos yeux et nous découvrirons alors les petits secrets du maître et feuillèterons les pages de son intimité. Un spectacle joyeux et tendre, un très beau livre d’images à savourer sans modération. 

Recommandation : 4 coeurs

 

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