Chroniques festivalières d'Avignon - 20 juillet 2025

Notre recommandation
4/5

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  • Le dernier cèdre du Liban –  de Aïda Asgharzadeh

Théâtre des Bêliers du 5 au 26 juillet à 18h50 - relâche les 9, 16, 23 juillet

Mise en scèneNikola Carton 

Avec : Maelis Adalle, Azeddine Benamara et Magali Genoud 

Eva, 17 ans, vit enfermée dans un Centre d’Éducation Fermé pour mineurs à Mont-de-Marsan. Brillante mais en colère contre tout, elle ne sait rien de ses origines : abandonnée à la naissance, ses parents sont une énigme. Jusqu’au jour où un notaire lui remet un étrange héritage : un vieux dictaphone et une boîte pleine de microcassettes. Dessus, la voix d’une femme. Sa mère. Journaliste de guerre, Anna Duval a sillonné le monde : la guerre du Liban, le discours d’Arafat à l’ONU, la chute du mur de Berlin… À travers des heures d’enregistrements bouleversants, Eva découvre non seulement le destin hors norme de cette femme, mais aussi, en filigrane, le récit de ses propres origines.

Crée il y a quelques années cette reprise de ce spectacle est toujours aussi bouleversante.

La magnifique interprétation des trois artistes sur le plateau nous émeut et nous fait vibrer aux déchirements de la mère et de la fille qui n’auront que des rendez-vous manqués mais le sceau commun d’une vie libre aux accents combattifs et engagés.

C’est une également une histoire d’amour hors norme et déchirante. Un hommage vibrant à ces femmes reporters de guerre qui au péril de leur vie et de nombreux sacrifices se font les témoins des horreurs du monde. Magali Genoud incarne à merveille les blessures et les souffrances intimes d’une femme rendue mère par le hasard au remords jamais apaisé. Azeddine Benarama est épatant d’humanité dans les nombreux personnages qu’il incarne et la révolte et la rage intérieure qui la ronge donne à Maelis Adalle une lumière vibrante.

Une mise en scène électrique qui entrechoque le temps pour développer une narration aussi fragmentée que celle de nos mémoires fonctionne à merveille. Un passage obligé pour découvrir le secret de ce qui se cache au coeur de l’allégorie du dernier cèdre du Liban.

Recommandation : 5 cœurs

 

  • L’ouvrir – de Morgan·e Janoir

11 Avignon du 5 au 24 juillet à 11h45 - relâche les 11, 18 juillet

Mise en scène : Morgan·e Janoir

Avec : Valentine Gérinière, Morgan·e Janoir et Pauline Legoëdec 

Elles sont trois au plateau pour accompagner pas à pas le dévoilement d’Alex, jeune fille à la vie bien rangée qui, au seuil de sa vie d’adulte, se découvre lesbienne. Un glissement en musique, une enquête intime où la découverte de soi accompagnera celle d’un nouveau monde où elle trouvera enfin sa place et pourra bâtir une nouvelle vie entre sororité et militantisme.

Tout est dans la douceur et la délicatesse, sur le sujet de la quête de son identité et de son désir. Qu’est-ce qui fait basculer le désir ? Ne sait-on jamais au fond de soi ce que nos voix nous disent et que nous ne voulons pas entendre. Car rien n’est honteux, rien n’est scandaleux dans ce « basculement » de notre intimité. La forme choisie de l’auto-fiction et du témoignages sonore recueillis dans des entretiens enregistrés nous baigne dans une fable moderne ou Jacques Demy, côtoierait Agnès Varda. Un texte où la sororité résonne sans prosélytisme ni revendication mais dans une évidence et avec bienveillance. « il suffit de passer le pont » et d’être à l’écoute de soi. Un magnifique spectacle qui passe sur nous comme une caresse qu’on voudrait rendre.

Recommandation : 4 cœurs

 

  • Les bonnes – de Jean Genêt

L’albatros Théâtre du 5 au 26 juillet à 15h15 - relâche le 17 juillet

Mise en scène : RomainDubos

Avec : Natacha Leytier, Emilie Valin et Sophie-Anne Lecesne

Les deux sœurs Claire et Solange sont au service de Madame. En son absence, elles jouent leur "cérémonie". Elles mettent ses robes, copient ses attitudes et condamnent son bonheur bourgeois. Mais elles s'accusent surtout réciproquement d'apparaître comme le reflet de leur servitude et de leur mal-être : "(...) j'en ai assez de ce miroir effrayant qui me renvoie mon image comme une mauvaise odeur. Tu es ma mauvaise odeur."

Voilà une belle représentation de ce chef d’œuvre de Genêt. Monté au vitriol par Romain Dubos, il s’ingénie à perdre les personnages de Claire et Solange dans les limites du jeu de rôle et leur personnalité authentique. Seule Madame – incarnée par la rayonnante Sophie-Anne Lecesne – est ancrée dans une réalité fantasmée par son personnage. Emilie Valin et Natacha Leytier forment un duo saisissant, tranchantes comme des scalpels, elles mènent une lutte désespérée et sans merci pour sublimer une vie médiocre faite de frustrations et de renoncements qui les mèneront au pire. Un spectacle où la tension permanente nous malmène tout autant qu’elle nous fascine. 

Recommandation : 4 cœurs

 

  • Opérette à Ravensbruck  - De Germaine Tillion

3. S. 10th Avenue du 5 au 26 juillet à 10h15 - relâche les 7, 14, 21 juillet 

Mise en scène : Claudine Van Beneden 

Avec : Solène Angeloni, Angeline Bouille, Isabelle Desmero, Raphaël Fernandez et Claudine Van Beneden 

Germaine Tillion , déportée à Ravensbruck écrit une opérette-revue qui met en scène un conférencier qui expose ses théories sur les « Verfügbar » - l’espèce des déportées… Face à lui une groupe de prisonnières chantent et dansent pour contester, dénoncer.

Dénoncer l’horreur des camps en contournant le sujet pour résister au désespoir et raconter le sort des femmes du camp de Ravensbruck. Revêtir le costume de l’opérette et de la légèreté, c’est l’entreprise folle et courageuse, héroïque de Germaine Tillion, grand témoin de l’époque. Un spectacle inachevé et quasiment oublié dans la mémoire de l’Histoire et qui vient nous percuter en plein cœur de ce festival 2022.

Non, ce n’est pas un énième spectacle sur les camps mais un témoignage direct sans fards de celles qui ont été marquées dans leur chair. Le principe-prétexte de la conférence ethnologico-scientifique en fait une œuvre originale qui mêle adroitement la légèreté de la musique et l’écriture cinglante du livret. Une pièce plus que nécessaire pour faire connaître aux jeunes générations ce que fut cette époque et une bonne piqûre de rappel pour des consciences qui ont tendance à s’endormir. « Le ventre est encore chaud d’où est sortie la bête immonde ». Ne passer pas à côté de ce spectacle majeur.

Recommandation : 4 cœurs

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